Paysages spirituels |
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Sous les yeux d'or des églantines blanches,
Les liserons grimpent autour des fougères. La fleur des ronces met des petites croix blanches Dans la haie d'où surgissent les fougères. L'herbe des prés ondule en vagues blondes, Qui vont mourir sous les pas du faucheur, Il y a dans l'herbe des ailes bleues, des ailes blondes, Et la grande aile noire de la faux du faucheur. Alors j'ai vu, assise près d'une source, Cueillant des joncs pour lier ses cheveux, Une femme aux yeux clairs comme une source, Qui me permit de baiser ses cheveux. Et je fus plein d'amour pour les yeux verts De la dame de l'été qui vient sourire Au bord des sentiers, au fond des bois verts, Et mirer dans les sources son beau sourire. |
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Viens, mon amie, viens, c'est l'automne. L'automne humide et monotone, Mais les feuilles des cerisiers Et les fruits mûrs des églantiers Sont rouges comme des baisers, Viens, mon amie, viens, c'est l'automne. Viens, mon amie, le rude automne Serre son manteau et frissonne Mais le soleil a des douceurs ; Dans l'air léger comme ton cœur, La brume berce sa langueur, Viens, mon amie, viens, c'est l'automne. Viens, mon amie, le vent d'automne Sanglote comme une personne. Et dans les buissons entr'ouverts La ronce tord ses bras pervers, Mais les chênes sont toujours verts, Viens, mon amie, viens, c'est l'automne. Viens, mon amie, le vent d'automne Durement gronde et nous sermonne, Des mots sifflent par les sentiers, Mais on entend dans les halliers Le doux bruit d'ailes des ramiers, Viens, mon amie, viens, c'est l'automne. Viens, mon amie, le triste automne Aux bras de l'hiver s'abandonne, Mais l'herbe de l'été repousse, La dernière bruyère est douce, Et l'on croit voir fleurir la mousse, Viens, mon amie, viens, c'est l'automne. Viens, mon amie, viens, c'est l'automne, Tout nus les peupliers frissonnent, Mais leur feuillage n'est pas mort ; Gonflant sa robe couleur d'or, Il danse, il danse, il danse encor, Viens, mon amie, viens, c'est l'automne. 1898 |
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La dame de l'automne écrase les feuilles mortes
O vent, emporte aussi mon cœur : il est si lourd !
O soleil, feras-tu fleurir encore mes roses ? La dame de l'automne tremble comme un oiseau
O ciel, as-tu encore des étoiles et des songes ? La dame de l'automne a laissé son jardin
O vent qui passe, emporte mon cœur : il est si lourd ! |
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Songez au sourire pâle des grands lys dans la nuit. Ils ont des faces tristes et de beaux airs penchés ; Leur regard s'allonge en lueur douce et poursuit Ceux qui marchent dans le jardin le front penché. Songez que les grands lys écoutent les paroles Qui sortent des abîmes où sommeillent les cœurs. Ils tendent comme des oreilles leurs corolles Et ils n'oublient jamais le murmure des cœurs. Ils écoutent si bien qu'ils entendent le silence ; Ils entendent le bruit du sang dans les artères, Ils entendent les épaules frissonner en silence. Ils entendent ce qu'on fait et qu'on voudrait taire. Les lys aux faces tristes entendent les dentelles Que le vent et la vie gonflent sur les corsages, Ils entendent les cheveux doux comme des dentelles Qu'un souffle agite et tourmente en signe d'orage. Les lys aux faces tristes regardent dans la nuit ; Ils voient lorsque les mains se rapprochent tremblantes D'avoir osé s'unir un instant dans la nuit, Et leur sourire a des ironies complaisantes, Car ils savent ce qu'ignorent les hommes et les femmes Et ils pourraient prédire aux âmes leurs destins Et enseigner aux hommes à lire le cœur des femmes : Songez aux grands lys pâles indulgents et divins. Note des Amateurs : Ce poème figure dans le roman, Le Songe d'une femme, 1899. |
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Celle qui tiens mon cœur m'a dit languissamment : « Pourquoi donc es-tu triste et pâle, ô mon Charmant ? » M'a dit languissamment celle qui tient mon cœur. Celle qui tient mon cœur m'a dit moqueusement : « Quel miel d'amour a donc englué mon Charmant ? » M'a dit moqueusement celle qui tient mon cœur. Moi, j'ai pris un miroir et j'ai dit à la Belle : « Regarde en ce miroir, regarde, ô ma cruelle ! » Et j'ai dit à la Belle, en brisant le miroir : « Comme une perle d'ambre attire un brin de paille, La langueur de ton teint m'appelle, je défaille, Je suis le brin de paille et toi la perle d'ambre. » « Apportez-moi des fleurs fleurantes et des cinnames Pour ranimer le cœur de mon Roi qui se pâme, Des cinnames pour son âme et des fleurs pour son son cœur ! » |
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Il me semblait que ma pensée Etait un chêne solitaire Qui rêve sur sa vie passée Et qui regarde au loin la terre. Devant lui s'étendent des plaines Dont l'homme a fauché les moissons, Et des montagnes incertaines, Là-bas, ferment son horizon. Il a vu la brume et la pluie, Le soleil, le rire et l'amour ; Il a vu les jours et les nuits, Et puis les nuits et puis les jours. Des amants, couchés sous son toit, Les plaintes de la volupté Il vivait : son cœur plein de sève Un jour la mer vint en colère « Je suis la vie, je suis le monde, Le chêne au multiple feuillage |
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L'ivresse des jasmins, la tendresse des roses, Ainsi s'en va, traîné le long des rues, Pourquoi ? Tu as senti l'odeur de mon désir ? Ces belles fleurs m'apportent des campagnes et des jardins,
Je me souviens des bois et des jardins,
Ce vieux bois qui, dans sa verte douceur,
Il a toujours le chant de son ruisseau,
Car on entend souvent au fond des bois
Il a toujours les feuilles de ses aulnes
Ses coudriers aimés des écureuils,
Ses grands iris, dans leur gaîne de lin,
Liserons blancs, aussi liserons bleus,
Beaux parasols semés d'insectes verts,
Blonds champignons tapis sous les broussailles,
Il a toujours tout ce qui fait qu'un bois
Mais un désir me ramène au jardin :
Voici ses ifs, ses jasmins, ses lauriers,
Je viens m'asseoir à l'ombre du tilleul,
Sur ce vieux banc, je retrouve l'espoir
Le présent rit à l'abri du passé
O vieux jardin, je vous referai tel
Voilà toutes les fleurs, qui passaient dans les rues, Note des Amateurs : Ce poème a été publié dans le numéro IX de février 1909 de la revue Les Argonautes. Même texte, à part quelques coquilles, et Ainsi, (et non Pourquoi ?) au début de la troisième strophe. |
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Version des Divertissements :
L'innocente Léda baignait ses membres nus, Note des Amateurs : Ce poème figure aussi dans Lettres intimes à l'Amazone, précédé du commentaire suivant : Voici un petit tableau qui vous plaira peut-être. J'aime beaucoup l'équivoque Léda. Je crois que je les connais toutes, mais j'ai pensé surtout à celle de Michel-Ange, d'une si noble impudeur, mais il n'y en a pas dans mes vers. Cela a passé il y a plusieurs années dans une petite revue [L'Ermitage, voir infra]. C'est inconnu. D'ailleurs la première strophe a été refaite ce matin, et d'autres vers corrigés. Dans l'édition de 1988 du Mercure de France, les deux premiers vers sont inversés et « Parmi l'ombre et parmi l'herbe molle et les lys » a disparu... Je n'ai pas encore eu l'occasion de consulter l'édition origninale, mais, si dans les premières épreuves des Lettres intimes le vers en question n'apparaît pas, les deux premiers vers, eux, ne sont pas inversés. Version de l'Ermitage, 15 novembre 1906 : L'innocente Léda baignait ses membres nus, |
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Les seigneurs blancs couchés dans leurs corsets de marbre, Larves que le sommeil mène à l'éternité ? Ces colonnes vêtues de lierre comme des arbres, Ces fontaines qui virent sourire la beauté ? Les évêques de cire à la mitre de cuivre, Les mères qu'un enfant fait penser au calvaire, L'angoisse de l'esclave, l'ironie de la guivre, Diane, dont les seins fiers se gonflent de colère ? Cette femme aux longues mains pâles et douloureuses ? Ces beaux regards de bronze, ces pierres lumineuses Qui semblent encore pleurer un amour méconnu ? Non. Soumis au désir qui m'écrase et me charme, Je ne voyais rien dans l'ombre pleine de larmes Qu'une main mutilée crispée sur un pied nu. |
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L'herbe fleurit toujours au creux de ton ventre, Terre, pourquoi refuser ton ventre au voyageur ? Et si le seigle est mûr, il a faim et ses mains Tremblent d'amour quand il pense à toutes les gerbes. Il sait que la forêt bleue et verte est ouverte Aux chiens qui vont flairer le parfum des tanières : Les fleurs fanées d'hier ont des odeurs d'étoiles, Mais le vieux ciel est moins cruel que l'aubépine. La spirale s'enroule aux serpents de l'éther, Frappe et plie, pèlerin, tes épaules pensives : Le moulin tourne et la mélancolie des oies Ecrit ta destinée sur l'horizon sanglant. Heure, ami, crépuscule, et le plaisir des mules Et les pleurs de la roue et l'ange qui s'envole : Ferme tes poings, dors-toi dans l'astre de ton rêve : L'escadre des méduses tombe et crève sur les grèves. 1895 |
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Les cœurs dorment dans des coffrets Que ferment de belles serrures ; Sous les émaux et les dorures La poussière des vieux secrets Et des lointaines impostures Se mêle aux frêles moisissures Des plus récentes aventures : Chère, ôtez vos doigts indiscrets, Les cœurs dorment.
Vos doigts ravivent des blessures |
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Les roses pâles sont blessées Par la rudesse de l'orage, Mais elles sont plus parfumées, Ayant souffert davantage. Mets cette rose à ta ceinture, Garde en ton cœur cette blessure, Sois pareille aux roses de l'orage. Mets cette rose en un coffret Et souviens-toi de l'aventure Des roses blessées par l'orage, L'orage a gardé son secret, Garde en ton cœur cette blessure. |
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Printemps, ô frêle et bleue anémone, Dans la langueur pâle de tes yeux clairs L'amour a mis son âme éphémère, Mais le vent passe et tu frissonnes. Eté, quand l'orgueil des roseaux sur la rive Marque le cours du fleuve vers la mer, le soir On voit dans l'eau des ombres se coucher pensives : Lents et doux, les bœufs s'en vont à l'abreuvoir. Automne, il pleut des feuilles, il pleut des âmes, Il pleut des âmes mortes d'amour, les femmes Contemplent l'occident avec mélancolie, Les arbres font dans l'air de grands gestes d'oubli. Hiver, femme aux yeux verts tombés sous le linceul des neiges, Tes cheveux sont poudrés de gel, d'amertume et de sel, O momie, et ton cœur vaincu, docile aux sortilèges, Dort, escarboucle triste, au fond de ta chair immortelle. |
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A N. C. B.
Va, cherche dans la vieille forêt humaine |
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Heure incertaine, heure charmante et triste : les roses Ont un sourire si grave et nous disent des choses Si tendres que nos cœurs en sont tout embaumés ; Le jour est pâle ainsi qu'une femme oubliée, La nuit a la douceur des amours qui commencent, L'air est rempli de songes et de métamorphoses ; Couchée dans l'herbe pure des divines prairies, Lasse et ses beaux yeux bleus déjà presque endormis, La vie offre ses lèvres aux baisers du silence. Heure incertaine, heure charmante et triste : des voiles Se promènent à travers les naissantes étoiles Et leurs ailes se gonflent, amoureuses et timides, Sous le vent qui les porte aux rives d'Atlantide ; Une lueur d'amour s'allume comme un adieu A la croix des clochers qui semblent tout en feu Et à la cime hautaine et frêle des peupliers : Le jour est pâle ainsi qu'une femme oubliée Qui peigne à la fenêtre lentement ses cheveux. Heure incertaine, heure charmante et triste : les heures Meurent quand ton parfum, fraîche et dernière fleur, Epanche sur le monde sa candeur et sa grâce : La lumière se trouble et s'enfuit dans l'espace, Un frisson lent descend dans la chair de la terre, Les arbres sont pareils à des anges en prière. Oh ! reste, heure dernière ! Restez, fleurs de la vie ! Ouvrez vos beaux yeux bleus déjà presque endormis... Heure incertaine, heure charmante et triste : les femmes Laissent dans leurs regards voir un peu de leur âme ; Le soir a la douceur des amours qui commencent. O profondes amours, blanches filles de l'absence, Aimez l'heure dont l'œil est grave et dont la main Est pleine des parfums qu'on sentira demain ; Aimez l'heure incertaine où la mort se promène, Où la vie, fatiguée d'une journée humaine, Entend chanter enfin, tout au fond du silence, L'heure des songes légers, l'heure des indolences ! Note des Amateurs : Les poèmes de « Paysages spirituels » ont été entoilés par Gérard Florian (I-XIV) et Lucie Couillard (XV), élèves de Terminale littéraire au Lycée Lebrun de Coutances (premier semestre 2001). |