Léonard de Vinci précurseur de Quinton. — Nombre de textes de Léonard laissent l'impression que ce grand esprit avait entrevu, comme par un singulier don de divination, quelques-uns des faits qui donnèrent lieu plus tard aux découvertes les plus importantes ou aux hypothèses les plus ingénieuses de la science. Tel texte, sur la combustion, fait penser à Lavoisier ; tel autre, sur le mouvement de la terre, à Galilée ; ailleurs, il paraît se douter de la circulation du sang ; puis, il infère de la présence de coquillages fossiles dans l'intérieur des terres un ancien envahissement de la mer. Dans un chapitre de ses Promenades philosophiques (2e série) consacré à la Science de Léonard de Vinci, M. Remy de Gourmont, qui relève plusieurs de ces troublantes coïncidences, cite deux passages qui semblent une esquisse des lois de constance de M. Quinton. « Naturellement, écrit Léonard, toute chose désire se maintenir en son essence » Et ailleurs: « Dans l'univers, tout s'efforce de se conserver en son mode propre. » En voici deux autres qui n'ont pas été relevés, croyons-nous : « Si l'homme a en lui un lac de sang où croît et décroît le poumon pour sa respiration, le corps de la terre a sa mer océane qui croît et décroît toutes les six heures pour sa respiration ; si de ce lac de sang dérivent les veines qui vont se ramifiant par tout l'organisme, ainsi la mer océane emplit le corps terrestre d'innombrables veines d'eau. » (Textes choisis, p. 45.) Et p. 63, parlant de la cigogne : « Buvant de l'eau salée, elle se guérit. » Ne croirait-on pas voir là comme quelque prescience de « l'eau de mer, milieu organique » ?

Mais il ne faut pas attacher à ces curiosités plus d'importance qu'elles ne comportent. Comme le remarque M. Remy de Gourmont, « les anciens textes relatifs aux sciences sont très difficiles à lire froidement ; dès qu'ils semblent effleurer une vérité connue, notre pensée complète le balbutiement du vieil auteur ». De là à parler de véritables découvertes ou seulement de présomptions sérieuses, il y a loin. Le savant donne ses preuves. « Léonard eût été bien empêché de donner les siennes. Il parle en philosophe dégagé des préjugés, non en savant. Il pouvait dire : Je crois que... Il ne pouvait dire : Je le sais. Il n'en savait rien. »

(Mercure de France, 16 juin 1908, p. 765-766.)