La joie de vivre, c'est peut-être la libération.

Ibsen.

EPILOGUE

Que la vie rutilante ou sombre se déploie,

L'âme ouverte, accueillons,

Avec des pleurs d'amour, avec des cris de joie,

Son ombre et ses rayons.


Que la tempête ardente où la nuit se déchaîne,

Courageux alcyons,

Impétueusement consentants, nous entraîne

Dans ses noirs tourbillons.


Aimons le tendre Avril ouvrant les primevères

De ses baisers déments ;

Aimons l'été si lourd qui pèse sur la terre

Ainsi qu'un corps d'amant ;


L'automne sensuel et trouble qui chancelle

Des grappes dans les mains

Et qui meurtrit les cœurs en ses paumes cruelles,

Comme il fait des raisins.


Aimons quand vient l'hiver, écouter ce rhapsode.

Sinistre, le vent fou,

Accompagnant au bois où des fantômes rôdent,

Les hurlements des loups.


Aimons tous les labeurs ; dans la glèbe rugueuse

Dont s'effritent les blocs,

Enfonçons en chantant et d'une main fougueuse,

La charrue à plein soc.


Aimons, au fond d'un soir qui rêve, la cadence

Lointaine des fléaux,

Et par les matins frais l'envol qui se balance,

Courbant les blés, des faux.


Aimons tout de la vie, adorons jusqu'aux larmes

L'amour mystérieux ;

Obéissons au rite où le désir s'acharne

Comme au geste d'un dieu.


Ne soyons point celui qui recule et se cache,

Et, d'avance vaincu,

Craint d'aimer, de souffrir, de créer, c'est un lâche,

Il n'aura point vécu !

Dernier poème de Par l'Amour, de Marie Dauguet, Mercure de France, 1904

[poème communiqué par Monique Liebe]