Notice

1° Edition originale :

Les Baisers, traduction nouvelle de Georges Prévot, avec une préface de Jean de Gourmont, Les Tablettes, 1920.

Echos

Emile Magne, « Littérature : Jean Second : Les Baisers, traduction nouvelle de Georges Prévot, avec une préface de Jean de Gourmont, Les Tablettes », Mercure de France, 15 juin 1920, pp. 448-449

Jean Everaerts, dit Jean Second, natif de La Haye, vécut à peine 25 années et l'on ne sait rien autre de lui que les dates de sa naissance et de sa mort, le lieu où il fit ses études, la nature de ses emplois. Ses poésies latines furent imprimées à Utrecht, en 1541, et traduites seulement au XVIIIe siècle. On l'eût aisément oublié si, dans les deux volumes de cette édition, n'avaient été insérées dix-neuf pièces intitulées Les Baisers. Celles-ci suffirent à conserver son nom dans la mémoire des lettrés à travers les siècles. Les poètes de la Renaissance en comprirent toute la voluptueuse et belle nouveauté. Il n’est pas douteux qu'ils cherchèrent en elles une formule inusitée d'expression en amour. Elles sont une exaltation païenne de la beauté du corps féminin. Néère, la bien-aimée de Jean Second, fut, comme l'indique Jean de Gourmont en une préface courte, mais excellente dans tous ses termes, la sœur de ces courtisanes antiques qui élevèrent la volupté à la hauteur d'une religion.

Dans la traduction nouvelle qu'il nous offre de ces petits poèmes délicieux, M. Georges Prévot s'est efforcé de serrer le texte latin du plus près que notre langue le lui permettait. Il semble qu'il est parvenu au but qu'il se proposait et qui consistait à transposer non seulement toutes les incidences, nuances et formes du mètre latin, mais encore, ce qui était plus malaisé, à rendre son harmonie profonde. La passion se dégage de ces pages ardentes, non pas la passion prenant ses racines dans l'âme ou dans le cœur, mais la passion brûlante qui coule au long des veines, greffe les lèvres sur les lèvres et transforme les amants en adversaires avides de se vaincre.

Hélas ! où sont-ils les humanistes qui savaient chanter de cette sorte les délices que leur octroyait la vie ? Déjà les poètes de la Pléiade avaient perdu cet accent, et, quand Malherbe vint, la poésie prit ce ton galant et glacé contre lequel combattirent vainement les libertins, quelques bons goinfres de cabaret et les burlesques dont le talent a été méconnu. Le sens de la réalité, l'amour de la vérité s'étaient évanouis, et à peine les avons-nous retrouvés.

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