Constant Bourquin, « Le point de vue de Sirius », Mercure de France, 15 janvier 1925, p. 353-377

LE POINT DE VUE DE SIRIUS

L'observateur est exactement le contraire du sauveteur. L'un se jette à l'eau, à la tête d'un cheval, arrête le bras, etc. ; l'autre regarde comment cela va se passer. L'intervention la plus brave lui semble toujours un peu criminelle.

REMY DE GOURMONT.

Critias méprise notre temps, qui l'a vu naître il lui reproche une médiocrité générale et essentielle : un temps où les « hommes du peuple », avec des conceptions faites à la mesure de gens qui participent aux passions frustes de l’homo faber et où s'accuse la proximité de leurs origines, ont détrôné définitivement la civilisation des « clercs » dans la hiérarchie des valeurs. « Les Scythes ont conquis le monde ».

M. Julien Benda insiste avec une prédilection visible sur ces oppositions brutales où s'affrontent deux races intellectuelles, dont l'une donnait la primauté aux choses de l'intelligence, considérait la connaissance comme fin unique de la spéculation, tandis que l'autre, attentive à la vie humaine, hypnotisée sur les accidents du struggle for life, met l'intelligence au service de l'action, assignant à son effort des finalités dérisoires. Une civilisation a disparu, qui avait pour tenants ces saints d'un genre exceptionnel : Pythagore, Erasme, Montaigne, Spinoza...

Critias, sous le masque de qui M. Benda se plut à mourir un jour, assurait leur descendance parmi nous, qui étouffons sous un « couvercle de plomb », victimes d'une « panbéotie redoutable ». Il était, autant qu'on peut l'être, libéré du [la suite sur Gallica].