C'est un solitaire des glaciers roses, qui ne fait que ce qu'il lui plaît de faire (L. Bloy).

Le sens du relatif est le plus doué chez lui, comme l'odorat chez le chien (M. Coulon).

De Gourmont, tu me désenchantes !...

Impossible, je crois, d'aborder avec cet homme les points élevés. Spirituel, assurément, et doué, croirait-on, de quelque générosité intellectuelle, il n'aime pas l'Absolu et déclare n'apercevoir aucun objet digne d'enthousiasme. (L. Bloy)

La contradiction nous donne l'illusion de la liberté. Quoi de plus fâcheux que d'être le prisonnier d'une vérité, de vivre sous les verrous de la certitude ? Une croyance, c'est un cheval à l'écurie ; il faut l'atteler ou le seller de temps en temps et aller se promener avec lui sur les routes incertaines qui mènent on ne sait où (Epilogues).

Il ne fabrique pas de l'or, mais de l'ésotérisme, du scepticisme. [...] il se claquemure dans une religion de la rareté, hors des frontières du bien et du mal, sous l'aile sulfureuse de Nietzsche (P. Guth).

Je ne suis pas de ceux qui prétendent à l'immutabilité des idées. Personne n'a peut-être plus changé que moi. C'est que les méditations successives me font voir les choses sous un aspect qui se renouvelle sans cesse, et je ne vois pas pourquoi je fermerais les yeux à ces renouvellements. Mon cerveau d'il y a dix ou quinze ans m'inspire cependant autant de confiance que celui d'aujourd'hui : si l'un a ses préjugés, l'autre a les siens, et qui se valent sans doute (Préface à la réédition de la Culture des idées).

L'absolu est un ballon qui finit toujours par crever dans le relatif (Epilogues).

Il n'était pas un sceptique. Un homme qui pense, qui a l'intelligence sensible, ne peut pas être un sceptique devant le triste spectacle qu'offre la société. Il faut, pour ne pas être, en secret, attristé par la vie, être un sot ou un inconscient. J'ai assez connu Remy de Gourmont pour lui avoir vu bien des côtés passionnés. Il était tout intelligence et professait un mépris presque universel. Il n'était pas un pédagogue, ni un moraliste. Sa littérature n'est pas familière, bourgeoise, complaisante. Il y a, dans tout ce qu'il écrit, quelque chose de haut, de distant, de désintéressé aussi. C'était un observateur. Il observait, il analysait, il "dissociait", comme il disait, les faits, les idées et les sentiments. C'était un contempteur, un négateur, avec une grande aristocratie. La pitié n'existe pas chez lui. Il me semble que sa caractéristique est la méfiance et le sarcasme (Léautaud).

Philosophiquement, je considère la contradiction comme nécessaire à l'équilibre intellectuel et passionnel. Sans elle, on tomberait dans la manie et de la manie dans la conviction, qui est le dernier degré de l'abêtissement. Quand on appuie toujours sur les mêmes sortes de pensées, les mêmes sortes d'actes, on y enfonce, on y enlise. Il faut marcher plus légèrement à la surface des choses (Lettres à l'Amazone).

L'esprit sectaire et de domination est le fruit des croyances de tout ordre; l'anti-cléricalisme, même, est un cléricalisme et non le moins redoutable. Il y en a trois ou quatre qui se disputent le patronage de l'imbécile humanité. Cela a un intérêt social et politique. Pour le philosophe, c'est le combat des rats et des grenouilles. Seul le silence est grand, disait Vigny; on peut ajouter : seul le scepticisme est noble (Epilogues).

Le scepticisme naturel à l'intelligence de Gourmont éludait le pesant vêtement des dogmes et des directions préétablies. La vérité l'éblouit sans cesse et l'attire et le retient parce que ses rayons se meuvent et que sa lumière est changeante. Nul homme jamais moins que Gourmont n'a accepté l'absolu (A. Fontainas).



C'est quand on sort de [ces] dissertations humanitaires [...] qu'on sent avec acuité la force terrible de Gourmont. C'est facile, je veux bien. Mais je suis de plus en plus persuadé que si l'on ne possède pas, très profond et sans en faire étalage, cette ironie, on ne peut que se plonger en un "optimisme béat" (Barrès). C'est pourquoi Gourmont me délecte, bien que je le méprise un peu d'exprimer ce que je veux, en moi, garder caché (J. Rivière à Alain-Fournier).

« Gourmont » - Que c'est faible, après tout, et vide, et tracassier et monotone, et petit [...] - T'ai-je dit qu'un jour j'avais envoyé à Gourmont une lettre anonyme, à peu près ainsi conçue :

« Je vous offre de me moquer de vous gratuitement pendant six mois. »

Je n'ai pas été voir à la poste s'il y avait une réponse. J'ai décidé que ce Monsieur ne m'intéresserait plus.

Ce qu'il y a de petit en Gourmont, c'est cette manière de vouloir se faire une opinion libre entre les opinions. Il est beau de la vouloir libre ; mais il est petit d'en vouloir une. Remarque que je serais porté à me satisfaire de ses opinions, qui sur toutes les questions sociales permettent une attitude point ridicule. Mais aussitôt je sens combien il est plus vrai (et plus pénible) de saisir la coexistence et l'accord dissonant de toutes les opinions et par là la beauté particulière de chacune. Dans la vision de l'universelle implication, je trouve la force de tout aimer en tant que nécessaire. Gourmont ne songe qu'à se faire une croyance médiane et médiocre (J. Rivière à Alain-Fournier).

Je me connais trop mal en orthodoxie. Aussi bien, je crois que la plupart des idées sont à la fois justes et fausses et que cela dépend de l'heure et du milieu. Il y a des idées de plein air et des idées d'intérieur, des idées du soir et des idées du matin, des idées des champs et des idées de la ville, des idées de jeunesse et des idées de vieillesse. Et puis il y a aussi les idées qu'on aime et celles qu'on n'aime pas, mais ce n'est pas du tout une raison pour qu'elles soient justes ou qu'elles soient fausses, à moins que l'on ajoute aussitôt : justes pour moi, en ce moment ; fausses pour moi, pour le quart d'heure. Est-ce du scepticisme de penser ainsi ? C'est surtout de la loyauté. Mais quand on s'est assis dans l'absolu, on ne s'embarrasse plus des contingences, on ne cherche plus, on sait (Le Puits de la vérité).