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Notice
1° Edition originale :
Lettres à Sixtine, in-16, Mercure de France, 1921. Des fragments sont parus dans l'Imprimerie gourmontienne, n° I, novembre-décembre 1920, janvier 1921, sous le titre « Carnets intimes. Lettres à Sixtine. »
2° Autres éditions :
Bois gravés de Paul Baudier, André Plicque & Cie, éditeurs, 7, rue Honoré -Chevalier, Paris.1927.
La lettre du dimanche, 21 août, 1887, qui commence par « Il me semble, mon adorée chérie... » figure, sous le titre de « Le plus fou des rêves », dans Les cent plus belles déclarations d'amour, choix et préface de Philippe Héraclès et Jean-François Bourbon, Editions Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1984 & France Loisirs, Paris, 1985.
3° Recensement des exemplaires (« Lettres à Sixtine, par Remy de Gourmont. Vol. in-16, 6 fr. 50. La première édition a été tirée à 1.100 exemplaires sur vergé pur fil des Papeteries Lafuma, savoir : 1075 ex. numérotés de 338 à 1412, à 12 fr. ; 25 ex. marqués de A à Z, hors commerce. Il a été tiré et numéroté de 1 à 337 à la presse 337 ex. sur Hollande, à 25 fr. » Source : « Echos » du Mercure de France, 15 novembre 1921). Talvart et Place signalent qu' « Il a été tiré hors commerce un ou deux ex. non justifiés sur japon marron. »
Echos
SOUVENIRS
A propos des Lettres à Sixtine. Quelques critiques ont parlé des Lettres à Sixtine comme s'il s'agissait d'un roman par lettres, composé comme le Songe d'une Femme. Non, ces lettres sont de vraies lettres, dont les originaux portent le timbre et le cachet de la poste. Pieusement conservées par Sixtine elle-même, ces pages écrites à la minute même de l'émotion, forment le roman vécu que mon frère devait cérébraliser dans le roman qui porte le titre de Sixtine.
Dans ces Lettres, tout est vrai et spontané, et les paysages n'y sont pas des compositions littéraires, mais des notations directes du décor qui enveloppait son exaltation intérieure.
J'avais une dizaine d'années à cette époque, et je me souviens très bien du facteur apportant ces lettres quotidiennes de Sixtine, d'une grande écriture droite et aristocratique. Remy était alors dans toute la plénitude de son être et d'une telle noblesse et beauté de visage qu'on ne pouvait pas ne pas en être troublé. Il donnait aussi l'impression d'une grande force physique et d'une grande puissance de travail. Levé tôt, il travaillait dans sa chambre jusqu'à midi et couvrait de son écriture précise et sans ratures de nombreuses pages de papier. Je le revois dans cette petite chambre du Manoir, au second étage, à l'ombre d'un tilleul centenaire à travers les branches duquel on devinait le long ruban d'une avenue de hêtres en ogives, et dans le lointain l'église du village, l'église de Simone. Par une autre fenêtre, le regard tombait sur un jardin aux allées enchevêtrées d'arbres et d'arbustes, une sorte de paradou de lianes et de plantes sauvages qui déferlaient dans les sentiers comme des vagues, et, plus loin, au delà d'une terrasse que surplombait le palmes pleureuses des marronniers, un petit bois sacré, dont la masse de verdure intense se dessinait comme l'architecture d'une cathédrale sombre et gigantesque : on y entrait par une porte taillée dans l'extravagance des branches. Au fond de ce petit bois traversé par un ruisseau fragile au fond duquel les herbes couchées par le courant semblaient des chevelures soyeuses, Remy, détournant le lit de ce ruisseau, s'était, dans l'odorante argile, taillé une île, où il venait, Robinson volontaire et momentané, lire, écrire, jardiner aussi. Il y cultivait les idées, les rêves, les framboisiers aux baies sanglantes, les seringhas qui sentent l'amour, des fleurs, des feuilles et des branches. C'est à la lisière de ce petit bois que Remy s'amusait, le soir, en compagnie de sa sœur et de ses jeunes frères, à réveiller, par la lueur subite d'une allumette, les oiseaux endormis dans les branches : « Un vlouement d'ailes de corbeau troubla l'air au-dessus des arbres. » Ce bois était le refuge, le dortoir somptueux d'une nation de corbeaux ; j'entends encore cet envol velouté qui se soulevait et retombait sur la cime des arbres dès que l'éclair s'éteignait.
A cette époque encore, à Geffosses, petite plage à quelques lieues de Coutance, vierge alors de toutes constructions, villas ou cabanes et qui était en vérité comme le fief de notre famille. Rien que des dunes, montagnes de sable d'or, et la mer, aux couleurs changeantes comme les yeux d'une femme. Là, sautant par-dessus les vagues, Remy se baignait et s'étendait sur le sable, au soleil.
La vie de la mer le passionnait : vêtu de molleton blanc, comme les pêcheurs du pays qu'il accompagnait volontiers dans leurs expéditions, il partait volontiers avant le lever du soleil à la pêche des crevettes, des images et des sensations.
C'est sans doute à cette époque, entre Merlette et Sixtine, qu'il écrivit un roman sur la mer. Ce roman est à jamais perdu. Longtemps après, Remy me raconta qu'il avait jadis porté le manuscrit de ce roman à la rédaction du Gil Blas, et qu'il n'en avait jamais entendu parler. Il ajoutait, avec une indulgente ironie : « Peut-être a-t-il paru sous un autre nom d'auteur ! »
Au moment où il écrivait, sans songer qu'elles paraîtraient un jour en volume, ces Lettres à Sixtine, Remy était « attaché à la Bibliothèque Nationale » et cet attachement lui semblait bien le plus terrible des esclavages. Il devait bientôt s'en libérer, sans l'avoir ni cherché ni voulu, rien qu'en écrivant, dans le jeune Mercure, l'article, devenu célèbre, et qui eut une telle influence sur sa carrière d'homme et d'écrivain : Le Joujou patriotisme.
J'ai gardé un souvenir ému de mon grand frère de ces temps déjà lointains, et de ses moindres gestes et de la musique de sa voix. Je le revois, parlant avec une précipitation où les mots trop pressés se heurtaient : on eût dit que les mots, trop lents, ne pouvaient suivre le courant de la pensée. Il hochait la tête par saccades rythmées pour faire jaillir les mots arrêtés dans sa gorge par une contraction nerveuse. Sa barbe, châtain doré, faisait alors dans l'air un battement d'aile qui se déplie. Je l'écoutais parler et je sentais inconsciemment l'aimant irrésistible qui m'attirait dans son atmosphère intellectuelle. (J. de Gourmont, Imprimerie gourmontienne, n° 5, 1922).
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Gabriel Brunet, « Lettres à Sixtine », Rythme et Synthèse, n° 27, avril 1922, p. 163-165
Jean de Gourmont, « Littérature : Lettres à Sixtine Mercure de France», , 1er mars 1922, p. 448-450
Jacques de Lacretelle, « Lettres à Sixtine », Etudes, Librairie Picart, 1928, p. 75-77
Edouard Martinet, « Remy de Gourmont jeune amoureux », Le Genevois, 27, 28, 30 décembre 1922 & 3, 4, 6 juin 1923 ; recueilli dans Princes de lettres, Editions de la Frégate, Genève, 1945, p. 97-123
Index (réalisé à partir de l'édition originale) :
Actéon (120), L'Alighier de Florence (82, Amour (120), Anthol., V, Amator 91 (70), Jeanne d'Arc (191), Astarté (160), Athènes (181), Balzac (161), Bazoches-en-Houlme (156, 170), Beethoven (48), Bibliothèque [nationale ?] (110, 127), Cazajeux (127), C. (154), Cino da Pistoia (18), château de la Motte (156, 171), le Commandeur (191), Comte de Paris (102), Mme B[erthe] [de] C[ourrière] (5, 108, 114, 196), Coutances (131, 148, 150, 151, 156, 164), Dante (37, 66, 82, 117 ), Diane (120, 188), Dieu Soleil (84), Le XIXe siècle (156), Doré (8, 47), L' Education sentimentale (103, 123), Empyrée (146), le Figaro (191), Marcel Fouquier (155), France (154), Francesca (8), Frédéric (123), Gavray (107), Geffosses (121, 143, 151, 153, 159, 160, 162, 163), Gouville (121), Hamlet (100), Jésus (89), Leopardi (153), Mme de Longueval (121), M. P. (173), Madone de Boticelli (53), Magnard (191), Manche (107, 121, 151), Merlette (162), manoir de Mesnil-Villeman (107, 111, 115, 128), bois de Montlouvel (119), Nirvana (140), Normands (41), Olympe (35), Orne (156), Paris (103, 108, 129, 164, 170), R. (46), Patrice (162, 166, 170), Petit-Poucet (161), Poe (151), Remy (170), Remy de Gourmont (184, 189), Savaria (192), St-Cère (191), gare Saint-Lazare (156), J. Simon (29), Mme V. (46), [Ronsard] (59), Sèvres (101), rue de la Planche (139), rue de Rome (127), le Sourire (186,188), Sphinx (158), Stabat (160), Trouville (160), rue d'U. (100), rue de l'Université (129), l'Université (173), l'Université Montparnasse (170), rue de Var[ennes] (110), Vénus (189), Versailles (101, 104), Vigny (48), Villon (14), Vita Nuova (117), Le Voltaire (154, 155), X. (50), Zeus (35).
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Texte
J'espérais trouver ici de l'étoffe... 150
gallica
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