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Paris, 2 octobre 1910.
J'ai lu les trois nouvelles qui se cachent sous le trop modeste titre de Robes noires. Mais, d'ailleurs, on cherche quel autre eût été meilleur. La sévérité des thèmes n'empêche pas qu'on les lise avec plaisir et qu'on trouve le volume court. Voilà de la bonne psychologie et de la bonne littérature, style sobre, précis, et qui dit bien ce qu'il faut.. Ça doit se passer ainsi. Evidemment, vous avez connu ces êtres de près. Puis, on croit que leur âme ne peut pas être différente, on acquiesce à la simplicité biscornue de vos bonshommes, à leur logique baroque, mais qui est tout de même une logique. Je crois que vous en avez beaucoup dans l'esprit et de la très droite. Vous avez très bien vu qu'on ne peint pas un séminariste ou une dévote en les faisant dévier, mais qu'il faut au contraire les maintenir dans leur ligne. C'est la vérité : l'être tend à persévérer dans son être. Avec cet aphorisme, qui est de Spinoza, on explique à peu près tout.
Compliments et amitiés.
[lettre publiée dans l'Imprimerie gourmontienne, n° 5, 1922]
Mon cher Ami,
Je n'ai pas encore trouvé le temps de vous remercier, mais vous ne devez pas douter du plaisir que vous m'avez fait. Votre critique me plaît en ce qu'elle ne ressemble pas à la critique ordinaire qui a toujours quelque chose de mort. Vous peignez un homme vivant et qui pense (ce qui ne l'empêche pas de vivre) comme un héros de roman dont vous esquissez la silhouette. Vous m'avez rencontré sur votre chemin et vous dites votre impression. J'aime cela et tout le reste.
Soyez donc remercié. J'espère vous rencontrer bientôt. J'oubliais. Votre Pas comme les autres est tout à fait bien. C'est une des rares choses qui m'aient frappé depuis longtemps.
Bien cordialement à vous.
Je m'étais donné, à dix-huit ans, au sortir du collège, une assez complète éducation philosophique et scientifique même. Croyez que cela fut une boussole qui m'empêche jamais de me perdre. Je ne suis jamais tout à fait dupe de n'importe quoi.
En relisant votre article pour le couper et le ranger, je trouve un passage qui m'incite à vous dire cela. Tout le monde s'y est trompé. J'ai subi le costume d'une époque, mais j'étais cuirassé en dessous de la casaque.
O temps heureux où j'écrivais des romans !
[lettre publiée dans l'Imprimerie gourmontienne, n° 5, 1922]
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