JEAN DE GOURMONT

Les maladies littéraires dont vous nous faites un diagnostic si exact me semblent bien difficiles à guérir. Le seul remède qui pourrait être efficace serait une sorte de Ligue des écrivains et des critiques indépendants. Il faudrait éduquer le public, lui révéler les dessous de certains succès de librairie. Il est inconcevable qu'on ne commence à estimer, à admirer les écrivains qu'au moment où ils ont abdiqué toute vie intellectuelle. Ce n'est en effet que lorsqu'ils sont tombés dans la plus défaillante religiosité qu'ils représente[nt] pour l'élite (???) la haute philosophie, la raison et l'intelligence. Qu'au lieu de suivre les indications de la publicité, du snobisme et des chapelles corydonesques, les critiques réagissent enfin contre ces élucubrations maladives où de vieux mythes comme Dieu et le Diable, le Bien et le Mal. etc... continuent à se battre. Que les critiques soient des maîtres au lieu de n'être qu'un troupeau d'esclaves obéissant aux suggestions intéressées des entrepreneurs de littérature.

Ce que nous voulons tous, n'est-ce pas, c'est sous toutes les audaces de l'art, toujours plus de lucidité intellectuelle

pp. 186-187.