ECHOS

Mort de Marcel Proust.— Le prix Nobel. — Le centenaire de César Franck. — Louis Courthion. — A propos des « Défaitistes ». — Le Monument Erckmann-Chatrian. — Maupassant sur Eugène Manuel. — Gérontocratie académicienne.

Mort de Marcel Proust. — Marcel Proust, dont la santé était très chancelante depuis de nombreuses années, est mort le samedi 18 novembre à l'âge de 51 ans.

Il avait débuté dans les lettres en 1896 avec un volume : Les Plaisirs et les jours, qu'avait préfacé Anatole France et illustré Mme Madeleine Lemaire. Ses Pastiches avaient ensuite paru au supplément littéraire du Figaro. Le premier volume de la série A la recherche du temps perdu (Du côté de chez Swan) avait paru en 1910 ; à l'Ombre des jeunes filles en fleurs, Le côté de Guermantes, Sodome et Gomorrhe avaient suivi. Ses traductions de John Ruskin (La Bible d'Amiens ; Sésame et les Lys, avec notes et préfaces) avaient paru au Mercure de France, le premier en, 1904, le second en 1906.

Il avait eu le prix Goncourt, en 1919, pour A l'ombre des jeunes filles en fleurs, par 6 voix contre 4 à Roland Dorgelès (Les Croix de Bois).

Si Marcel Proust ne remplissait pas le vœu d'Edmond de Gourmont [sic], qui précise que son prix doit aller à la « jeunesse » (M. Proust avait alors 47 ans), il le remplissait entièrement par « l'originalité du talent ».

Ses tentatives étaient bien en effet « nouvelles et hardies par la pensée et par la forme ». Toutefois, s'il se rattache par la pensée autant que par la volonté d'analyse, à la conception traditionnelle de l'esprit français, il s'en éloigne par la mise en œuvre.

Une étude très poussée de M. René Rousseau publiée par le Mercure de France, le 15 janvier dernier, le définit artiste de l'inconscient. « Proust s'attache, écrivait M. Rousseau, non pas à la signification conventionnelle de nos actions, mais aux états d'âme. »

Les lecteurs qui ont le goût de l'équilibre et des proportions (c'est peut-être bien la majorité du public français) lui reprochaient ses récits appuyés hors de toute mesure, sa morbidesse, ses textes exceptionnellement compacts et dans lesquels l'auteur paraissait avoir du mal à se faire entendre ; ils lui reprochaient également de s'appliquer à la peinture des tares plutôt qu'à celle des qualités de la race. A beaucoup de bons esprits, son œuvre donnait l'impression de n'avoir pas vu la lumière et de n'évoquer du monde que le côté papotier, artificiel. Marcel Proust a pourtant des imitateurs qui (comme la plupart des imitateurs) semblent planter dans de la terre morte.

Ses admirateurs recherchaient en lui un charme hallucinant et quelque peu ambigu, son goût somnambulique du passé et des sensations infinitésimales, son style à facettes, l'accumulation dans ses livres de constatations humaines, l'étrangeté de son atmosphère et de ses personnages, la nouveauté de son art.

Les amis de Marcel Proust affirment qu'il a pu, avant de mourir, reprendre, dans les chapitres de son œuvre qui restent à paraître, tout ce qui se rapporte à la mort et donner une acuité exceptionnelle à l'analyse de ces minutes suprêmes. — L. DX.

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Le prix Nobel. — Le prix Nobel de littérature pour 1922 a été décerné à l'auteur dramatique espagnol Jacinto Benavente.

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Le centenaire de César Franck. — C'est le 10 décembre prochain que tombe le centenaire de la naissance de César Franck. Il sera célébré, entre autres, à Paris par le Conseil municipal dans une manifestation qui aura lieu à l'Hôtel de ville et qui comportera une audition d'œuvres du célèbre compositeur avec le concours d'artistes français et belges.

De son côté la ville de Liège, où est né le grand musicien, vient d'inaugurer, au foyer du Conservatoire, un monument dû au sculpteur Fix-Masseau. L'artiste y a glorifié et symbolisé l'œuvre de Franck dans un groupe de trois figures. Le monument, en pierre de Lens, doit reposer sur un socle où se trouve un médaillon de César Franck avec cette inscription : Hommage de Paris, où il a vécu, à la ville de Liège, où il est né. A CESAR FRANCK.1822-1922.

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Louis Courthion. — Louis Courthion, qui vient de mourir à Genève, était un écrivain de valeur et un historien érudit. Il avait consacré la plus grande partie de ses travaux à l'histoire politique, ethnographique et surtout folklorique de son canton, le Valais, et nul ne pourra désormais parler de cette région pittoresque de la Suisse sans citer le nom de Louis Courthion.

Le Mercure de France a publié à diverses reprises des articles de Louis Courthion, et l'on en trouvera encore un, peut-être le dernier qu'il ait écrit, sous la rubrique A l'Etranger du présent numéro.

Mercure de France, 1-XII-1922, pp. 567-568.