TANCRÈDE DE VISAN : L'Idéal symboliste. Essai sur la mentalité lyrique contemporaine, 193
MARIUS-ARY LEBLOND : Mœurs de l'Océan Indien , 209
RICHARD CANTINELLI : Jardins, poème, 221
PIERRE QUILLARD : Grégoire Le Roy, 224
ÉMILE MAGNE : Esthétique des Villes, 231
JULES ROMAINS : Propagations, poèmes, 251
ALPHONSE SÉCHÉ et JULES BERTAUT : Béranger anecdotique, 354
PHILEAS LEBESGUE : Le nouvel Hellénisme, 270
BEAUMARCHAIS : Lettres de l'exil, publiées par M. Louis Thomas, 278
CHARLES MERKI : La Vicomtesse de Thouars, nouvelle, 290

REVUE DE LA QUINZAINE

REMY DE GOURMONT : Epilogues : On a fait quelque chose. Nouvelles d'Italie, 303
PIERRE QUILLARD : Les Poèmes, 306
RACHILDE : Les Romans, 310
JEAN DE GOURMONT : Littérature, 314
EDMOND BARTHÈLEMY : Histoire, 319
GASTON DANVILLE : Psychologie, 323
DOCTEUR ALBERT PRIEUR : Psychiatrie et Sciences médicales, 327
JOSÉ THÉRY : Questions juridiques, 332
CHARLES-HENRY HIRSCH : Les Revues, 152
R. DE BURY : Les Journaux, 158
AUGUSTE MARGUILLIER : MUSEES et Collections, 344
GEORGES EEKHOUD : Chronique de Bruxelles, 352
HENRY-D. DAVRAY : Lettres anglaises, 357
E. SÉMÉNOV : Lettres russes, 361
P.-G. LA CHESNAIS : Lettres Scandinaves, 301
F. DE GERANDO : Lettres hongroises, 308
WILLIAM RITTER : Lettres tchèques, 372
MERCVRE : Publications récentes, 377

Echos, 379


LES POÈMES

François Porché : A chaque jour comme je pus, comme il m'advint ; « Mercure de France », 3.5o.— Pierre de Bouchaud : Les Lauriers de l'Olympe ; A. Lemerre, 3.5o. — Mme Jeanne Perdriel-Vaissière : Celles qui attendent ; Sansot et Cie, 3.5o. — E. Thubert : Le Prophète ; Sansot, 3,5o.


LITTERATURE

Charles Régismanset : Philosophie des Parfums ; Sansot. — Xavier Thiriat : Journal d'un solitaire ; F. R. de Rudeval. — Touny-Lérys : L'Année poétique 1906 ; Bibliothèque de « Poésie ». — Les Célébrités d'aujourd'hui : Maurice Barrès, par René Gilloin ; Sansot. — J. Ernest-Charles : La Carrière de Maurice Barrès académicien ; Sansot.

M. Charles Régismanset, observant que nous avons jusqu'ici négligé de cultiver et de perfectionner notre odorat, a tenté dans un curieux petit traité : la Philosophie des Parfums, de découvrir la raison d'être des parfums et de les classer méthodiquement : « A part certains termes du vocabulaire grossier de notre langue, dit-il, nous n'avons pas de mot pour exprimer, en propre, la fonction physiologique qui correspond à l'odorat. Nous disons sentir et la généralité de cette expression trahit la pauvreté de notre analyse et de notre faculté de dissociation en matière de parfums » Pourtant, il semble bien que notre faculté de sentir se soit développée au cours des siècles; notre littérature actuelle a cherché à noter des images odorales. Mais il n'est pas possible de les exprimer directement avec des mots, pas plus que les images auditives. Ce que l'on peut seulement représenter, c'est le degré d'excitation qu'elles nous donnent et la nuance de cette excitation. C'est ainsi que nous avons classé les parfums en deux catégories, les agréables et les désagréables, c'est-à-dire favorables ou défavorables à notre organisme.

Mais pourquoi n'avons-nous pas réglementé, orchestré les odeurs comme les sons ? Cette idée a d'ailleurs tenté quelques savants et quelques poètes, et si ces tentatives n'aboutirent pas, c'est qu'elles ne correspondaient à rien d'utile ou même de possible. Il y a une gamme bien établie des couleurs et des sons, mais on ne peut mesurer un parfum par son intensité en faisant abstraction de l'être ou de la plante dont il est le produit. Donc, impossibilité de créer une gamme, base d'une musique odorale. Une symphonie d'odeurs ne serait jamais qu'un bouquet de différentes fleurs.

Certes, nous percevons les odeurs les plus subtiles, et il n'est guère de sensations visuelle, auditive ou tactile qui ne soit accompagnée, mariée à une sensation olfactive. Un romancier ne peut rendre, dans la description d'un paysage, l'odeur particulière d'une forêt, d'un jardin, mais le lecteur y supplée, s'il a une mémoire odorale. Francis Jammes a écrit : « ...les fleurs de cinq heures », indiquant ainsi la couleur et l'odeur spéciales des fleurs à cette heure du jour. Ceux qui n'ont pas ces images, au refuge de leur subconscient, ne verront là que des mots.

Dans notre mémoire, les images odorales dorment, mais ne s'éveillent pas à notre commandement. Je connais l'odeur des lilas ; les yeux clos, si on me fait respirer une touffe de ces fleurs, je prononcerai aussitôt : lilas. Mais il m'est impossible, en ce moment, d'évoquer exactement ce parfum. Les images odorales ne nous obéissent. pas comme les images visuelles.

Notre conception du monde est d'ailleurs presque exclusivement visuelle. Une peinture, un dessin même, une photographie nous restituent intégralement un paysage.

Pour beaucoup d'individus même, les impressions musicales se traduisent souvent en images visuelles ; ils écoutent une symphonie et voient des paysages ; et en quoi consiste le rôle de critique musical, sinon à transposer en images visuelles des sensations auditives ? D'ailleurs ce n'est que par l'analyse que l'on peut isoler les sensations, et il n'y en a en réalité pas qui soient purement visuelles, odorales ou tactiles. Et si, comme le développe M. Régismanset dans ce petit traité, les odeurs ont surtout une influence d'excitation sexuelle, c'est parce qu'elles éveillent en nous toutes les sensations qui provoquent le désir.

Quoi qu'il en soit, dit-il encore, l'action des parfums ne doit pas s'exercer seulement dans le domaine de la sensibilité. Il doit en être des parfums comme des couleurs, dont certaines, comme le bleu, incitent au rêve, à la mélancolie, d'autres, comme le rouge, à la colère, à l'action.

Certes, mais tout cela n'est-il pas toujours du domaine de la sensibilité ?

L'auteur conclut que, dans « le concert de la Nature », les parfums jouent un rôle considérable, « ils poussent l'homme à se perpétuer, à conserver sa vie... ». Mais ce rôle des parfums ne l'avons-nous pas perfectionné, dans l'amour comme dans la préparation des aliments ? Les femmes savent attirer les hommes par des parfums artificiels, les cuisiniers exciter notre appétit par des combinaisons de saveurs parfumées. C'est de l'art. Et vraiment avons-nous tant négligé que cela la culture de notre odorat ?

Le Journal d'un Solitaire, de Xavier Thiriat, est l'histoire d'un pauvre paysan paralysé depuis son enfance et qui a cherché dans l'étude de la nature et de ses phénomènes, une consolation à son infirmité et un but à sa vie nécessairement oisive. Ce sont des pages d'un mysticisme un peu naïf, mais d'une analyse sincère. Et il y a dans les derniers chapitres une sérénité dans la douleur qui est réellement belle. N'avoir connu aucune joie de la vie, et atteindre, en sa vieillesse, ce calme heureux que décrit Xavier Thiriat, c'est une rare conquête sur soi-même. Le désir de connaître est devenu pour lui une raison suffisante de vivre, et si sa culture est incomplète, sa curiosité n'est pas illimitée. La religion lui explique l'inexplicable.

Maintenant, écrit-il, quoique paralysé, solitaire, sans espoir d'acquérir même l'aisance la plus modeste... je ne voudrais pas changer ma position [...].

JEAN DE GOURMONT.


LES REVUES

La Revue : Fragments d'un journal intime de Philarète Chasles. — La Revue bleue : M. G. Cahen, sur le Recrutement des Infirmières. — La Revue de Paris : un sonnet de M. Henri de Régnier. — La Grande Revue : M. Bourdelle écrit au lieu de sculpter. — Mémento.

§

MEMENTO. — La Revue du Mois (10 juin). — M. E. Bouty : Tolérance et Science. — M. E. Tarbouriech : La Nature du droit d'Auteur.

Les Lettres (15 juin). — M. G. Trarieux : acte inédit de « l'Otage ». — D'admirables stances de Mme H. Picard : Pessimisme. — Pierre Fons : Une esthétique de la philosophie naturaliste. — Il y a, d'un anonyme, une très comique et littéraire parodie des drames de M. Maeterlinck : Idrofile et Filigrane.

La Revue bleue (15 et 22 juin). — M. Théodore Reinach : La Grèce retrouvée par les Grecs. — La suite des Nouveaux cahiers de jeunesse de Renan.

Le Correspondant (10 juin). — Un Huysmans, par M. H. Bremond.

La Nouvelle Revue (15 juin). — M. E. Tissot : Les Jeux des animaux.

La Revue hebdomadaire (15 juin). — M. Ch. Dupuy : L'Alcoolisme au point de vue social.

Le Censeur (15 juin) publie les réponses à une enquête provoquée par un projet de loi de M. Ajam, député, sur la Propriété littéraire. — (29 juin). Un article de M. G. Jean-Aubry sur Vincent d'Indy.

La Phalange (15 juin). — M. E. La Jeunesse y propose d'élever Un monument Oscar Wilde à Paris. M. Han Ryner y publie des fragments du cinquième Evangile qu'il prépare. MM. E. Sicard et C. Lahovary-Soulzo y font insérer des poèmes.

Revue Catholique et Royaliste (20 juin). — C'est une revue qu'on peut lire sans fatigue cérébrale. Elle est beaucoup plus réjouissante que son titre dogmatique ne permettrait de le supposer. Le lieutenant M*** et M. René de Garagnol émettent des observations délicates qui, sur l'Anarchie militaire, qui, sur la Part du travail au Rendement du Capital. M. Jacques Massiges écrit en vers. II y a dans ce numéro la suite d'Une relation d'un voyage au Maroc, en 1825, par le Vte de Pontbriand, d'un intérêt supérieur.

La Revue de Paris (15 juin). — Musiques étrangères par M. L. Laloy.

L'Education nouvelle en Chine, de M. Noël Péri.

CHARLES-HENRY HIRSCH.


LES JOURNAUX

Racan (Le Temps, 1er juillet). — Concours littéraires (La Dépêche, 3o juin) — Flaubert et Victor Hugo (Le Gaulois, 1er juillet).

La Touraine vient, paraît-il, de fêter Racan. Je ne sais pas trop en quoi consistèrent ces fêtes, mais je pense que cela fut charmant et reposant. Racan n'inspira jamais de passions, ni comme homme, ni comme poète. C'était un bonhomme un peu falot, bonhomme et falot dès la vingtième année. il ne savait ni se présenter, ni parler (1) ; il n'était pas, semble-t-il, très intelligent, avec son air de paysan narquois, ce qui ne l'empêchait pas de faire d'agréables vers. Ceux pour qui la littérature française n'a de valeur que comme enseignement moral vantent beaucoup Racan. Il est en effet d'une moralité innocente, et l'on ne connaît guère de lui que deux poèmes un peu salés, ce qui est modeste au regard du priapique Maynard, son frère en Malherbe. L'auteur des « En marge » du Temps disait de lui l'autre jour :

Le château, l'existence et le lyrisme d'Honorat du Bueil, marquis de Racan, sont situés à flanc de coteau. Quel bon compagnon devait être ce gentilhomme campagnard, un peu vain, un peu balourd, mais si inoffensif et d'une si attendrissante douceur ! Il semble bien que ses contemporains se soient plus d'une fois égayés à ses dépens. Les discoureurs des ruelles se moquaient de ses gaucheries de provincial et de son parler villageois. Les dames le traitaient sans complaisance. Ayant été page à la cour de Henri IV il avait pu apprendre la galanterie à bonne école. Son tempérament fort son amy, qu'elle recouvra la vue d'un œil et se remit à faire l'amour tout de nouveau. » Cloris resta reine au royaume des borgnes. Racan chanta son œil unique :

Son œil divin, dont j'adore la flamme,
En tous endroits éclaire dans mon âme,
Comme aux plus chauds climats éclaire le soleil.
Et si l'injuste sort, aux beautés trop sévère,

A fait mourir son frère,

C'est que le ciel voulut qu'il n'eût point de pareil.

Et tout cela pour que Cloris allât porter à un autre marquis, qui s'exprimait en langue vulgaire, son cœur, sa personne et sa pension !

Racan ne fut pas mieux traité par Mme de Termes, dont il avait pourtant changé le nom périssable de Catherine en l'anagramme héroïque d'Arthénice (1). Il composa, pour l'attendrir, une pastorale de trois mille vers dans la manière du Tasse et de Guarini. Des deux yeux de cette seconde inhumaine, le pauvre marquis bucolique n'obtint pas un regard. Il espéra longtemps, avec la constance d'un berger de M. d'Urfé. Au bout de dix années d'amour courtois, il épousa, devant un curé de village, une jeune fille de Touraine qui ne jouait pas du théorbe. Après vingt ans de service militaire, il prit sa retraite avec le grade de lieutenant. Guéri des Arthénices et de la gloire guerrière, il alla faire, au pays natal, de l'agriculture et de la poésie.

§

De M. Remy de Gourmont, dans la Dépêche, à propos des Concours littéraires :

Les prix académiques sont devenus si nombreux que la matière commence à leur manquer. En ce moment, dit-on, la Société des gens de lettres cherche un poète. Si elle en trouvait un, elle lui remettrait le prix des poètes fondé par M. Sully-Prudhomme. Mais elle n'en trouve pas,et elle s'afflige. Il est vrai que le prix Sully-Prud'homme est difficile à décerner. C'est la pantoufle de Cendrillon. Il faut d'abord que le poète soit complètement inédit, du moins qu'il n'ait jamais fait imprimer de volume. Il faut ensuite que ce poète vierge fasse ses vers selon la mode de 1865, année où débuta Sully-Prudhomme, année où le Vase brisé le rendit célèbre. Ce n'est pas un poète, seulement, que réclame le concours Sully-Prudhomme. C'est un poète qui serait en même temps une rosière, qui aurait soigneusement préservé sa vertu, qui aurait fermé l'oreille aux propos dangereux, qui aurait émotions d'un coup de tam-tam final et régulier. On peut, depuis quelque temps, chanter ses amours sans que, douze syllabes plus loin, apparaisse l'inévitable toujours ; le mot femme n'appelle plus invinciblement l'âme ou la flamme ; le coquelicot rouge n'exige plus l'imbécile cheville qui bouge, et les arbres et les marbres ne sont plus les frères siamois d'une poésie mécanique tournant sur elle-même comme un danseur monté sur pivot. Enfin, la versification française, pour tout dire, est en état d'anarchie, et cela chagrine fort M. Sully-Prudhomme, ami des principes. Aussi, cet homme de bien consacre-t-il tous les ans un billet de mille francs au sauvetage de notre poésie nationale. Mais le courant anarchique est si fort que les jeunes poètes préfèrent à cet or despotique leur liberté : et le prix Sully-Prudhomme est en grand péril. Mais un concours trouve toujours son homme. Espérons encore.

Il ne faut pas douter, en effet, que le prix Sully-Prudhomme ne confère au poète lauréat une gloire immortelle. Il en est de même du prix de poésie sur sujet imposé que décerne chaque année l'Académie française. Tout le monde connaît les noms des élus et relit sans cesse ces œuvres laurées. Il y a là une institution bien utile et bien féconde.

§

Clovis Hugues, dit le Gaulois, racontait cette anecdote :

Une fois, Flaubert dînait chez Hugo. C'était peu de temps après la publication de Salammbô, et le romancier se défendait contre quelques reproches d'inexactitude archéologique. Soudain, Victor-Hugo s'écria :

— Je vois Carthage.

Et il parla. En cherchant à peine, parfois, une expression, avec des phrases d'un rythme superbe, des mots puissants et précis, il évoqua, devant ses convives ravis et stupéfaits, la vision de Carthage, improvisant ainsi une page qui eût mérité de prendre place parmi ses pages les plus magnifiques.

Tous étaient muets de plaisir et d'étonnement. Alors Flaubert, de sa voix tonnante, clama :

— C'est trop fort ! Vous vous « éreintez » pendant dix ans, vous amassez des documents, cherchez des images, polissez des phrases, afin de ressusciter le passé d'une ville morte ; et dix minutes suffisent à ce monsieur, pour réussir, sans fatigue, en se jouant, à donner — mieux que vous en cinq cents pages. — l'illusion de la vie à ce qui n'est plus !...

Il se leva, il pencha sa haute taille au-dessus, de la table, il brandit son poing de barbare normand vers Victor Hugo :

— Tenez, s'écria-t-il, vous êtes un homme à tuer !

Et il laissa retomber son poing sur la table, qui retentit, tandis que Hugo était secoué par un rire cyclopéen.

Toujours enthousiaste, mais toujours malin, Clovis Hugues, après m'avoir conté cette scène, ajoutait :

— D'ailleurs, entre nous, il est très possible que le matin même, le père Hugo eût préparé sa petite vision de Carthage... Il en était bien capable... Mais, quand même, c'était vraiment beau.

Tout de même, cette « petite vision » carthaginoise, cela ne devait pas précisément démolir Salammbô et Flaubert était bien naïf de s'émouvoir pour dix minutes de déclamation.

R. DE BURY.

(1) Voir dans Tallemant des Réaux (Collection des plus belles pages, anecdote des Trois Racan, dont Boisrobert fît sa comédie des Trois Oronte) (1653).

(2) Malherbe et Racan trouvèrent ce nom tous deux, en devisant. Malherbe le destinait à Mme de Rambouillet, à laquelle il est demeuré attaché, quoique Malherbe lui-même l'ait célébrée sous le nom de Rodanthe.


ECHOS

A propos du Congo belge. — Rodin et l'art actuel. — Maximes et réflexions de Gœthe. — L'exposition de la Toison d'or à Bruges. — Les dernières paroles de Gœthe. — « Nos arrière-neveux nous devront cet ombrage. » — Willy poète. — Publications du Mercure de France. — Le Sottisier universel.