Remy de Gourmont : Philosophie du cliché, 5
Emile Verhaeren : La Vieille, poème, 31
André Fontainas : Rembrandt chez lui, 35
Frédéric Nietzsche (Henri Albert, trad.) : Nous qui sommes sans crainte, 49
Charles Guérin : La Volupté Originelle, 61
Charles Merki : Les Convives Yankees ou les Nouveaux Résurrectionnistes, 69
Pierre Louys : Lectures antiques : Les Femmes assemblées, d'Aristophane (scène première), 87
H.-G. Wells (Henry-D. Davray, trad.) : La Machine à explorer le Temps, roman (IX-fin), 92

REVUE DU MOIS

Remy de Gourmont : Epilogues, 151
Pierre Quillard : Les Poèmes, 158
Rachilde : Les Romans, 162
Robert de Souza : Littérature, 172
Gaston Danville : Psychologie, 178
Charles Merki : Archéologie, Voyages, 184
J. Drexelius : Romania, Folklore, 193
R. de Gourmont, J. Drexelius, Rachilde : Notices Bibliographiques, 197
Charles-Henri Hirsch : Les Revues.
R. de Bury : Les Journaux, 210
A.-Ferdinand Herold : Les Théâtres, 217
Pierre de Bréville : Musique, 227
André Fontainas : Art moderne, 235
Yvanohé Rambosson : Publications d'art, 242
Georges Eekhoud : Chronique de Bruxelles, 251
Henri Albert : Lettres allemandes, 255
Henry-D. Davray : Lettres anglaises, 258
Ephrem Vincent : Lettres espagnoles, 267
Zinaïda Wenguerow : Lettres russes, 273
Mercure : Publications récentes, 283

Echos, 286


NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES

Vittorio Pica : Letteratura d'eccezione, Milan, Baldini, 3.50. — La Grande Encyclopédie, livraison 582 et suiv., Paris 6l, rue de Rennes. — Jean de la Brète : Mon Oncle et mon Curé, Plon. — Comte de Chabot : La Chasse à travers les Ages (Savaète) — Dr C. Azoulay : Oh ! ces Jolies histoires d'animaux, Reinwald.

Letteratura d'eccezione. — Le seul défaut de ce livre est dans son titre. Meilleur que "Les Modernes Byzantins", épigramme inconsciente qui avait naguère tenté M. Pica, Littérature d'exception rend fort mal le sentiment littéraire que l'on éprouve devant les œuvres de Mallarmé, de Verlaine ou de Huysmans ; d'exception, elles le furent ; tout ce qui est original est exceptionnel ; mais elles ne le sont plus que par leur valeur et ce qu'elles renferment de beauté singulière. Toute la littérature digne de nom, en somme, est exceptionnelle ; toute œuvre d'art est un miracle. Le contraire d'exceptionnel est : vulgaire, commun, coutumier, ordinaire, normal. Normal, est-ce normal qu'a voulu dire M. Pica ? Il y a une littérature normale ? C'est difficile à comprendre. Suppose-t-on que Victor Hugo soit plus normal que Verlaine, ou moins exceptionnel ? Il est question dans le même volume de Barrès, d'Anatole France : en quoi ces deux écrivains sont-ils plus anormaux que Benjamin Constant, Sénancourt ou Bernardin de Saint-Pierre ? Et Poictevin lui-même, l'est-il, davantage que X. Doudan, ou Beckford, ou Fromentin ?

Inexplicable logiquement, Littérature d'exception se comprend, si l'on n'a souci que du sens historique des mots, et si l'on se reporte à quelques années en arrière, quand l'évangile du jour commençait ainsi :

Je suis l'Empire à la fin de la décadence.

Et ces études en effet sont de l'histoire presque autant que de la littérature, l'histoire des talents en même temps que l'analyse des œuvres. Dans les deux cents pages qui traitent de Verlaine, puis de Mallarmé, rien n'est oublié, dates, citations, références ; les jugements, toujours motivés, sont précis et sûrs ; les portraits, agréables et ressemblants. Le reste du volume n'est pas rédigé avec moins de soin, mais la vérité y apparaît moins sûre, et cela est inévitable puisque la figure des vivants change à chaque jour de leur vie ; il y a néanmoins bien des traits qui ne seront plus modifiés dans les fusains que M. Pica nous donne de Poictevin ou de Huysmans et même de France et de Barrès. C'est qu'il connaît notre littérature, oui, mieux que nous-mêmes. Il la voit et la suit avec un recul qui débrouille des lignes pour nous maladroitement enchevêtrées ; de plus, c'est un esprit naturellement clair et clarificateur : son Mallarmé est un chef-d'œuvre de mise au point et de mise en lumière.

Avec M. Pica en Italie et M. Symons en Angleterre, la nouvelle littérature française a ses deux meilleurs critiques, ceux qui doivent inspirer le plus de confiance ; elle en a d'autres, et d'excellents en presque tous les pays, jusqu'en Russie et jusque dans l'Amérique latine ; elle en a partout, hormis en France même. J'entends des critiques, non pas étrangers sans doute, mais extérieurs au mouvement littéraire qu'il faudrait apprécier. Ceux qui ont l'air de remplir ces conditions ne sont pas sérieux ; leurs jugements n'ont même pas d'importance pratique ; il y a autour d'eux un petit désert arabique et le sable seul s'émeut de leurs paroles. M. Pica, au contraire, a de l'autorité à la fois chez lui et chez nous, pour la rectitude de sa pensée, pour le charme de son style, pour la hardiesse aussi avec laquelle il défend, en art et en littérature, le droit à la lumière des beautés nouvelles.

REMY DE GOURMONT

[voir aussi "L'art et le peuple", Le Problème du style, où l'article ci-dessus est reproduit dans la rubrique "Notes et commentaires".]

§

La Grande Encyclopédie. — II y a dans cette série quelques articles importants. Morale : M. Boirac traite ce sujet antédiluvien avec un louable scepticisme, appelant Kant « le dernier des Pères de l'Eglise », et constatant l'inexistence, hors des religions, de l'enseignement de cette science — sans doute hypothétique ; la morale, ce n'est pas M. Boirac qui parle, est pour les mœurs ce que la mode est pour les vêtements, et l'impératif catégorique un croquemitaine décidément vermoulu. Qu'est-ce qu'une morale, qu'est-ce qu'une loi, dépourvue de sanction ? Morgane, par A. Jeanroy : Strabon rapporte la croyance des Gaulois en neuf génies féminins habitant l'île de Sein ; au XIIe siècle, Geoffroy de Monmoulh donne le nom de l'aînée de ces neuf sœurs, Morgue. Le mot au cas régime faisait Morgain, comme Eva-Evain, nonne-nonnain, Berte-Bertain, etc. ; cette forme passa en Italie où elle devint Morgana, et revint en France ainsi modifiée. Mort : M. Zaborowski démontre une fois de plus que l'idée de mort naturelle est tout à fait étrangère aux non-civilisés. Mouvement : « Désormais, dit M. L. Dauriac, si nous voulons savoir ce qu'est le mouvement, nous interrogerons les savants, non les philosophes. » Allusions ironiques à « ceux qui appellent Kant le dernier des Pères de l'Eglise ». Musset, par René Samuel ; appréciation un peu optimiste : « Musset, le poète de l'amour, ne passera pas. » Pour qui, en quelle province, Musset est-il, aujourd'hui, le poète de l'amour ? Mutilation, par Zaborowski : article trop écourté sur un sujet d'un si large intérêt psychologique. Il ne fait que des allusions à la prodigieuse histoire des mutilations sexuelles. Mystère : M. J.-A. Hild est sévère pour les « mystères » du paganisme, les cultes de Bacchus, d'Adonis, d'Isis, etc. Les mystères dionysiaques apparaissent cependant, tels qu'une fort belle religion et assez spiritualisée, assez mystique pour que devant telle inscription funéraire on hésite s'il s'agit d'un dionysiaque ou d'un chrétien. Mysticisme : « Comme l'a montré M. Lévy-Bruhl, toutes les doctrines plus ou moins mystiques du sentiment et de la croyance que l'on a vues apparaître, se développer et se répandre depuis un siècle sont des doctrines de compensation. Elles ont avancé parallèlement à l'agnosticisme (cet équivalent moderne du scepticisme) ; elles en sont, si l'on peut dire, complémentaires. » M. Boirac considère le mysticisme comme une sorte de panthéisme spiritualiste ; il juge cette tendance utile contre les exagérations du rationalisme et du positivisme : « Il est bon que les savants eux-mêmes gardent le sentiment des bornes de leur science et du mystère qui les enveloppe de toutes part. » L'article de M. Boirac est excellent. — Mythologie : M. Toutain constate que si l'étude des mythologies n'est pas encore très avancée, du moins on est désormais en possession de la bonne méthode, la méthode comparative. Très conciliant, il trouve qu'il y a une part de vérité dans tous les systèmes, se garde bien d'opposer M. Lang à M. Max Mulleret ne réprouve même pas entièrement l'évhémérisme. Sa bibliographie, pourtant bien complète sur la plupart des points, néglige tant les revues de folklore. Comment, sans le folklore comprendre quelque chose à la mythologie ?

Les deux articles les plus étendus de cette série sont : Musique, véritable traité par H. Quittard, C.-E. Ruelle, René Brancour, Pierre Aubry ; Napoléon, par H. Monin.

J. DREXELIUS.


LES JOURNAUX

Petits Mémoires d'un Parnassien (Petit Temps, 3 et 6 décembre).– Memento.


ECHOS

Georges Rodenbach. — Le Monument Verlaine.— Le Monument Baudelaire. — Notre prochain roman. — Une nouvelle revue. — Jehan Rictus. — L'Exposition Falguière. — Errata.

Georges Rodenbach est mort, à peine âgé de quarante-trois ans. Les journaux ont dit ses obsèques, et qu'un grand nombre de personnalités, parmi lesquelles la plupart des poètes, accompagnèrent son cercueil au Père-Lachaise. Ce n'est pas ici le lieu de parler de sa vie d'écrivain et de son œuvre littéraire ; nous donnerons seulement la liste de ses ouvrages, assez incomplètement publiée jusqu'à présent. D'abord trois volumes de jeunesse : Les Tristesses, vers, Lemerre, 1879 ; La Mer élégante, vers, Lemerre, 1881 ; L'Hiver mondain, vers, Bruxelles, Kistemaekers, 1884. Georges Rodenbach avait supprimé ces trois volumes de la liste de ses œuvres, qui commence par : La Jeunesse Blanche, vers, Lemerre, 1886. Viennent ensuite : Du Silence, vers (plaquette), Lemerre, 1888 ; L'Art en Exil, roman, Quantin, 1889 ; Le Règne du Silence, poèmes, Charpentier, 1891 (volume dans lequel la plaquette Du Silence a été réimprimée.) ; Bruges-la-Morte, roman, Flammarion, 1892 ; Le Voyage dans les Yeux, vers (plaquette), Ollendorff, 1893 ; Musée de Béguines, poèmes et nouvelles, Charpentier, 1894 ; La Vocation, roman, Ollendorff, 1895 ; Les Vies encloses, vers, Charpentier, 1896 (la plaquette Le Voyage dans les Yeux s'y trouve réimprimée) ; Le Carillonneur, roman, Charpentier, 1897 ; Le Miroir du Ciel natal, vers, Charpentier, 1898.

Georges Rodenbach avait fait jouer au Théâtre Français un acte : Le Voile, et tiré de Bruges-la-Morte une pièce qui n'a pas encore été représentée.

§

Le Monument Verlaine. — M. Auguste Rodin, vice-président du Comité, a bien voulu en accepter la présidence, laissée vacante par la mort de Stéphane Mallarmé. MM. Léon Dierx et Catulle Mendès ont été nommés vice-présidents.

C'est au bénéfice du Monument que sera donné, au Théâtre des Nations, avec le concours de Sarah Bernhardt, le premier samedi populaire de poésie.

§

Le Monument Baudelaire. — Stéphane Mallarmé, président du Comité Paul Verlaine, était aussi président du Comité Baudelaire. On parle d'une réunion très prochaine de ce Comité pour élire un nouveau président.

§

Notre prochain roman. — Nous commencerons dans notre livraison de février la publication d'un roman de Jean de Tinan : Aimienne, ou le Détournement de Mineure.

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Une nouvelle revue. — On annonce, pour paraître en janvier, une nouvelle revue d'actualité et de littérature, qui reprendrait le titre de l'ancienne revue de M. Gustave Kahn : La Vogue. Elle se publierait dans le même format que la première Vogue et aurait pour principaux collaborateurs : Maurice Beaubourg, Gustave Coquiot, Henri Degron, Jean Dolent, Max Elskamp, Maurice de Faramond, Albert Fleury, Monsieur Homais, Gustave Kahn, Tristan Klingsor, Albert Lantoine, Stuart Merrill, Henri Ner, Henri Quittard, Paul Redonnel, Robert Scheffer, etc.

§

Jehan Rictus reprendra ses récitations de poèmes en patois parisien et populaire, tous les soirs, à dix heures, à partir du 5 janvier, au Cabaret des Quat-z-Arts, 62, boulevard de Clichy (Les Soliloques du Pauvre, suite).

§

L'exposition A. Falguière, actuellement installée dans la Galerie du Nouveau-Cirque, 251, rue Saint-Honoré, sera prolongée jusqu'au 8 janvier.

§

Errata. — Dans la musique de M. Gabriel Fabre que nous avons publiée en décembre :

1° Dernière page, dernière ligne, première mesure du chant, il faut deux demi-soupirs au lieu d'un ;

2° Avant-dernière mesure du piano : ajouter une clef de sol à la main droite.

§

M. Remy de Gourmont informe ses correspondants de sa nouvelle adresse : 71, rue des Saints-Pères.

MERCVRE.