La Bombe, jeudi 1er juin 1905, minuit 25 |
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La Bombe. On aurait pu la mettre sur le programme, tant elle était prévue, attendue. Des bavards, parmi les socialistes frénétiques, y avaient fait d'assez claires allusions, jusqu'à conseiller à la foule de ne pas serrer de trop près la voiture de la victime désignée. Le coup essayé, d'ailleurs, et quoique tout à fait raté, ces mêmes intempérants sont rentrés avec prudence dans les arrière-salles où ils sablent le petit bleu et la bleue. Attitude excellente, car il faut ménager ses forces oratoires, ou les récupérer, quand on vient de proférer d'éloquentes paroles. La bombe s'est amendée. Ce n'est plus une sale marmite, une triste boîte à conserves ; c'est une presque élégante pomme d'ananas en fonte recelant les petits tubes de verre et toutes les délicates chimies qu'il faut. Les prochaines seront de bronze, peut-être, et fondues avec art et bien ciselées, comme les boucliers des héros d'Homère. Les Catalans, qui sont des gens terribles, qui ont déjà inventé un surin fameux, sont aussi des gens de goût. Cela leur vaudra, nul n'en doute, l'indulgence du jury séquanien, si intelligent. Les Parisiens, malgré ce vilain intermède, se sont, paraît-il, amusés beaucoup. On a crié vive le roi, tant que l'on a pu. Ces Parisiens, ils sont curieux, ce sont des royalistes qui s'ignorent. D'avoir vu un roi embrasser une bergère, les dames de la halle en furent toutes remuées. Elles croyaient que cela ne se voyait plus qu'au Châtelet. Les journaux graves disent que ces sentiments sont passagers, et qu'au fond la population de Paris est fermement républicaine, à preuve que, etc. Il ne faudrait peut-être pas trop s'y fier. REMY DE GOURMONT. Mercure de France, 15 juin 1905. La Vie et l'Image L'Attentat contre le roi d'Espagne. Jeudi 1er juin, à minuit 25, après la représentation de gala à, l'Opéra, au moment où le président de la République et le roi d'Espagne s'engageaient dans la rue de Rohan, relativement sombre au sortir de l'aveuglante lumière de l'avenue de l'Opéra, deux bombes ont été lancées par un anarchiste sous les voitures du cortège. Ni le roi, ni le président ne furent atteints, mais vingt-deux personnes furent blessées plus ou moins grièvement. L'enquête judiciaire a formellement établi que l'attentat contre Alphonse XIII est le résultat d'un complot ourdi à Barcelone, exécuté avec un engin de fabrication espagnole et par un Espagnol du nom de Ferras. Ses complices sont : Vallina, Navarro, Pallacios, Espagnols, et Harvey, Anglais. Charles Malato, écrivain anarchiste bien connu, qui a reçu les bombes envoyées de Barcelone, a été arrêté. Revue universelle 1905, p. 332
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