Méthode littéraire : ne travailler que pour son plaisir, pour la joie de se découvrir, de se développer, de s'agrandir. N'accepter de besognes que pour obliger sa paresse à un redressement, et comme méthode d'activité forcée ; une sorte d'auto-suggestion que l'on s'impose, ou que la vie impose.

Mais ne pas chercher de récompense autre que la joie de la reconnaissance et le plaisir de l'effort : plaisir du sportif qui assouplit ses muscles, fortifie ses organes et augmente sa puissance humaine.

Ne vouloir l'assentiment des autres que dans la mesure où cet assentiment nous apporte une vérification de nous-même, vérification que nous devons encore vérifier. Car la gloire, ce n'est qu'une sorte de prostitution, un éparpillement de soi-même dans les autres, une réfraction multipliée qui nous fait dévier de notre personnalité. Ce mimétisme de la gloire !

Pourtant si on entreprend ce métier d'écrivain, si on se sent vraiment doué pour cet ingrat sacerdoce, il faut avoir l'ambition de s'y réaliser complètement, en une sorte de solitude, illuminée de son propre rayonnement. Car celui qui ne peut pas vivre seul avec la Gloire, n'est peut-être pas digne de la Gloire.

Vanité de la gloire : Homère et Shakespeare, les deux noms les plus glorieux de la littérature, n'ont peut-être jamais existé !

Le laurier, symbole de la gloire, est chimiquement un poison.

Jean de Gourmont.

La Mouette, n° 108, décembre 1926, p. 291 [texte entoilé par Vincent Gogibu, février 2005]