Every book is, in an intimate sense, a circular letter to the friends of him who writes it. Of what shall a man be proud if he is not proud of his friends ? Stevenson.


Monsieur Desmaisons et Monsieur Delarue, les deux complices, se sont retrouvés aux Enfers, où ils poursuivent leurs dialogues sur les choses du temps. Monsieur Delarue est devenu un accro de la Toile, tandis que M. Desmaisons est resté fidèle au livre imprimé.

L'AMATEUR n° 153

M. DESMAISONS. — Eh bien, rien qu'à vous voir, je sens que vous allez m'annoncer une nouvelle découverte ?

M. DELARUE. — Non, pas une découverte, mais une victoire. La semaine dernière, j'avais recensé 78 entrées « Gourmont » sur le site de l'Encyclopédie de l'Agora. Aujourd'hui, sur le site qui nous est spécifiquement consacré, ils en sont au 153ème amateur...

M. DESM. — Qu'est-ce que tous ces chiffres font à l'affaire ?

M. DEL . — Mais songez que nous sommes en train de sortir du grand silence dont nous avons souffert pendant plus d'un demi-siècle !

M. DESM. — ...

M. DEL . — Sur ce site on trouve aussi une quantité de citations de nos œuvres, que j'ai beaucoup de plaisir à relire.

M. DESM. — C'est cela : du Gourmont en miettes ! Ah ! je les vois venir, les fossoyeurs culturels. Sujet d'agrégation n°1. Commentez cette pensée de Vauvenargues : « Les grandes pensées viennent du cœur ». Sujet n°2. Commentez cette pensée de Gourmont : « ... » (1).

M. DEL . — Nos amateurs font tout pour nous faire reconnaître. Ils vouent au pilori les auteurs des articles où en raison du sujet abordé le nom de Remy de Gourmont aurait dû apparaître.

M. DESM. — (sursautant). Comment donc ? « Au pilori !... en raison du sujet abordé ! » ? Je demande à voir ces mots imprimés, avec la liste des sujets qui nous seraient impartis. Mais c'est une censure, une inquisition ! ... Pourquoi riez-vous ?

M. DEL. — En parlant d'inquisition, vous m'avez fait penser au César de Pagnol...

M. DESM. — ... L'honorable académicien qui vient de faire notre éloge, vont-ils aller fouiller dans son passé, établir qu'à telle date il n'a pas prononcé le nom de Gourmont, et le mettre rétroactivement au pilori ? Veulent-ils faire de la Gourmontie une religion, c'est-à-dire une instance de persécution ? Si c'est le cas je n'en fais pas partie.

M. DEL . — Du calme, cher ami, nous sommes bien d'accord ! Ce que nous souhaitons, ce n'est nullement que le nom de Gourmont soit reconnu (surtout par une multitude imbécile), mais simplement qu'il soit un peu mieux connu. Mais faut-il regretter la grande absence, ou être du côté de ceux qui cherchent à nous faire connaître ?

M. DESM. — Il faut être du côté de ceux qui voudraient nous faire lire. J'aime assez l'article de Christian Buat (dans les Cahiers de l'Herne), parce qu'en donnant à voir des extraits pas trop provocants (« politiquement corrects », comme on dit en ce siècle moins tolérant que le précédent), il donne envie de lire le reste. S'ils réussissent à faire réimprimer les Dialogues des Amateurs, sans coupure et sans Avant-Propos, alors nous pourrions être fiers de nos amis. Mais au fait, qu'allons-nous gagner au juste en sortant du grand silence ? Les meilleurs appartiennent aux meilleurs, n'est-ce pas leur lot de rester méconnus ?

M. DEL. — Vous êtes insatiable ! Parlons d'autre chose. Il y a du nouveau du côté du Pape. Il paraît justement qu'il vient de faire amende honorable en ce qui concerne l'Inquisition.

M. DESM. — Ah non ! Plus d'inquisition ! Plus de piloris !.. Cela rappelle trop les temps d'abjection (pas si lointains). Foin des pensées moroses ! Entonnons plutôt l'antienne des optimistes : Vers l'avenir, en avant ! Vers l'avenir, en avant ! (bis)

(1) Cela s'est déjà produit au concours de l'ENS en 1989 [NDLR].