PAUL BLIER

(1822-1904) (1)

PAR RÉMY DE GOURMONT

BIBLIOGRAPHIE :

1859 : Mignon, poème, couronné par la Société impériale de Valenciennes, suivi de Chansons et Ramages.

1867 : La Légende dorée.

1869 : Poésies légères. (A Avranches chez Mme Tribouillard.)

1878 : Jeanne d'Arc, poème dramatique. (A Paris, chez Plon.)

1880 : Alceste, tragédie-comédie. Scène I du IIe acte. (A Caen, chez Le Blanc-Hardel.)

1881 : Alceste, IIe et dernier tableau du IIe acte. (Même imprimerie.)

1882 : Sur le Mont-Castre, idylle normande. (Même imprimerie.)

1885 : Epopée intime, à Madame ***. (Idem.)

1885 : Poésies. (Idem.)

Octobre 1889 : La Dryade. (A Caen, chez Henri Delesque.)

1891 : Dodone. — La Tour. — Deux rondes. — Sur un air flamand. (Même imprimerie.)

1893 : Bellérophon. — Viviane. — (Idem.)

1895 : A un ami vieillissant.Le pays fantôme. — La cloche qui ne sonne pas. — Le lys. —(Idem.)

1899 : Savitri, poème (A Nancy, chez Berger-Levrault.)

1898 : La Flûte de roseau. — (Au Mercure de France.)



Le 5 mars 1907, Rémy de Gourmont m'écrivait la lettre suivante :

« Cher Monsieur Féret,

Je ne puis écrire sur Paul Blier l'article que vous désirez. Ce que j'aurais à dire sur lui serait trop personnel ; ce serait un chapitre de souvenirs, de ces souvenirs que l'on rédige, quand on n'a plus rien à faire dans la vie. Le poète, en M. Blier, ne m'a jamais paru valoir l'homme ni le professeur. C'était un fervent de poésie plus qu'un poète, peut-être, et jusqu'au dernier moment il se tint au courant du mouvement poétique, aimant Verlaine, cherchant à goûter Mallarmé et les plus récents et les plus éloignés de son éducation parnassienne. Il était né à Alençon, je crois, vers 1820 (2). Il fut toute sa vie professeur. Vous avez ses brochures, traductions de l'anglais, Longfellow, Shelley, poésies de circonstance.

Il fut mon professeur de seconde au lycée de Coutances, me confisqua un cahier de vers, me le rendit corrigé de son écriture menue et soigneuse, et devint mon ami. Il encouragea ma vocation, ne me ménagea ni les critiques, ni les louanges, je lui dois beaucoup.

C'était un épicurien. Il mena, je crois, une vie fort agréable. Il avait à l'âge des espérances désiré un peu de gloire. Elle ne vint pas, et il s'en consola. Le Mercure de France lui publia, un poème en 1898 et je lui en fis faire un élégant tirage à part. J'allais le voir tous les ans. Sa conversation était agréable. Il avait de l'esprit, mais malgré sa lecture abondante, son goût, dans cette petite ville de Coutances, morne et morte, s'était un peu étréci. Il en valait bien d'autres auxquels les circonstances ont permis d'essayer de nous faire illusion.

Vous pouvez, cher Monsieur, publier cette lettre si vous y voyez quelque intérêt.

J'ajouterai que Paul Blier fut le contemporain exact du poète Charles Frémine, un peu moins inconnu, et de Charles Canivet. Moins hardi que ses deux amis, il n'avait osé quitter sa terre natale, mais je pense qu'il eut raison ; un peu de notoriété ne lui eût pas donné les joies simples qu'il trouva dans sa bibliothèque et dans son jardin.

Veuillez me croire, etc...

Rémy de Gourmont »

Quand le célèbre écrivain des Épilogues parla de l'Anthologie des Poètes normands de 1903 dans Le Mercure, il regretta l'absence de Paul Blier. Il était trop tard. Je répare cet oubli maintenant. J'extrais de La Flûte de roseau le poème « Hyagnis ».

La vieillesse de Blier fut mieux inspirée que son âge mûr. II s'épura des rhétoriques en se rapprochant du tombeau. Ses derniers poèmes, par leur élévation, leur sérénité, leur patine, l'apparentent à notre Achille Paysant, dont il eut aussi l'indulgent optimisme, la magnifique humilité, et ce sont ces novissima carmina que doivent publier ses amis, pour rester justes envers sa mémoire, plutôt que de donner des échantillons du style Napoléon III.

Ch.-Th. F.

(1) Lire 1902 (note des Amateurs).

(2) De Mme Oursel : Paul-Romain Blier est né à Saint-Lô, le 27 septembre 1822. Il a été professeur aux collèges de Valognes et d'Argentan, puis au lycée de Coutances [note de Ch.-Th. Féret].


HYAGNIS

Près du fleuve

Un vent sonore et frais passait dans les roseaux
Qui frissonnent aux bords riants de l'Énipée ;
Et j'écoutais — mêlée au chant clair des oiseaux —
Leur infiniment vague et douce mélopée.

Et je me dis : « Pourquoi, puisqu'un souffle du vent
De ces muets roseaux tire un frisson sonore,
Mon souffle plus subtil, plus divers, plus vivant,
N'en tirerait-il pas des sons plus doux encore ? »

Et soudain je cueillis un roseau sans défaut
Dont je fis sept tronçons de longueur inégale ;
Juxtaposés, la cire unit les sept tuyaux,
Et j'avais inventé la flûte pastorale.

Du fragile instrument que ma lèvre parcourt
Sort une mélodie, où les monts, les ombrages,
Les pasteurs, les guérets, les grands bœufs au pied lourd,
Tout revit, tout se peint en flottantes images.

(La Flûte de roseau.)


A consulter : Paul Blier

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