Les Saintes du paradis

Hommage

Dédicace

O pérégrines qui cheminez songeuses,

Songeant peut-être à des roses lointaines,

Pendant que la poussière et le soleil des plaines

Ont brûlé vos bras nus et votre âme incertaine,

O pérégrines qui cheminez songeuses,

Songeant peut-être à des roses lointaines !

Voici la route qui mène à la montagne,

Voici la claire fontaine où fleurissent les baumes,

Voici le bois plein d'ombre et d'anémones,

Voici les pins, voici la paix, voici les dômes,

Voici la route qui mène à la montagne,

Voici la claire fontaine où fleurissent les baumes !

O pérégrines qui cheminez songeuses,

Suivez la voix qui vous appelle au ciel:

Les arbres ont des feuillages aussi doux que le miel

Et les femmes au cœur pur y deviennent plus belles.

O pérégrines qui cheminez songeuses,

Suivez la voix qui vous appelle au ciel.





Les saintes du paradis


Agathe,

Joyau trouvé parmi les pierres de la Sicile,

Agathe, vierge vendue aux revendeuses d'amour,

Agathe, victorieuse des colliers et des bagues,

Des sept rubis magiques et des trois pierres de lune,

Agathe, réjouie par le feu des fers rouges,

Comme un amandier par les douces pluies d'automne ,

Agathe, embaumée par un jeune ange vêtu de pourpre,

Agathe, pierre et fer, Agathe, or et argent,

Agathe, chevalière de Malte,

Sainte Agathe, mettez du feu dans notre sang.


Agnès,

Agnelle, épouse du feu, Agnelle, amie de l'Agneau,

Agnès, plus forte que la magie des jeunes cheveux,

Agnès, fille sacrée du signe de la croix,

Agnès, Agnelle et Danielle, toi qui caressas

D'une main pure la crinière cruelle des brasiers,

Blanche Agnès, décollée par le glaive aveugle,

Et trempée dans la gloire vierge des lys rouges,

Brebis, Toison, Manteau, trame et chaîne des palliums,

Sainte Agnès, filez pour nous la laine éternelle.


Angèle,

Qui avez vu dans le ciel une échelle,

Une longue échelle rouge où montaient des jeunes femmes,

De belles jeunes femmes vêtues de blanc,

Angèle qui avez gravi l'échelle de neige et de sang,

Angèle qui êtes montée au ciel en revenant de Jérusalem,

Angèle qui avez le pouvoir d'apaiser les orages,

Sainte Angèle, apaisez les orages de notre cœur.

Catherine,

Contemplatrice héroïque du Rêve,

Catherine que le démon battait comme la mer

Bat le sable innocent des dunes et des grèves,

Catherine visitée par Jésus familièrement

- Jésus venait chanter le psautier avec elle, -

Catherine au front orné du diadème sanglant,

Catherine pleine de larmes, pleine de charmes, pleine de songes,

Sainte Catherine, protégez nos âmes pleines de songes.


Colette,

Douloureuse beauté cachée dans la prière,

Colette, dure à son cœur et plus dure à sa chair,

Colette prisonnière dans les cloîtres amers

Où les colliers d'amour sont des chaînes de fer,

Colette qui pour mourir se coucha sur la terre,

Colette après sa mort restée fraîche comme une pierre,

Sainte Colette, que nos cœurs deviennent durs comme des pierres.


Françoise,

Sœur favorite de l'invisible Frère,

Miraculeuse amie des puissances de l'air,

Astrologue admirable de la Tour des Miroirs

A qui Dieu écrivit des lettres en lettres d'ors,

Françoise dont les mains multipliaient les pains

Pour nourrir les mendiants qui vont par les chemins,

Sainte Françoise, nourrissez nos âmes qui ont faim.

Geneviève,

Innocente exilée vers la dents des halliers,

Chair déchirée par le mensonge et par les ronces,

Et qui n'a d'autre toit que les bons arbres hospitaliers,

Geneviève à qui les cerfs venaient lécher les pieds,

Geneviève à qui les loups faisaient les yeux doux,

Geneviève mère d'un enfant pauvre et nu comme un faon,

Sainte Geneviève, visitez nos cœurs abandonnés.



Gertrude,

Abbesse insigne à la crosse d'ivoire,

Gertrude, salut d'amour au soleil de l'hostie,

Fille de l'Ecriture, écrite par le cilice,

Miel fondu dans le vin douloureux de la vie,

Cinnamome jeté dans la prison de l'encensoir ;

Gertrude, cil, larme et pois de senteur,

Gertrude, enivrée par l'odeur de la vigne,

Sainte Gertrude, versez votre ivresse dans nos cœurs.

Gudule,

Née parmi les nuées des fleuves d'autrefois,

Dans la prairie, à l'ombre des trembles et des saules,

Gudule dont les épaules portent une cathédrale,

Gudule qui fut aimée, enfant, par saint Michel,

Gudule qui fut aimée, morte, par Charlemagne,

Gudule, parfum des roses et chanson des roseaux,

Sainte Gudule, embaumez la chanson de nos âmes.



Hélène,

Hôtelière du Calvaire, mère du Labarum,

Tête frappée en médailles et en monnaie d'amour,

Poitrine expiatrice des stupres de la pourpre ;

Hélène, pérégrine vers le sang du Sauveur,

Hélène, qui baisas la terre des douleurs,

Hélène, qui choisis, entre les trois, la Seule,

Hélène, Palestine, Hélène, Basilique,

Hélène, crucifiée sur la croix byzantine,

Sainte Hélène, guidez nos âmes pérégrines.

Jeanne,

Bergère née en Lorraine,

Jeanne qui avez gardé les moutons en robe de futaine,

Et qui avez pleuré aux misères du peuple de France,

Et qui avez conduit le Roi à Reims parmi les lances,

Jeanne qui étiez un arc, une croix, un glaive, un cœur, une lance,

Jeanne que les gens aimaient comme leur père et leur mère,

Jeanne blessée et prise, mise au cachot par les Anglais,

Jeanne brûlée à Rouen par les Anglais,

Jeanne qui ressemblez à un ange en colère,

Jeanne d'Arc, mettez beaucoup de colère dans nos cœurs.

Julie,

Victime très douce des Juifs et des Vandales,

Vendue par un marchand de femmes et de sandales,

Martyre dont le seul juge fut un vieux préteur ivre ;

Julie morte en souriant près de la mer, le soir,

Julie qui, en mourant, murmurait : Je suis libre,

Julie, pendue par ses beaux cheveux noirs,

Sainte Julie, délivrez nos cœurs du désespoir.


Marcelle,

Pétale d'or pâle au front des dames romaines,

Pâleur solitaire parmi les fleurs des fêtes rouges,

Marcelle, amie des cryptes et des catacombes,

Marcelle, riche et pauvre, Marcelle, fière et humble ;

Marcelle, enjeu sanglant du vinaigre et des verges,

Marcelle, revêtue d'une robe de morsures,

Sainte Marcelle, étanchez le sang de nos blessures.



Marguerite,

Plaisir d'amour, ensuite poussière

Sous les sandales de saint François,

Guérie de la chair par l'horreur d'une chair adorée,

Sauvée par la bonté d'un figuier paternel,

Languie trois ans dans les limbes de la tristesse ;

Marguerite, muette oratrice du linceul,

Dont l'aveu étonna l'ombre des cathédrales,

Marguerite, pécheresse contrite,

Au visage écrasé par le sable des briques,

Sainte Marguerite, courbez notre orgueil vers la terre.


Marie,

Amertume des baisers sur les barques du Nil,

Robe de soleil et voile bleu que la nuit caresse,

Marie, voyageuse amoureuse et pauvre,

Jetée par l'ouragan dans l'île pénitente,

Et qui brûlas tes lèvres au soufre du Jourdain,

Marie des sables, Marie des palmes, Marie des lions,

Marie nourrie sept ans d'un pain miraculeux,

Sainte Marie, brûlez nos cœurs au feu divin.


Mathilde,

Princesse dont les bras blancs portaient la peine des pauvres,

Mathilde dont les mains blanches usaient les durs psautiers,

Mathilde, reine de trois mille et l'une des mille servantes,

Mathilde, dont le cilice de fer avait trois pointes,

Mathilde, dont les genoux furent le sceau des dalles,

O Mathilde, baiser, sandale et bracelet,

Rose d'automne tombée dans l'eau des pénitences,

Sainte Mathilde, jetez nos cœurs sur les pavés .

Natalie,

Née parmi les orages des lointaines forêts

Et portée longtemps sur les mers aux cheveux clairs,

Natalie qui aimas tes sœurs et tes pareilles

Plus que toi-même et, plus que tout, l'Amour,

Natalie élue entre toutes dès le premier jour

Pour parer de roses blanches les glaives de l'amour

Dont les sept pointes font sept blessures de joie,

Natalie emmêlant bure et cuir à la soie,

Natalie souriante au bord de la géhenne,

Sainte Natalie, soyez le parfum de nos peines.

Paule,

Amie de saint Jérôme, pourpre réduite en cendre,

Epaule où le vieux moine grava le nom de Dieu,

Paule, manteau de laine sur le dos nu des pauvres,

Paule, couchée par terre, les yeux vers les étoiles,

Paule, cendre, corde et pierre, fagot d'épines,

Crâne rasé comme un rocher de Palestine,

Cœur plein de la poussière de Bethléem,

Sainte Paule, humiliez nos âmes tristes et vaines.

Ursule,

Griffon du nord, bête sacrée venue

Dans la lumière bleue d'un rêve boréal,

Ursule, flocon de neige bu par les lèvres de Jésus,

Ursule, étoile rouge vers la tulipe de pourpre,

Ursule, sœur de tant de cœurs innocents,

Et dont la tête sanglante dort comme une escarboucle

Dans la bague des arceaux,

Ursule, nef, voile, rame et tempête,

Ursule, envolée sur le dos de l'oiseau blanc,

Sainte Ursule, emportez nos âmes vers les neiges.


Zite,

Sainte aux yeux doux, sainte en bonnet, sainte en sabots,

Zite dont l'oratoire était une cuisine,

Zite, qui pour marmitons avait les Anges du ciel,

Zite, bon cœur, bon feu, bonne soupe et bon gîte,

Zite aux mains rouges fleuries de menthe et d'estragon,

Sainte Zite, mettez la table où s'attable l'Amour.






Les poèmes des Saintes du paradis ont été entoilés par Sabrina Leriverend, élève de Terminale littéraire au Lycée Lebrun de Coutances (premier semestre 2001). « Natalie » ne figurait pas dans l'édition originale.