LE CHATEAU DE TOURLAVILLE

coll. Les Amateurs de Remy de Gourmont







Les lierres ne sont-ils pas la gloire des murailles de Tourlaville ? (Un cœur virginal)


Elle habitait sur la côte de la Manche, à l'est, et non loin de Cherbourg, un château fortifié par une tour, qui, de cette, tour, s'appelait Tourlaville. Comme tous les châteaux du Moyen Age, ç'avait été longtemps une fortification de guerre, mais le génie amollissant de la Renaissance l'avait transformé, et préparé pour cacher des passions et des voluptés criminelles et pour les destinées qui, plus tard, se sont accomplies.
La famille qui vivait là portait sans le savoir un nom fatidique. C'était la famille Ravalet... (Barbey d'Aurevilly, Une page d'histoire, 1886)

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J'y suis passé cette année, par un automne en larmes, et je n'ai jamais vu ni senti pareille mélancolie. Le château, dont alors on réparait les ruines, que j'aurais laissées, moi, dans leur poésie de ruines, car on ne badigeonne pas la mort, souvent plus belle que la vie, ce château a les pieds dans un lac verdâtre que 1e vent du soir plissait à mille plis... C'était l'heure du crépuscule. Deux cygnes nageaient sur ce lac où il n'y avait qu'eux, non pas à distance l'un de l'autre, mais pressés, tassés l'un contre l'autre comme s'ils avaient été frère et sœur, frémissants sur cette eau frémissante. Ils auraient fait penser aux deux âmes des derniers Ravalet, parties et revenues sous cette forme charmante ; mais ils étaient trop blancs pour être l'âme du frère et de la sœur coupables. Pour le croire, il aurait fallu qu'ils fussent noirs et que leur superbe cou fût ensanglanté... (Barbey d'Aurevilly, Une page d'histoire, 1886)

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