La Revue blanche (1989) |
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NoticeEdition originale : La Revue blanche, histoire, anthologie, portraits, par Olivier Barrot et Pascal Ory, série « Fins de siècles » créée par Hubert Juin et dirigée par Jean-Baptiste Baronian, 10/18, 1989. Deux textes de Remy de Gourmont ont été retenus : 1. « Le symbolisme », pp. 41-44, primitivement paru dans le n°9 de juin 1892, pp. 321-325 et recueilli dans L'Idéalisme, Mercure de France, 1893 2. Réponse à une « Enquête sur l'influence des lettres scandinaves », pp. 128-129, primitivement parue dans le n°89 du 15 février 1897, pp. 156-157 [réponses de MM. PAUL ADAM, VICTOR BARRUCAND, HENRY BECQUE, GEORGES BRANDÈS, ALFRED CAPUS, JULES CLARETIE, REMY DE GOURMONT, LÉON HENNIQUE, A.-FERDINAND HEROLD, ERNEST LA JEUNESSE, GUSTAVE KAHN, GEORGES LECOMTE, LUGNÉ-POE, STÉPHANE MALLARMÉ, OCTAVE MIRBEAU, LUCIEN MUHLFELD, GEORGES OHNET, MARCEL PRÉVOST, RACHILDE, JULES RENARD, ALFRED VALLETTE, FERNAND VANDÉREM, EMILE VERHAEREN, FRANCIS VIELÉ-GRIFFIN, ÉMILE ZOLA] Enquête La revue blanche a adressé à vingt-cinq personnes, choisies dans des milieux littéraires très divers, les questions suivantes : 1° Estimez-vous que les lettres françaises aient récemment subi une influence des littératures étrangères et, SPÉCIALEMENT, DES LITTÉRATURES SCANDINAVES ? 2° Dans quel sens cette influence se serait-elle exercée ? et, à votre avis, est-elle à favoriser ou à combattre ? Voici les réponses que nos correspondants ont bien voulu nous faire tenir : VII Les littératures étrangères ont toujours influé sur la littérature française, et réciproquement. Il y a fort longtemps que l'Europe est, en cela, assez fraternelle. Récemment, nous subîmes une influence double, quoique enchevêtrée dans ses résultats, philosophique et littéraire : philosophique, de l'Allemagne, d'où vint l'idéalisme tel que vulgarisé par Villiers de l'Isle-Adam et de plus jeunes. Nietzsche a sans doute une responsabilité dans la folie d'écrivains quasi-impubères, petits sur-humains pathologiques ; philosophique encore, de l'Amérique : Emerson repensé par M. Maeterlinck, et d'autres, mais dont l'essentiel est entré directement dans l'esprit général de la littérature nouvelle pour y encourager l'esprit particulariste et de révolte contre la lâcheté intellectuelle ; philosophique encore, de la Norvège par Ibsen, mais plus diffuse ; on peut la prévoir assez intense dans un proche avenir ; littéraire : Ibsen aura une influence ; on ne l'a pas encore sentie ou du moins elle ne s'est pas encore montrée ; littéraire encore : plusieurs écrivains ou poètes anglais, Browning, Pater, et beaucoup Poe, par M. Mallarmé, son fils ; et beaucoup Whitman, dont les vers-versets ont peut-être suggéré telle forme de notre vers libre. La littérature de langue anglaise nous a toujours donné beaucoup ; elle est d'ailleurs, avec la nôtre, la seule littérature complète, où soient représentées toutes les variétés du génie et des œuvres ; les autres, ou n'ont jamais vécu, ou sont mortes, ou ne présentent que des vitalités passagères. C'est, ce dernier cas, sans doute celui des littératures scandinaves. Un arbre, ni deux, ni trois, ne font une forêt. Ibsen est très grand, mais il n'a encore engendré que de l'ombre. Résumé. Je vois, en France, l'influence littéraire scandinave jusqu'ici nulle. REMY DE GOURMONT P.-S. Combattre ou favoriser des influences littéraires réelles ou possibles me semble également vain. La graine trouve toujours son terrain. Note des Amateurs : l'ensemble de l'enquête est disponible sur Gallica. A consulter : La Revue blanche |