Si l'on croit nécessaire de connaître la méthode générale qui a guidé l'auteur dans cette seconde série de Masques, on se reportera aux pages placées en tête du premier tome. Gœthe pensait : « Quand on ne parle pas des choses avec une partialité pleine d'amour, ce qu'on dit ne vaut pas la peine d'être rapporté. » C'est peut-être aller loin. La critique négative est nécessaire ; il n'y a pas dans la mémoire des hommes assez de socles pour toutes les effigies : il faut donc parfois briser et jeter à la fonte quelques bronzes injustes et trop insolents. Mais c'est là une besogne crépusculaire ; on ne doit pas convier la foule aux exécutions. Quand nous l'appellerons, ce sera pour qu'elle participe à une fête de gloire. Certains critiques ont toujours l'air de juges qui, leur sentence rendue, attendent le bourreau. « Ah ! voici le bourreau ! Nous allons faire un feu de joie et danser autour des cendres de nos amours ! » Il n'y a plus besoin de bûchers pour les mauvais livres ; les flammes de la cheminée suffisent. Les pages qui suivent ne sont pas de critique, mais d'analyse psychologique ou littéraire. Nous n'avons plus de principes et il n'y a plus de modèles ; un écrivain crée son esthétique en créant son œuvre : nous en sommes réduits à faire appel à la sensation bien plus qu'au jugement. En littérature, comme en tout, il faut que cesse le règne des mots abstraits. Une œuvre d'art n'existe que par l'émotion qu'elle nous donne ; il suffira de déterminer et de caractériser la nature de cette émotion ; cela ira de la métaphysique à la sensualité, de l'idée pure au plaisir physique. Il y a tant de cordes à la lyre humaine ! C'est déjà un travail considérable que d'en faire le dénombrement. 27 février 1898. |