PREFACE BREVE L'intérêt de ce recueil, s'il en a un, sera de présenter une série d'essais et de notes de tout genre qui s'étend sur un espace de près de trente ans. Autant que possible j'ai disposé par ordre chronologique les deux séries dont il se compose. On y verra mon esprit diminuer de gravité à mesure que les années s'allongeaient. C'est une constatation qui ne me déplaît pas. J'avais donné aux gens sérieux des espérances que je n'ai pas tenues. Ou peut-être est-il en moi deux hommes, dont l'un est bien mort, j'espère, celui qui se guindait pour ne pas être lui-même et celui qui, après cet apprentissage ridicule, a enfin osé l'être. Le voyage à travers la vie est un voyage à la découverte de soi : je l'ai accompli en toute sincérité. Je ne donne de la manière « guindée » qu'un petit nombre de spécimens. Le reste est pris, un peu au hasard, surtout parmi l'abondante collaboration anonyme que j'ai fournie, depuis sa fondation, au Mercure de France, où j'ai pu parler en toute liberté. C'est ce principe de liberté qui a permis l'éclosion de ma personnalité. Où je ne suis pas libre, je ne suis plus moi. Je m'ennuie et j'ennuie. Ce qui m'a engagé à réimprimer quelques-unes de ces pages anonymes, c'est la confidence naïve et pourtant bien perspicace que me fit un jour un nouveau lecteur du Mercure, étranger au monde littéraire : « Quel est ce R. de Bury qui vous imite si fort ? » Jusqu'au milieu de 1913, cela a été mon principal pseudonyme. La première période de ma manie d'écrire remonte bien plus haut que 1886. J'ai débuté dans la même semaine 1882 à la Vie Parisienne et au journal Le Monde, hasard des relations. Si j'avais retrouvé ces deux articles et ceux qui ont suivi, en diverses revues, les cinq années suivantes, j'aurais donné les moins mauvais. Mais ces exhumations n'ont rien de bien plaisant et je n'ai pas cherché avec beaucoup de persévérance. On se contentera, et très facilement, je crois, des quelques pages qui ouvrent ce volume. (Promenades littéraires, sixième série) |