Un Quasi du Mercure de France. Si Laurent Tailhade, "païen mystique", a trouvé des imitateurs nombreux et souvent maladroits, aristophanesque, il a plus communément suscité le pastiche. C'était peut-être plus tentant, parce que plus facile : cela risquait d'être très médiocre comme ces "Ruines de Palmyre" que l'un de nous publia alors dans la Plume (ler août 1891), mais l'imitation pouvait être excellente, telle cette ballade empruntée à la série de pastiches que donna le Mercure de France sous le pseudonyme collectif de Quasi. Remy de Gourmont ne serait pas demeuré étranger à ce jeu.

MIMES

BALLADE

POUR CÉLÉBRER LA CONFUSE MUFLERIE DE CE TEMPS,
AUSSI BIEN EN CE QUI CONCERNE LES BONNES MŒURS
QUE TOUCHANT LES ARTS ET LES LETTRES

Rat, veau, jars, truie imitent le frangin,
Et Mort-né tient le rôle de femelle
Sur des tréteaux où rougirait Mangin ;
Môme-Caca, tolérante, se mêle
Avec Totor ou même Lagamelle
Sous les regards amicaux de Cruppi;
Quand Potdevier faunesque fait pipi,
Flique est aveugle et sagement s'éclipse,
Pecci dactyle ad usum Priapi,
Et Méténier cite l'Apocalypse.

Tous les huiliers suintent sur Pérugin :
Depuis le jour qu'il lâcha la mamelle,
Monsieur Detaille effile un triste engin
Devant Nestor qui lèche sa semelle ;
Saint-Saëns et Massenet, sa sœur gemelle,
Charment Weber, Deschaumes et Delpit
Que Déroulède illustra d'un képi ;
Arcueil-Cachan n'a pas assez de gypse
Pour Carolus se cuidant un Lippi,
Et Méténier cite l'Apocalypse.

Dumas, Simon-Suisse, Thureau-Dangin
Meyer qui paît la bique et la chamelle,
Adrien Piorch contempteur du vagin,
Verst coprophage et Croquant Gargamelle,
De Bornier qui s'absinthe et se kummèle
Et boit en outre un broc de génepi,
Vogüé fluant comme un Mississipi,
Sylvestre Celte et sa gueule en ellipse
Sont plus breneux qu'un vieux mur mal crépit,
Et Méténier cite l'Apocalypse.

ENVOI
Prince plus frais que la pomme d'api,
Vulve érectile et barbe sans épi,
Roi de ces jours qu'augura Juste-Lipse,
Le tapir chante et la taupe glapit
Et Méténier cite l'Apocalypse.

QUASI

(Mercure de France, janvier 1893; pp. 65-66.)

(Léon Deffoux & Pierre Dufay, Anthologie du pastiche, tome second, Les Editions G. Crès & Cie, 1926.)