Floréal, hebdomadaire illustré du monde du travail |
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Floréal vient de paraître (août) sous la direction de M. Paul-Boncour (278, boulevard Saint-Germain, Paris). C'est « l'hebdomadaire illustré du monde du travail ». Il est placé sous le vocable de Verlaine : Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches. Le sommaire assemble MM. Jouhaux, Victor Margueritte, « de l'Académie Goncourt » (sic), Ch. Chanvin, Victor Snell, H. Beraud, Mmes Fanny Clar, Hélène Miropolski, etc. FLORÉAL est une création : c'est le premier Illustré du Monde du travail. La formule est complètement nouvelle, et quoi qu'en pensent certains, qui ne sont pas tous des adversaires et qui considèrent l'Art comme un privilège de classe, nous avons tenu essentiellement à ce que le cadre fût digne de l'œuvre : par sa présentation artistique, luxueuse même, FLORÉAL sera digne de figurer dans les plus belles collections, dans les meilleures bibliothèques. FLORÉAL n'aura que des abonnés. Il veut avoir pour abonnés, dans le Monde du Travail, l'élite de la démocratie française. Si notre ambition est très haute, l'honneur de l'avoir satisfaite devra être, du moins, reportée sur ceux qui nous auront fait confiance. M. Paul-Boncour présente la revue nouvelle dans un excellent et généreux article qui prêche le socialisme : Nous l'entendons dans cette revue créée au lendemain de la guerre, dans son sens national et international. Nous croyons que seule l'Internationale ouvrière peut donner vie et force agissante à la Société des Nations, pour laquelle nous avons combattu et que nous a marchandée te traité de paix. Nous croyons aussi que l'Internationale suppose des nations vigoureuses et égales, et que, par conséquent, le premier devoir d'un socialiste, c'est de rester ardemment français, de défendre l'indépendance de son pays dans la guerre, de servir sa grandeur dans la paix, d'apporter à l'Humanité élargie de demain toute la richesse de notre histoire nationale. C'est dire que non seulement toutes les nuances de la pensée socialiste s'exprimeront ici, mais que large accueil sera fait aussi à tous les démocrates, à tous les hommes de pensée libre, dont les efforts convergent vers le même but. ....................................................................................................................................................................................... Cette victoire est chargée de trop de morts pour que la joie règne dans nos cœurs. L'horizon reste sombre, tant que la vie ne sera pas réglée sur des bases nouvelles. Et comme les disciples d'Emmaüs disaient dans la tristesse du jour déclinant : « Restez encore avec nous. Seigneur », à cette heure incertaine d'une paix mal assurée, parce qu'elle n'a pas été la grande paix du Droit, nous cherchons, à travers ces ténèbres des mains amies et des pensées semblables. On a tant souffert, on va tant souffrir encore, que les affinités d'âmes ont plus de prix que jamais. Mme Fanny Clar, dans Minutes du Temps Présent, pose très exactement la question actuelle de l'enfant : L'existence familiale doit retrouver une base à son équilibre rompu. D'avoir goûté à l'activité jadis interdite, la femme garde le désir de jours moins paisibles peut-être, mais plus profondément vivants. Des questions d'un intérêt nouveau la sollicitent. Syndicat, bulletin de vote, apportent des orientations de pensée, qui ne la détacheront pas du foyer comme le veulent prétendre les attardés du passé, mais l'y attacheront par d'autres liens plus volontaires, plus réfléchis. Un peu oublié dans le bouleversement, l'enfant doit retrouver une place dans un autre mode d'existence, partant, d'éducation. Voici l'écheveau à dévider. Il est quelque peu embrouillé. Il faudra de la patience, de la bonne volonté, une réciproque loyauté pour en venir à bout. (Charles-Henry Hirsch, « Les revues, Mercure de France, 1er novembre 1922, p. 135-136) LES JOURNAUX Un humaniste : Philéas Lebesgue (La Dépêche de Toulouse, 1er août ; La République de l'Oise, 24 juillet). Une enquête sur l'Amitié (L'Avenir, 23 août). Progrès et bonheur : une page inédite de Remy de Gourmont (Floréal, 15 juillet). [...] Voici encore une autre enquête interrompue par la guerre et que reprend Floréal : « Les progrès scientifiques ont-ils profondément, essentiellement amélioré la vie individuelle et sociale de l'homme ? » Telle est la question que Floréal posait en juillet 1914, à quelques écrivains, « sans pressentir le moins du monde l'ironique opportunité d'une telle enquête ». La réponse de M. G. de Pawlowski est datée du 1er août 1914 : Mon cher Confrère, Permettez-moi d'ajourner ma réponse à votre intéressante enquête sur les relations possibles du progrès scientifique et du bonheur de nos contemporains, je ne pourrai vous répondre qu'après expérience faite. Veuillez agréer, et ... G. DE PAWLOWSKI. Remy de Gourmont répondait par ce petit billet qu'il est émouvant de lire aujourd'hui : Les deux idées sont assez intimement liées, car si le progrès n'avait augmenté le bonheur, il ne serait qu'une idée, sinon négative, du moins neutre ; mais comment savoir si un homme donné est plus heureux aujourd'hui qu'il y a un millier d'années ? Nous voyons bien qu'il y a de bonnes raisons pour que cela soit, mais cela est-il ? « La difficulté de peser le bonheur, dit Jean Finot, a fait reculer les philosophes. » Le bonheur est, en effet, tout ce qu'il y a de plus subjectif, de plus individuel. Le raisonnement ne le détermine pas. « Vous avez tout ce qu'il faut pour être heureux, dit-on parfois à tel être qui se plaint de la vie, que vous manque-t-il donc ? Vous n'êtes pas raisonnable. » On n'est pas heureux, parce que l'on devrait être heureux et on l'est quelquefois dans des états qui ne semblent pas comporter le bonheur. Il y a là quelque chose d'indéfinissable. La question n'est pas soluble. Tout ce que l'on peut dire de sensé, c'est qu'il paraît bien, au point de vue de l'observation, que les conditions dans lesquelles il semble que le bonheur puisse être atteint, se sont beaucoup améliorées au cours des siècles ; mais l'homme est insatiable, il attend toujours des conditions plus belles encore, les présentes ne lui suffisent pas. Il en est de même de l'idée de progrès. Ce qu'il escompte de l'avenir l'empêche de jouir du présent. Il ne voudrait pas être ramené en arrière, mais il voudrait bien être conduit en avant. On s'habitue au nouveau et on désire sans cesse du nouveau. II y a là deux états d'esprit qui se contredisent et font que progrès et bonheur ne sont que des mots sans contenu réel : notre imagination les remplit selon notre tempérament fondamental. REMY DE GOURMONT. R. DE BURY (Mercure de France, 15 septembre 1922, p. 797-798) |