Echos

1. Jean de Gourmont, « Littérature : Almanach des Saisons, " Au logis du Pou qui grimpe, Coutances " », Mercure de France, 1er juin 1920, pp. 461-462

Voici l'Almanach des saisons, qui s'imprime à Coutances, « au logis du Pou qui grimpe ». Véritable petit Almanach qui se présentera à nous, diversement vêtu selon les saisons, et qui nous apparaît aujourd'hui vert comme les feuilles du printemps. Il nous renseignera sur les astres et sur les saints, comme tout almanach qui se respecte, et sera illustré des bois taillés dans des poiriers normands par de probes imagiers. Mais aussi il nous dira la vieille fluctuation de la mode et de la vie, qu'il s'agisse de robes ou de poésie ou de musique. On y lira des vers de jeunes poètes, même cubistes ou dadaïstes, et des contes fugitifs. Dans ce premier numéro, déjà, une grande variété de noms, d'images et de pensées, que M. Joseph Quesnel a su harmoniser. Voici parmi des bois de Carlègle, Ludovic Rodo, Joseph Quesnel, Henri Chapront, René Jouenne et Jean Thézeloup, des pages de Henri Bachelin, feuilles vertes qui sentent encore le chêne où elles ont été cueillies, et quelques aphorismes de Remy de Gourmont, extraits d'un livre de Pensées encore inédit :

L'art qui ne sait pas croquer en un vers, en une phrase, en une mélodie, d'un coup de pinceau, tout un moment de la vie, peut bien être de l'orfèvrerie, ce n'est pas de l'art.

Et ceci, qui est peut-être un regret, et un aveu de la vanité, de la gloire et de la fortune :

Une vie de grandes satisfactions passionnelles, même traversée de luttes et de difficultés, vaut mieux qu'une existence sacrifiée à la poursuite d'une fortune qui arrive trop tard, quand le ressort vital est brisé, quand l'homme solitaire n'est plus qu'une somptueuse horloge qui marque des heures inutiles.

JEAN DE GOURMONT.