Le fiasco symboliste |
M. de Gourmont est un noble artiste, si ces idées nous choquent, si nous ne sommes d'accord avec lui sur aucun point d'esthétique et de philosophie, du moins estimons-nous sa dignité de caractère et saluons nous son talent. M. de Gourmont a débuté par un livre obscur ou la banalité du sujet se masque sous d'habiles transpositions symboliques qui sont de pures ficelles, faciles à manier, et au jeu desquelles M. de Gourmont apporte une solennité qui n'est ni sans puérilité, ni sans ennui. Quant à la forme, M. de Gourmont, qui s'est montré plus d'une fois injuste envers M. Zola, ne se fâchera pas si nous lui disons qu'elle reste bien au-dessous des meilleures pages des naturalistes. Il y a chez M. de Gourmont une grâce naturelle, un amour du pâle, du vague et du joli qui sont les indices d'une âme délicate et tendre, amie des nuances. Le malheur c'est que M. de Gourmont, dont l'idéal de style est pour employer sa propres expression : bleuâtre, n'atteint jamais avec toute la maîtrise désirable au vaporeux et au flou. Sous la joliesse de ses descriptions, sous le rythme de ses phrases, on sent l'effort, les nerfs cabrés, la volonté tendue, et cela choque et cela froisse chez un artiste qui n'est doué d'énergie à aucun degré et qu'on voudrait voir s'abandonner simplement à son naturel rêveur et charmant. Philosophiquement, M. de Gourmont, qui est un nébuleux, se pose en métaphysicien. L'atavisme triomphe en lui et se manifeste dans son mysticisme. Pour nous, le mysticisme ne saurait être défini autrement que par cette formule : « il est la sensualité des lymphatiques ». Lorsque M. de Gourmont publiera son Latin mystique, nous reviendrons sur cette idée et nous l'expliquerons preuves en mains. Il faut regretter que M. de Gourmont, un des hommes de valeur de la nouvelle génération, se confine ainsi dans les systèmes a priori, les puérilités et les ignorances du vieux monde écroulé. Il faut regretter que, déformée par la triple influence de Villiers de l'Isle-Adam, de M. Huysmans et de M. Catulle Mendès, sa personnalité n'ait pas trouvé pour s'affirmer ; dans le roman un art plus riche, plus noble, plus philosophique que le symbolisme ; dans la critique une attitude un peu moins réactionnaire que celle-ci : le mépris du naturalisme. Gaston et Jules COUTURAT. [texte entoilé par Bernard Bois, septembre 2003] |