Le Charmeur d'oiseaux

Le charmeur d'oiseaux des Tuileries est menacé de devenir aveugle. On le soigne aux Quinze-Vingts. Mais s'il ne peut plus voir, il entendra encore ses petits amis ailés, car il compte bien revenir parmi eux aux heures habituelles. Il paraît que les premiers jours qu'il leur manqua, moineaux et colombes étaient fort désemparés. Sans doute, ce qu'ils regrettaient surtout, c'était les miettes de pain, mais c'était aussi la main qui les distribuait, la voix qui leur parlait, la silhouette de cet homme qui, tout entier, était bon pour eux. Car les animaux les plus craintifs et même les plus farouches ont une sympathie pour qui les aime. Ils savent entre tous le reconnaître ; ils lui sont familiers avec bonheur. Mais tous ceux qui aiment les animaux, ne sont pas aptes à les apprivoiser. C'est un don, mais c'est aussi un art que l'état de charmeur d'oiseaux. Il y a beaucoup d'oisifs méthodiques dans les squares et dans les jardins ; ils voudraient bien se montrer à la foule des promeneurs entourés d'un essaim piaillant de moineaux, mais ils n'ont pas le charme. Les moineaux picorent le pain, mais gardent leur méfiance. Ils arrivent en sautillant dans l'herbe, happent la miette et filent. Le vrai charmeur n'a qu'à se montrer, même sans provisions de bouche, et les oiseaux de tous côtés accourent, non plus en se dissimulant et avec des gestes apeurés, mais franchement et avec joie. C'est une fort jolie chose et qu'on regarde toujours avec plaisir. Je ne connais guère le charmeur des Tuileries, mais je me suis bien des fois arrêté à quelques pas de celui du Luxembourg. Il ne faut pas s'approcher de trop près, quand on n'est pas de la carrière. Les oiseaux ne donnent pas leur confiance au premier venu (Le Chat de misère).

Les Oiseaux d'eau

Quand on se promène au bord d'une rivière, d'un rivage ou d'un marais, on peut rencontrer près de deux cents différentes espèces d'oiseaux. Pas toutes à la fois, bien entendu : les unes peuvent s'apercevoir en tout temps, d'autres selon les saisons. Enfin il y en a un certain nombre qui n'abordent chez nous que poussées par le hasard des tempêtes, quelques-unes dont c'est une question de savoir si on les y a jamais aperçues, car ces oiseaux d'aventure n'attendent pas généralement la présence d'un naturaliste pour se manifester, et les descriptions des paysans ou des promeneurs manquent singulièrement de précision. Je trouve ces détails et beaucoup d'autres, ainsi que la figure de la plupart de ces jolies bêtes, dans l'ouvrage, qui vient de paraître, de M. Louis Brasil, et depuis je ne fais que regarder les oiseaux d'eau. Songez que l'on peut rencontrer au bord d'un marais l'extraordinaire demoiselle de Numidie, si caractéristique avec son long manteau de plumes grise qui traîne presque jusqu'à terre et le singulier accroche-cœur de plumes blanches qui se recourbe, en partant de l'œil, le long de sa tête fine et sérieuse ! Que venait faite sur les étangs de l'Allier ou de la Somme cette habitante de l'Afrique ? Que venait faire à Dieppe et surtout à la Trappe, sur l'étang de Chaumont, l'albatros, l'oiseau de Diomède aux vastes ailes (Diomedea exhulans) ? Que viennent faire en France l'ibis ou le grand pélican blanc ? Ce sont tout simplement des oiseaux égarés. On en voit aussi qui, guidés par un vague retour d'instinct, reprennent au hasard le chemin des endroits que leurs pères ont jadis fréquentés, car plusieurs espèces, jadis abondantes chez nous, ont déserté devant l'insistance des chasseurs, comme le héron, jadis si commun en Normandie (Nouvelles dissociations).