Messidor (janv.-oct. 1901) |
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N°3, mars 1901 : « Chronique des revues » Au Mercure de France... Mensuellement les Epilogues de M. Remy de Gourmont demeurent un régal. Ces notes paradoxales qui sont si souvent de véritables tours de force nous donnent la mesure de cette gymnastique intellectuelle familière à l'auteur de Sixtine dont d'aucuns sans doute s'accommodent malaisément mais qui est l'empreinte, la marque révélatrice différenciant le penseur de M. X., littérateur de profession. M. Remy de Gourmont mérite justement d'être honoré à la fois, comme l'un de nos plus purs et de nos plus consciencieux maîtres en l'art d'envisager et comme l'un des plus érudits et des plus aristes [sic] écrivains de notre temps. Joseph Loubet. N°7, juillet 1901 : « Chronique des livres », p. 269 Le Mercure de France donne une nouvelle édition de Lilith par Remy de Gourmont. Je m'en réjouis. On sait quel admirable et pur artiste est M. de Gourmont. Nous l'aimons pour la diversité toujours neuve de son esprit. Poète, il nous a donné des vers charmants d'évocation et de tristesse ; romancier, il a écrit dans une langue admirable de pureté et de concision des œuvres profondes où se révèle l'essence d'une humanité particulière, dégagée des ambiances trop proches, et des erreurs d'un naturalisme superficiel ; avec ses ouvrages de critique il se montre averti des littératures passées et présentes, et tout récemment il nous fit admirer la qualité de son érudition avec la Culture des idées. Poème ironique, voici Lilith qui nous raconte la naissance du monde et la chute du premier homme. Lilith, c'est la première femme, l'erreur de Jéhovah, qui détournée de sa destination première deviendra la luxure, épouse de Satan, et aidera le Maudit à perdre le couple primordial. « L'œuvre nouvelle prend rapidement la forme voulue ; du creux de ses mains il arrondit avec complaisance les mamelles et les hanches ; il les pétrit, il les durcit, accumule la glaise, si bien qu'au moment d'achever la tête il se trouve à court. Alors il puise dans le ventre, où se creuse un trou profond, et avec cette poignée d'argile donne à la femme le cerveau qui lui manquait. Enfin il lui souffle dans les narines et dit : « Lève-toi. Ton nom est Lilith. » Il faut lire cette œuvre, délassement d'un esprit curieux et des plus pur parmi les purs du temps présent. Louis Payen. [textes entoilés par Mikaël Lugan.] |