De cette vieille ville de Coutances,
Samedi, 10 septembre, 4 h.

J'ESPÉRAIS trouver ici de l'étoffe rayée. En voici, dans une enveloppe séparée qui me semble parfaite pour un manteau - le manteau de nos rêves.

Je crois qu'il n'y a qu'ici qu'on trouve cela. C'est fait sur métier à la main par les seuls paysans.

Je puis en avoir à bon marché la quantité qu'il faut. La largeur est de 1 m. 10 environ.

En répondant avant six heures et en adressant la lettre à Coutances (Manche), Poste restante, j'aurais le temps d'en prendre en revenant de Geffosses.

Si l'on n'est pas encore décidé, j'ai l'adresse de la bonne femme et on pourra s'en procurer plus tard.

Trouvé ici une cuvette originale, peut-être impossible :- un vieux bassin de cuivre - ancien, en bon état - qui bien écuré et nettoyé serait d'un joli ton jaune - Trouvé des ciseaux.

Mon écriture est-elle lisible - J'écris dans le jardin de la vieille maison, l'intérieur étant trop mélancolisant avec ses volets clos, l'odeur de moisi. Une machine dont on héritera peut-être ; bon pour un conte d'Edgar Poe.

Déjeuné chez un brave homme de poète, non sans talent, mais un peu provincialisé. Une fête pour lui et pas un moment désagréable pour moi.

Une petite pluie pour voyager ; peu récréatif, pas plus que les chemins de fer de ce pays où l'on est plus secoué qu'en un vieil omnibus.

Singulière ville. Je passe dans les rues, on me regarde, on me signale ; des vieilles gens, des ecclésiastiques me saluent très bas ; un libraire veut me vendre un vieux christ en ivoire ; j'entends mon nom murmuré par les boutiquiers sur leurs portes.

Les corneilles de la Cathédrale ont un cri particulier ; il y en a plein l'air, par moments. Dans les rues un bruit de sabots. Impression funèbre et grotesque.