Voici un petit livre de Remy de Gourmont : La Belgique littéraire, qui vient, en cet instant où la sympathie du monde entier est tournée vers la Belgique, préciser notre admiration pour ce grand petit peuple. L'héroïsme de la Belgique n'a pas fleuri que dans la bataille, il s'est manifesté en poésies, en rythmes et en pensées et les noms de Maeterlinck, Verhaeren, Van Lerberghe, Camille Lemonnier, Rodenbach, Max Elskamp, Eekhoud, Albert Giraud, Grégoire Le Roy, Mockel, Fontainas, Henri de Groux, Constantin Meunier, etc. nous évoquent l'âme d'une race spécialement nuancée, sœur de la nôtre : « La Belgique était certainement, écrit Remy de Gourmont, le plus beau petit royaume de l'Europe et celui dont la civilisation pouvait être le plus fier. » II ajoute :

Verhaeren, Maeterlinck et ceux que j'ai nommés ensuite et d'autres encore doivent être considérés par les Belges comme les fondateurs de la personnalité littéraire de la Belgique. Tout en écrivant en français ces écrivains, si variés de ton et d'inspiration, sont demeurés foncièrement attachés à leur pays natal. Comme le demandait un homme éminent de là-bas, Edmond Picard, ils n'ont pas à rougir des belgicismes qui parfois se rencontrent en leur style. Cela, c'est la preuve même de leur ingéniosité... Qu'ils suivent l'exemple de Verhaeren qui n'a emprunté à la France que son langage et quelques idées générales, mais qui n'a cessé de peindre la nature qui l'environnait, la nature flamande. Cela est peut-être la preuve de sa grande originalité qu'on retrouve à chaque pas dans son œuvre poétique la couleur d'un Jordaens, la richesse d'un Rubens. Sa race a parlé en lui plus haut que sa culture.

Et l'auteur de la Belgique littéraire, en analysant l'œuvre des écrivains belges, est amené à préciser pour lui-même et pour nous l'évolution du symbolisme auquel se relie fraternellement le grand élan littéraire belge. Et maintenant les œuvres d'un Maeterlinck et d'un Verhaeren sont devenues pour les jeunes d'aujourd'hui et de demain une suggestion. Nul poète ne pourra désormais écrire sans se souvenir subconsciemment de ce que nous apporta de nouveau la littérature belge, et sans sentir sur ses lèvres le baiser mystique de la poésie belge.

JEAN DE GOURMONT.