Kikou Yamata : La Vie féminine au Japon........................................................................ 289
Gustave Kahn : Notes sur Rodin...................................................................................... 313
Edmond Pilon : Ronsard au Jardin, poème....................................................................... 326 Ambroise Got : Le Surpeuplement de l'Allemagne............................................................. 328 Léon Deffoux et Pierre Dufay : Du Pastiche et des Influences littéraires. Laurent Tailhade.... 344
René Lobstein : Mercure ou les Douze Douzains du Négoce (fin)........................................ 363
Jules Borély : Au Maroc en 1789.......................................................................................373
Marcel Rouff : Guinoiseau ou le Moyen de ne pas parvenir, roman (I)................................... 395
REVUE DE LA QUINZAINE Jean de Gourmont : Littérature, 451.
André Fontainas : Les Poèmes, 456.
John Charpentier : Les Romans, 461.
Georges Bohn : Le Mouvement scientifique, 466.
Camille Vallaux : Géographie, 471.
A. Van Gennep : Préhistoire, 475.
Charles-Henri Hirsch : Les Revues, 479.
R. de Bury : Les Journaux, 484.
Une initiative de M. Georges Crès pour les œuvres littéraires sacrifiées (Les Nouvelles Littéraires, 3 mai). Un numéro spécial consacré à Remy de Gourmont (Les Nouvelles Littéraires, 10 mai). Remy de Gourmont et Anatole France (Le Journal Littéraire, 10 mai).
Gustave Kahn : Art, 490.
Camille Pitollet : Bibliothèques, 495.
Jean-Marie Carré : Notes et Documents littéraires, 502.
Pierre Mac-Orlan : Chronique de Paris, 505.
Paul Souchon : Chronique du Midi, 509.
Georges Marlow : Chronique de Belgique, 514.
Jean Cassou : Lettres espagnoles, 521.
Ali-Nô Rouze : Lettres persanes, 528.
J. Rabéarivélo : Lettres malgaches, 532.
Divers : Bibliographie politique, 540.
Mercure : Publications récentes, 553. Echos, 556.
En l'honneur de Remy de Gourmont. Une lettre de M. André Gide. J.-H. Fabre et Ferton. Une lettre de M. Camille Vettard. Prix littéraires. Les vers d'Henri Becque A propos des lettres de Mallarmé à Mistral. Une lettre de M. Ernest Delahaye sur Rimbaud. Sur un poème d'Alfred de Vigny. Vous parlez français. La recherche des cœurs. A propos des contrepetteries. Le pix des places au Théâtre-Français en 1885 et en 1924. Les ennuis d'une lectrice à la Bibliothèque Nationale de Madrid. Les anecdotes qui se répètent. Publications du « Mercure de France ».
[...] Pour faire mieux comprendre encore l'utilité du projet Georges Crès, j'imagine que si aujourd'hui le Remy de Gourmont du Chemin de velours apportait son manuscrit à un éditeur, il ne pourrait peut-être pas l'éditer.
Les Nouvelles Littéraires consacrent un numéro spécial à Remy de Gourmont, et y publient un très beau sonnet d'Henri de Régnier : Gourmont.
Salut à vous, Gourmont, le Subtil et le Sage,
A qui la gloire mit cette plume à la main
Pour, d'un docte travail sans repos ni déclin,
Enrichir à jamais la blancheur de la page.
L'Idée, en son multiple et changeant paysage,
Vous en sûtes chaque détour et tout chemin,
Et vous ayez tiré votre vivant butin
D'un royaume d'esprit qui fut votre apanage.
De votre haute chambre où la lampe à son feu
Eclaira, tant de soirs, la naissance du jeu
Dont vous seul connaissiez le mystère et les lois,
Vous dominiez le temps afin de lui survivre
Aussi bien que les Dieux, les Héros et les Rois,
Car l'aile de Psyché tremble aux feuillets du Livre.
Une page de souvenirs de Rachilde : Le doux Remy.
Mais oui ! c'est bien Remy de Gourmont dont il est question dans cette page de souvenirs ! Il fut un temps où l'on pouvait dire de lui : le doux Remy. Petit homme pâle, aux yeux clairs, très bleus, de tenue négligée, sans aucun souci du tiré à quatre épingles, non plus que du tiré à la ligne des jeunes apprentis de lettres d'aujourd'hui, il parlait en bégayant, n'affirmait rien, puis, tout d'un coup, vous sortait un brillant paradoxe comme un gentilhomme sachant tout de même manier l'épée : « Rachilde... je... je... vais... vous dire... ce que vous êtes : un garçon manqué qui cherche son sexe dans le romantisme. Si vous finissez par le trouver, vous... vous... serez un personnage étonnant... un personnage de roman, bien plus qu'un romancier ! » Et il ajoutait : « Moi... moi... mon ambition, ce serait de dire des vérités et... en...core la vér...ité, ce n'est pas toujours la vérité ! Elle a tant de faces !... »
On se promenait quelquefois au Luxembourg, ce n'était pas la Nuit au Luxembourg, c'était plutôt le matin, car on me rencontre plutôt à l'aurore qu'au couchant ! Il marchait à petits pas et acontait [sic] à mi-voix, comme pour lui seul, des histoires qui étaient amusantes par le fond, sinon par la forme (car Remy de Gourmont a cherché, lui, très longtemps, sa forme, sinon sa formule).
Il avait une tendresse particulière pour les sirènes : « Les si... si...rènes ont certainement existé... C'étaient des femmes-poissons, mais nées vraiment d'accouplements monstrueux de marins en ribote avec des chiens de mer, en l'espèce des chiennes, je pense. Toute légende a son fondement, sa racine naturelle. Il ne faut pas croire que nos religions reposent sur autre chose que des particularités de l'Histoire. Où ça s'embrouille, c'est quand la littérature s'en mêle ! Quand un bruit court avec insistance, ce n'est pas toujours une calomnie !.. Et je ne regarde jamais les otaries sans un attendrissement qui prend sa source où vous savez ! »
Il riait d'un rire un peu toussotant qui faisait de lui, homme jeune, un philosophe avant l'âge.
Curieux de tout, il se retirait dans sa tour d'ivoire en emportant un tas de débris singuliers ; il fut, un moment, le génial chiffonnier de l'Histoire, car il ne négligeait rien, le détail, pour lui, renfermant le tout, ce qui est possible seulement pour le chercheur porteur du croc d'acier du jugement.
Le doux Remy était aussi un cynique. Pendant longtemps le journalisme lui demeura fermé à cause du fameux joujou patriotisme, tellement dépassé depuis, et on n'avait pas compris que, paradoxal comme il l'était, il ne pouvait pas faire une réaction chimique dans son creuset de grand savant sans employer des acides très violents. Comme il écrivait au Mercure de France, la seule revue respectant la copie, c'est-à-dire qui, l'ayant acceptée, l'admet dans toute son étendue et en supporte tout le poids sans jamais demander une rectification ou une atténuation, il avait l'habitude de ne pas s'occuper de l'opinion du public : « Nous sommes entre nous et nous n'aimons pas les importuns », ce qui est la légende de l'ours !
« Etre compris, me disait-il, c'est consentir à la vulgarité... Et puis... un temps viendra... »
Et le doux Remy, « qui se fâchait lorsqu'on mettait un accent sur la première syllabe de son nom », disait encore à Rachilde :
Il y a les taches d'encre de Maurice Barrès. Vous comprenez ses phrases accadémiques [sic] et ce sont des statues grecques. Elles ne vivent pas, car elles n'ont qu'un mouvement de draperie. Heureusement pour vous, chère petite Rachilde, que vous ne savez pas écrire et que vous n'apprendrez jamais. Vous portez votre littérature comme un pommier ses pommes. C'est, du reste, tellement mieux que de se pencher sur des creusets où l'on s'abîme le teint !
Dans ce même numéro, à côte de Pensées inédites, voici des souvenirs de l'Amazone qu'a recueillis M. Martin du Gard, Une heure avec... Marcel Coulon, l'historiographe de Remy de Gourmont, par M. Frédéric Lefèvre, une étude sur l'Imprimerie Gourmontienne et le Gourmont-Club par Legrand-Chabrier, une intime évocation, et ces Notes et Souvenirs où Paul Léautaud a fixé avec intelligence, émotion et sincérité, le visage de celui qu'il a aimé et admiré sans vaine flagornerie et sans se servir de cette amitié comme d'un levain de gloriole.
Dans Le Journal littéraire, Miss N. C. Barney parle de Remy de Gourmont :
Au moment où l'on va municipalement glorifier Remy de Gourmont par une plaque commémorative sur sa maison, 71, rue des Saints-Pères, je songe aux dernières fois que je passais dans sa mansarde, où tout m'était familier et cher, d'où le bibelot rare et l'oripeau antique étaient également exclus, où les murs étaient de livres et l'atmosphère de pensées (grillagées les fenêtres pour qu'elles ne sortent pas par là).
Je lui rapportais des paroles d'éloquente admiration d'Anatole France.
Il en eut quelque plaisir, puis son œil plus lucide, trop lucide, contrôla :
« France ne pense pas tout ce qu'il dit quand il loue. »
Moi je crois avec une déférence respectueuse en la sincérité d'un tel homme lorsqu'il loue un tel homme. Et puis ce jour-là, ému et rougissant, bien en circulation, en possession de ses vérités d'épiderme, et qui lui tiennent sinon au cœur du moins à la peau, et qu'il n'ose plus énoncer au public (le public étant, devenu une vieille fille trop éprouvée et insatisfaite pour n'être pas désobligeamment sensible). J'avais assisté et participé à l'inspiration de France prise au vif au presque vif de sa parole peut-être pas ses idées du jour, mais au moins ses idées d'hier, et qui encore le vivifiaient, le passionnaient. Et quel est celui de demain qui nous en donnerait de plus vraies ?
Gourmont goûtait l'esprit de France.
France savourait le silence de Gourmont.
Ces deux hommes savaient ce que les hommes ignorent trop : qu'il y a place pour, deux surtout lorsque l'un d'eux n'en accepte aucune !
Mais je crois aussi à la magnanimité de M. France. Il a peut-être subi des honneurs contradictoires par une incorrigible, charmante et timide politesse, mais toute son ironie vengeresse vient à son secours.
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