Promenades littéraires ; par M. Remy DE GOURMONT. — La critique est, au jugement de M. de Gourmont, le genre le plus subjectif, celui qui prête le plus à la confession. En effet, dans ces Promenades littéraires où il est question de Renan, Brunetière, Huysmans, Barrès, P. Adam, Rostand, Mirbeau, J. de Gaultier, Nietzsche, Lemaître, Laforgue, Mérimée, Thiaudière, J. Dolent, Judith Gautier, Elisabeth d'Autriche, Fabre d'Églantine, Balzac, Verlaine, Moréas, Régnier, Verhaeren, Ch. Guérin, d'Aurevilly, Laclos, E. Poe et Baudelaire, ce qui intéresse le plus, ce sont les jugements et les goûts de M. Remy de Gourmont.

Veut-on connaître quelques idées prises çà et là dans ce volume ? M. de Gourmont pense que « la philosophie est plus délectable et plus émouvante que tous les drames et tous les romans » ; « que l'hypocrisie du scepticisme est une des plus répandues et une des plus difficiles à démasquer » ; que les hommes abandonnent le scepticisme « quand la force diminue, car alors il faut choisir » ; que « les conversions ordinairement coïncident avec une diminution sensible de l'énergie vitale ». Il croit encore que « M. Renouvier eût pu professer au séminaire de Saint-Sulpice sans choquer personne », et regrette « que la nervosité intellectuelle de Pascal n'eût pas été tempérée d'un peu de scepticisme à la Renan ». Il y a là quelques assertions propres à bouleverser les gens qui cherchent la paix dans les opinions convenues ; mais l'air de sincérité de l'auteur semble exclure tout reproche de fantaisies paradoxales. Il dit aussi de J.-J. Rousseau : « Les paradoxes du Genevois ont quelque chose de triste à la fois et de répugnant, on dirait de gluant. Il représente l'anarchiste antisocial, qui ne se sent plein de haine pour la civilisation que parce qu'il est incapable de la comprendre et d'en jouir. » Le mélange même de ces opinions est savoureux. Pour s'en tenir aux opinions proprement littéraires, qui ne serait reconnaissant à cet auteur de son joli essai sur les contes de fées et de l'aimable théorie littéraire qu'il suppose ? M. R. de Gourmont n'admet qu'un seul genre en littérature : le poème (en prenant le mot dans son sens large et étymologique de chose créée), c'est-à-dire toute invention de la fantaisie. Tout le reste, selon lui rentre dans la science. De là son goût pour les contes, ces œuvres de l'imagination pure. II rappelle ces noms charmants : Mme d'Aulnoy, Ch. Perrault, Mme Leprince de Beaumont, d'autres encore. « Et quelle revanche contre les turpitudes naturalistes ! Ou la science, ou la poésie : il n'y a pas de milieu. » Voilà qui est d'un homme amoureux de la littérature véritable.