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[16 août 1911]

Le lucane. On m'a envoyé des Pyrénées, dans une touffe de bruyères, un lucane, ce grand coléoptère à formidables et inoffensives cornes, que le peuple appelle un cerf-volant, et je fus un peu surpris de trouver parmi les bruissantes petites fleurs ce monstre des insectes. Cependant, je me familiarisai, je me mis en tête de lui assurer au moins quelques jours de sa brève existence. Mis dans une armoire de verre, il s'obstinait à scruter les montants qui lui rappelaient l'arbre natal, et patiemment il attendait qu'en découlassent les sucs accoutumés. Alors j'eus l'idée de le nourrir avec des épluchures de pêches saupoudrées de sucre ; il accepta cela et vécut ce que vivent les lucanes, quelques soirs, car ces magnifiques et délicates bêtes sont destinées à périr dès qu'elles ont fécondé une femelle, et pourtant quels chefs-d'œuvre de construction, de mécanique, de coloris ! Prodigue nature, et comme tu te passes bien d'intelligence et même de tout instinct non élémentaire ! Qu'est-ce que c'est que de vivre, si un lucane vit ? J'écris cela pour qui me l'envoya et qui me fit plaisir (Epilogues, volume complémentaire).