Répertoire bibliographique de la littérature française des origines à nos jours,
in-8, chez l'auteur, Paris, 1913.

PRÉFACE.

Ce n'est pas un médiocre travail que d'établir un répertoire de la littérature française depuis les origines jusqu'à ces dernières années. A vrai dire, si on avait la prétention d'être absolument complet, l'entreprise serait au-dessus des forces d'un homme, en même temps qu'elle serait inutile, tant est grand le nombre des livres qui n'ont fait que paraître pour tomber bientôt dans l'oubli. De plus elle présenterait cet inconvénient d'être d'un maniement fort peu pratique, car elle nécessiterait un grand nombre de volumes, comme le monumental Catalogue de la Bibliothèque Nationale. Aussi presque tous les répertoires connus se bornent-ils à embrasser une époque déterminée ; pour avoir l'instrument de travail nécessaire, il faut en réunir plusieurs ou même les réunir tous, ce qui ne laisse pas d'être assez difficile. Il faut dire encore que, rédigés à des époques différentes, ils se complètent assez mal les uns les autres et sont de très mauvais guides pour la formation d'une bibliothèque ou d'un fonds de librairie, car ils satisfont surtout la curiosité du bibliophile, comme, par exemple, le Manuel de Brunet, qui reste toujours un ouvrage de valeur.

Le Répertoire de M. Federn a tout un autre but. Il nous donne le moyen de trouver aussitôt les bons auteurs (il faut entendre cela au sens le plus large, bons livres ou que le public juge tels) et nous indique où il faut s'adresser pour se les procurer. On pourrait l'appeler un guide critique et pratique de la littérature française: critique parce qu'il élimine le mauvais et l'inutile ; pratique, parce qu'il ne nous renseigne pas sur l'existence du livre dans le passé, mais bien dans le présent.

C'est une œuvre excellente et qui rendra les plus grands services, non seulement aux libraires, mais aux travailleurs et aux nombreux amateurs de la littérature française. L'auteur ne s'en dissimule pas les lacunes. Il aurait voulu au titre de chaque livre joindre l'indication des principales critiques dont ce livre a été l'objet. Cela augmenterait évidemment beaucoup la valeur de son travail. Aussi espérons-nous qu'une nouvelle édition lui permettra de le compléter. Mais tel qu'il est, je le considère encore comme fort précieux. Sans doute un choix est toujours délicat et celui-ci pourra quelques fois être critiqué ; cependant pour ma part je n'y ai pas trouvé grande chose à reprendre. On lui saura gré, d'ailleurs, d'avoir été très accueillant pour la jeune littérature, ce qui assurera à ce Répertoire une durée moins précaire qu'au guide de Thieme, qui n'a admis que les auteurs d'une réputation faite, sinon assurée, car les jugements de l'avenir réservent bien des surprises. M. Federn l'a compris.

Enfin, au point de vue de la propagation des idées françaises, de notre littérature si vieille et toujours nouvelle, le Répertoire bibliographique ne peut avoir que la plus heureuse influence, en montrant aux libraires et au public lettré quelles sont nos richesses et comment on peut se les procurer.

L'impartialité avec laquelle il a été rédigé permet de le recommander sans craindre de contradiction.

Quant au « Tableau de la littérature française de 1800 à 1910 », qui le précède, il n'est pas à dédaigner. C'est une bonne vue d'ensemble qui dénote un esprit original. La classification des écrivains est comme une critique muette, souvent pour les contemporains un peu satirique, et qui vaut mieux que beaucoup de discours.

REMY de GOURMONT

pp. III-IV.

Nota bene : dans le deuxième paragraphe, nous avons remplacé « parceque il » et « parcequ'il » par « parce qu'il » ; dans le troisième, nous avons laissé « grande chose » tel quel [note des Amateurs].