Aver

Tout le long de l'année, dans la marmite qui ne quittait pas la crémaillère, mijotaient les pommes de terre pour engraisser les avers, ou le morceau de lard salé au pot ;

(Merlette, Plon, 1886, p. 45)

Avers, s. m. pl. Animaux domestiques (au sing. on dit avé). Etym. Français des onzième et douzième siècles, aveir, avers, « biens », « richesses », « bestiaux », dérivé du latin habere, « avoir », « posséder », par l'intermédiaire du bas-latin averia, « animaux de ferme ».

(Ducange, t. I. p. 787, et t. II, p. 48 ; Littré, t. I, p. 271). Source : Mémoires de la Société Nationale Académique de Cherbourg, 1897-1898.

Itou

1

Apraès l'quétoun et la graind trie,
L's avers jusqu'àô drényi vêtu.

(L. Beuve, « La vendeue »,Œuvres choisies, Jacqueline, 1950)

2

L'midi, l'garçon qu'était parti paraè le ruisset du prè, rentrit à daînaer, et les files [filles] itou qui r'venaient d'souaign l'z'avers.

(J. Tolvast, Chroniques normandes, Ed. Notre-Dame, Coutances & Ed. Defontaine, Rouen, 1941, p. 13)

3

Il y a aussi la fierté des gens qui ont travaillé dur et qui ont le droit d'être glorieux de leurs terres, de leurs « aveirs », et de leurs « qu'nailles ».

4

A cette heure, si les gars et les filles, dans la faisance-valoir, veulent tout leur dimanche pour se promener, qui est-ce qui va donner la buvée aux veaux et à tous les « aveirs » ?

(Eugène de Saint-Denis, Au rythme des marées, OCEP, Coutances, 1972, p. 46 & p. 121)

5

Une fois à la ferme, mon père envoya les enfants jouer au pré, dit à Jacques de s'occuper des avers.

(G. Desdevises du Dézert, Jean Hochet, roman bas-normand, p. 58)


Bère

Madame des Fresnes n'est pas très bonne, mais elle a des principes religieux ; elle subit les pauvres comme une croix, mais elle les subit, elle les soigne, elle les réconforte. Elle les détesterait si Jésus n'avait pas existé. C'est très curieux. Elle croit qu'ils sont tous lâches et des ivrognes, mais elle leur permet de s'asseoir en buvant du cidre et elle leur donne des sous en criant : Allez vous soûler ; vous n'êtes bons qu'à ça ! On exploite sa peur, mais on l'estime et plus d'un coquin qu'elle abreuva de « bère » et de reproches accepterait pour elle des coups de bâton.

(Le Songe d'une femme, Ubacs, 1988, p. 108)

Itou

1

« Oh ! voilà le meilleur baire que j'aie beu de ma vie ! »

(Barbey d'Aurevilly, L'Ensorcelée, Pocket, 1999, p. 190)

2

P. S. Mon cher monsieur Bloy,

Allez chez mon éditeur, M. Lemerre, que je vous donne pour, je ne dirai pas le plus charmant, mais le SEUL charmant des éditeurs, et demandez lui, de ma part, un exemplaire de l'Ensorcelée et il vous le donnera.

Je suis sûr de lui. C'est un faraud Normand qui va à mon cœur.

Nous avons beu du même baire .

(Barbey d'Aurevilly, Lettres de J. Barbey d'Aurevilly à Léon Bloy, Mercure de France, 1903, p. 146)

3

Jeain est v'neun pour beir' sa moque
Avaint dé s'fiqui dains l'lit.

(L. Beuve, « Les countes d'aot'feis », Œuvres choisies, Jacqueline, 1950, p. 79)

4

une bolée de gros baire qui rafraîchit le bec, l'été.

(C. Cé, Mon enfance m'a dit..., Ed. Maugard, Rouen, 1946, p. 54)

5

J'avais oublié que par ici le cidre s'appelle « baire ».

(G. Rosset, Le Vélo rouge, Grasset, 1981)

6

Ce grand flandrin dégingandé [...] serait le meilleur garçon de la terre s'il n'aimait un peu plus que de raison le bon beire et les « sous de café ».

(G. Laisney, Les Histoires de chez Gustave, Defontaine, s.d., p. 19)

7

Le terroir normand trouve une de ses dernières manifestations dans le patois des pêcheurs et des paysans. Usages moribonds. Demain, plus personne ne supprimera les r et ne transformera les chuintantes en gutturales. La mé redeviendra la mer, le mêle le merle, les vaques les vaches, les viaux redeviendront veaux. Les kacheus seront chasseurs, les batias bateaux. On cessera de maquer, de bère, on mangera, on boira.

(Micheline Pelletier-Lattès & Patrick Grainville, Au long des haies de Normandie, Chêne, 1980)

8

Et c'est-y pas bon, un coup de gros bère ? Ça ne réchauffe pas, un verre de calva ?

(R. Dorgelès, Tout doit disparaître, Albin Michel, 1956, p. 256)

9

les auberges se remplissent à l'heure de la collation, les pots de beire et les cafetières itou, bien sûr.

(Georges Laisney, Portrait de Coutances, Henri Defontaine, Rouen, 1936, p. 178)

10

le beire en boute'lles, pétillant, le café aux trois couleurs

(Georges Laisney, Portrait de Coutances, Henri Defontaine, Rouen, 1936, p. 231)


Bourrée

[...] midi et soir, la galette de sarrasin, épaisse, aigre, levée comme de la pâte, grésillait dans la poêle, sur le feu de bourrée, vif et clair..

(Merlette, Plon, 1886, p. 45)

Itou

1

.Elle allait dans les bois par derrière ramasser de la broussaille ; on ne manquait toujours pas de bourrées pour cuire la soupe et se chauffer les pattes.

(Jean Gaument et Camille Cé, « L'homme des cavernes », Marrons sculptés, Editions Spes, 1930, p. 231)


Charrière (« chemin creusé de profondes ornières »)

D'ici, sous les arbres, hêtres, ormes et chênes, avec au loin, à l'horizon, le clair de lune de la mer argentée, dans ce calme que trouent seulement le cri des coqs qui se battent, le meuglement d'une vache, et le bruit léger du vent à travers le feuillage civilisé des acacias ; d'ici, le long du chemin vert qui mène au marais tout à coup nu, gris de la tangue, vert des cristes et des paturins nains, puis de la charrière indiquée dans le sable et qui, après la rude montée de la dune, vous jette sur les galets, le vent à la figure et le soleil d'occident dans les yeux ; d'ici, dans l'eau basse à la suite des pêcheurs de congres et des faucheurs de « pailleule », ce varech pâle qui forme les prairies de la mer, pâturages des chevaux marin ; d'ici, de la vie naturelle et qui serait saine sans la puanteur des cabarets, et belle sans les hospices de la plage ; d'ici, annoncée par des journaux en retard et dont le sens s'est perdu en route, la visite de notre Petit Père le Tsar n'offre pas un très grand intérêt.

(« La visite de Notre Petit Père », Epilogues, 2e série, p. 303)

[On remarquera l'absence de guillemets à charrière, alors que le mot pailleule qui suit est guillemeté.]

Itou

1

Au milieu de la côte qu'on appelle, dans le langage local, la charrière, le reste de la bande rejoignit, dont les deux frères de Ludivine.

(L. Delarue-Mardrus, L'Ex-voto, Bibliothèque Charpentier, Fasquelle Editeur, 1953, p. 27)

2

Les charrières n'étaient pas entretenues.

(Ferdinand Gidon, Mon bisaïeul philosophe rustique, Au sans pareil, 1930, p. 89)

N. B. : Il ne semble pas que Remy de Gourmont ait utilisé le mot chasse, pour désigner un chemin :

1

Je vais sortir dans la Chasse aux Miquelets, une de mes promenades favorites ! La Chasse aux Miquelets ! Que dites-vous de ce vestige de pied du passé, gardé dans la poussière du vieux Valognes ?...

(Barbey d'Aurevilly, Lettres de J. Barbey d'Aurevilly à Léon Bloy, Mercure de France, 1903, p. 152)

En patois se prononce cache :

2

Ah ! dame, il faut que vous retourniez sur vos pas, me dit-il ; jusqu'à la deuxième « cache » à gauche ; sa maison est au bout.

(Charles Frémine, La Chanson du pays, Arnaud-Bellée, Coutances, 1973, p. 53)

3

Je laissai ma bête à la ferme et, tout en cheminant le long de la grande chasse bordée d'ormeaux, qui descend au marais de Gaslonde, je lui dis ce qui m'arrivait.

(G. Desdevises du Dézert, Jean Hochet, roman bas-normand, p. 58)

4

« chasses gluantes de boue »

(Nicole Bressy, L'Eclaicie, J'ai lu, 1976, p. 27)

5

Le chemin montait en effet, une vraie chasse du Cotentin, dessinée par des ornières et couronnée de noisetiers.

(Michel Besnier, La Roseraie, Le Livre de poche, 1999, p. 24)

6

Un curieux emploi urbain, puisque cette « chasse » est située en plein Cherbourg :

La maison, au milieu de cette chasse étroite
Rappelle de bien loin mes souvenirs d'enfant,

(Charles Frigoult, Souvenirs du vieux Cherbourg, imprimerie Emile Le Maout, Cherbourg, 1894, p. 19)

7

Pour lui, la Normandie du dimanche, c'était d'abord le bruit du vent dans les frondaisons verdoyanbtes des caches et la musique grave des clochers, répercutée tout au long du rivage, adoucie par le flot.

(Maurice-Ch. Renard, L'Enigme de Sercq, éditions Galic, 1961, p. 72)


Chez nous (prononciation)

[...] les exclamations patoises s'entrecroisent par-dessus la tête des acheteurs. Le dialecte bas-normand se parle là selon cinq ou six nuances différentes. L'expression chez nous, par exemple, s'y prononce : nous, ci nous, ceux nous, cheuz nous, çu nous, et peut-être encore d'autre façon. C'est une véritable carte linguistique en miniature, que la fréquentation des écoles n'a nullement entamée.

(« Le marché », La Petite Ville, 1913)

Itou

1

— I's sont bons tous, et m'sieu Hilaire tout le premier, un gentil jeune homme, et pas fier, et un cœur ! I' venait, il entrait cheuz nous, et on s'en ressentait. On ne le vèyait que trop peu.

(Merlette, Plon, 1886, p. 45)

2

— J'pourrais-ti r'tourner cheuz nous ?

(Maupassant, « Tribunaux rustiques », Boule de suif et autres contes normands, Classiques Garnier, 1971, p. 455)

3

Un autre patoisant, Ch. Leboulanger, recueille les chansons en patois de Coutances sous le titre de Siz nous (Chez nous).

(Assises scientifiques, littéraires et artistiques, Compte rendu de la VIe session tenue à Rouen les 23-24-25 juillet 1923, Albert Lainé, Rouen, 1924, p. 40)

4

— Boujou la Mère Lalie. Vous v'là arrivée la prémire des linsivires. C'est nous qui sommes tous bi contents d'vous avei durant les troués jous qu's allez ête à la linsive cyiz nous .

(L. Beuve, « La Mère Lalie à la linsive », Œuvres choisies, Jacqueline, Saint-Lô, 1950, p. 38)

5

« des conscrits de tcheu nous », « agnit tchu l'eun, d'moan tchu l'âote »

(J. Tolvast, Chroniques normandes, Ed. Notre-Dame, Coutances & Ed. Defontaine, Rouen, 1941, p. 12 & p. 16)

6

CYIZ (prép.) : chez, ce n'est pas seulement la forme du Coutançais-Sud comme on le croit communément, mais aussi celle de Jersey, Guernesey. La limite entre le type cyiz et le type tchu, tcheu passe en autres points par Créances/Pirou, Muneville-le-Bingard/Millières et suit à peu près à l'est de Coutances le cours de la Soulle.

(Glossaire in Œuvres choisies de L. Beuve, Jacqueline, Saint-Lô, 1950, p. 277)

7

Faut qu'j'alle ach'ter un gâteau d'Savoie ciz Moussieu Lamoureux.

(G. Laisney, Les Histoires de chez Gustave, Defontaine, s.d., p. 7)

8

Les Bouonnes Histouères de tcheu-nous.

9

Histouères de t'chu nouos.

10

— On dit tchû nous, pour « chez nous », dans la Hague, on dit ciz nous à Coutances et plus bas, cieux nous (cheu nous dans certaines parties de la Province et... dans les Cloches de Corneville). Ch. Le Boulanger, Normand cordial et jovial, trop tôt disparu a écrit dans le parler coutançais et publié sous le titre Ciz Nous, deux recueils de poèmes et de chansons aimables, dont le Pèlerinage à l'ancianne maison d'nos gens, La Déclaration, L'abat d'cochon et La Neuce sont les plus « goûtus ».

(Georges Laisney, Portrait de Coutances, Henri Defontaine, Rouen, 1936, p. 240)

11

Les fermes se sont éloignées du village, par esprit d'indépendance paysanne. Elles gardent leurs distances. Elles vivent sur le vieil adage normand : Chacun cheuz sé.

(Lucie Delarue-Mardrus, Toutoune et son amour, Albin Michel, 1919, p.44)

12

— Vit-en, Jean !... dit Ernestine. J'allons rentrer cheux nous te mettre un cataplasme. Ah ! la malva du château, qu'est-ce qu'elle t'a posé sur le portrait !

(Lucie Delarue-Mardrus, Roberte n° 10.530, Le Livre moderne illustré, 1943, p.22)

A.-M. Le Petit

13

— Horsain, c'est ça que nous appelons ceux qui ne sont pas « d'cheu nous ».

(R. Dorgelès, Tout doit disparaître, Albin Michel, 1956, p. 255)

14

— J'ai su vot' malheur hir au souair ciz maît' Alphonse

(Eléonor Daubrée, Aimer et espérer, P. Bellée, Coutances, 1948, p. 26)


Demoiselle de Cherbourg (Bouquet. « Cette appellation, méliorative, est essentiellement employée dans les menus de repas. » Telle est la définition de R. Lepelley ; pour moi, la demoiselle de Cherbourg est un petit homard.)

Demoiselle est encore le nom d'une chose qui se mange, une bête, je crois, crabe ou tourteau. D'ailleurs ces noms ne sont souvent usités qu'en des régions très limitées. Tel, celui des Demoiselles de Cherbourg.

(« Sémantique humaine », Promenades littéraires, 7e série, Mercure de France, 1927)

Itou

1

— Que voulez-vous, Monsieur ? Une assiette de fruits de mer ? lui demanda une jeune serveuse à l'air déluré et au tablier blanc.

— Pourquoi pas, répondit Jean dont l'éclat fugitif du regard signifiait l'accueil spontané et joyeux à cette proposition.

— Avec une fillette ?

— Une fillette ?

— Eh oui, dit-elle en éclatant de rire, du vin blanc.

Jean rougit de sa naïveté et fit un signe affirmatif de la tête. Elle lui apporta du beurre, un pain de campagne et un plat de crustacés composé de grosses crevettes rouges et d'un petit homard.

— Je vous ai servi une demoiselle de Cherbourg (1) dit la jeune fille en plaisantant.

(1) Petit homard.

(Henri Fatôme, Vacances à l'Anse du Brick, 1993, pp. 18-19)


-é -ée

La prononciation de Paris identifie absolument pensé et pensée ; des dialectes, et le normand d'abord, appuient un peu plus sur le féminin que sur le masculin.

(Le Problème du style, Mercure de France, 1902, p. 182)


Gélif

La lecture des journaux n'a fait qu'introduire dans le parler d'étranges déformations. Si un paysan vous dit que tous ses chênes sont juifs, entendez gélifs, sorte de pourriture que l'on attribuait à la gelée. Je note cela pour obliger les linguistes, car le mot est d'usage récent.

(« Le marché », La Petite Ville, 1913)


Jannière (« lieu où poussent des ajoncs »)

Il n'y avait autour de la bâtisse blanche ni un pied de salade, ni un plant de ravenelle ; c'était un coin de désolation barbare, sans ombre, un bout de jannière nouvellement défrichée, d'une stérilité navrante.

(Merlette, Plon, 1886, p. 140)

Les ajoncs éclatants, parure du granit (Heredia)..

Itou

1

— Le r'nouvé vient, l'vé-tu dans la jeannière [...] ?

(Denys Corbet, « Le R'nouvé », Paroles de Normands, op. cit.)

2

Il élevait des griffons [...] et les faisait chasser en meutes parmi les jannières du Bigard et les taillis des environs.

(L. Beuve, « La Lettre à la morte », 1921-1923, Œuvres choisies, Jacqueline, Saint-Lô, 1950, p. 262)

3

Le jan, comme on dit ici, en fleur, comme sur la route de Gayross, et faisant muraille d'or à droite et à gauche.

(Barbey d'Aurevilly, Memoranda I & II, Bernouard, 1927, p. 428)

4

Lorsqu'ils n'ont pas entièrement disparu, au milieu des jannières fleuries, les vieux moulins aimés de Louis Beuve sont devenus tristes. Ils ont perdu leurs caônes « si belles et si gracieuses », mais « leurs tours restent fièrement campées comme de vieux castels ».

(Michel Pinel, La Lande de Lessay de Barbey d'Aurevilly à Louis Beuve, p. 84)

Allée de la jannière, Doville (Manche)..

5

[...] la lande fait montre d'une majesté âpre et presque insolente. Elle se drape dans la pourpre déteinte des bruyères ; ses ors lui sont fournis par les fleurs du genêt, et surtout de l'ajonc, le bouais-jan que les pauvres gens coupent, une fois sec, pour alimenter leur feu de chaumière : maigre combustible, il brûle avec une flamme claire et rapide parmi les crépitements et les étincelles, mais chauffe peu.

(Hermann Quéru, « Landes du Cotentin », Cahiers de Basse et Haute-Normandie, 1936 & Cotentin d'hier et de toujours, Arnaud-Bellée, Coutances, s. d., pp. 50-51)

6

Il élevait des griffons [...], et les faisait chasser en meute parmi les jannyires du Bigard et les taillis des environs.

(Louis Beuve, La Lettre à la morte, Cahiers culturels de la Manche, 1999, p. 140)

7

[...] ne craignez pas de brûler mes fagots, le « bois-Jean » n'est pas cher dans le pays ; on n'a que la peine de le ramasser.

(Charles Frémine, La Chanson du pays, Arnaud-Bellée, Coutances, 1973, p. 53)

8

[...] un coteau bourru, hérissé de noires végétations épineuses, coupé de « jannières », de maigres carrés de labours

(Charles Frémine, La Chanson du pays, Arnaud-Bellée, Coutances, 1973, p. 147)

9

— A gauche de la route, Montcâtre dressait sa masse énorme avec ses roches saillantes et nues, ses taillis inextricables de frênes, d'aulnes, de coudriers et de bouleaux, ses ronciers, ses jannières

(Eléonor Daubrée, Aimer et espérer, P. Bellée, Coutances, 1948, p. 9)

10

le bouais-jan aux fleurs d'or

(G. Desdevises du Dézert, Jean Hochet, roman bas-normand, p. 44)


Mielle (« terrain sableux »)

Certains matins, il avait songé à ceci : mettre dans une valise quelques livres, ses cahiers, ses notes, ses feuilles écrites et s'aller cacher, pour le reste de sa vie, en une maison bien close, sur le bord de la mer. Il la voyait bâtie dans les dunes, entre la grève et les premiers arbres de la côte : nulle végétation tout autour que les herbes pâles, les chardons violets et les hautes ivraies des mielles ; la vue des clochers ou loin, du côté de le terre ; de l'autre, la mer et un phare debout, au milieu des vents et des flots, comme un symbole. Les charrettes passent, pleines de varech, les chevaux et les hommes haletants dans le sable, attelés au labeur de la fécondation du sol, et lui les regarderait passer attelé au labeur de la stérilisation des désirs.

(Sixtine, Albert Savine, 1890, p. 216)

Mielles de Port-Bail.

Itou

1

A touotes l's époct's dains les mielles,
Ch'est eun pllaisi dé veis parti
Dé nos hâvr's les navir's à veiles,

(L. Beuve, « Dains les graindes deunnes », Œuvres choisies, Jacqueline, 1950)

2

Les hirondelles n'étaient pas encore revenues dans leurs nids des villages, mais elles se chauffaient déjà au soleil, dans les sables des mielles, en s'y roulant, en s'y enfarinant, avec de jouyeux pépiements ;

(Eugène de Saint-Denis, Au rythme des marées, OCEP, Coutances, 1972, p. 51)

3

les sables des mielles qu'on apercevait au loin

(G. Desdevises du Dézert, Jean Hochet, roman bas-normand, p. 88)

La Ferme des mielles, Port-Bail.

à Port-Bail

4

L'endroit où nous marchons c'était de vastes mielles,
Désert par des cordiers seulement habité ;

(Charles Frigoult, Souvenirs du vieux Cherbourg, imprimerie Emile Le Maout, Cherbourg, 1894, p. 23)


Moque (« bol à anse pour boire le cidre »)

— A la vôtre !

— A la vôtre, monsieur Roger-Dary ! Crièrent toutes les voix.

Et le candidat vida sa moque de cidre, avec une grimace de dégoût et un peu de honte.

— Si Bette me voyait ! murmura-t-il.

(Merlette, Plon, 1886, p. 89)

Itou

1

— Enfin on l'a tellement éberlué de moques de cidre, de tournées de calva et de café aux trois couleurs qu'il nous a fait un mot d'écrit, jurant sur la mémoire de son grand-père.

(C. Cé, Mon enfance m'a dit..., p. 152)

2

— Tu accepteras bien une moque ?

(G. Rosset, Le Vélo rouge, Grasset, 1981, p. 12)

3

[...] il est venu un tas de jeunes filles [...] qui ont prolongé le marchandage de leurs achats pour regarder la dite Princesse d'Eboli [Barbey lui-même], genou à genou avec ce paysan et ces vieilles pêcheuses, sirotant son café dans une moque de matelot.

(Barbey d'Aurevilly, Memoranda I & II, Bernouard, 1927, p. 432)

4

Seul, un ancien facteur de Montebourg, qui affirmait le bien connaître, a prétendu, au bout de cinq ou six jours, avoir rencontré le disparu à l'arrêt de l'autobus, place du Château. Malheureusement, ce témoin est un ivrogne invétéré, toujours entre deux moques ou deux gloria, et en état permanent de mythomanie éthylique.

(Maurice-Ch. Renard, Meurtre à Jersey, Le Masque, 1958, p. 27)

Moque.

5

Le buffet recèle des trésors : assiettes bleues et dorées en porcelaine de Jersey, pots d'étain, blanche soupière fleurie de rose et de vert, moques à bordure rouge...

(Georges Laisney, Portrait de Coutances, Henri Defontaine, Rouen, 1936, p. 32)

6

Les époux Toutain continuent la dispute sur un ton réduit qui laisse présager l'apaisement que suivra la lampée de moques de cidre.

(Jean Follain, Collège, Gallimard, 1973, p. 77)

7

Les moques de faïence fleurie, ornées de cercles bleus, rouges ou dorés, s'emplissaient du pur-jus qui faisait la renommée de la maison, précédant le café « page divin » de tout repas normand.

A cette même heure, presque chaque jour, des « traîne-savate » qui ne travaillaient guère que le vendredi pour laver la poissonnerie et le samedi pour aider les marchands forains à monter leurs tentes ou les Créançais à décharger leurs légumes, se retrouvaient dans la salle de café pour passer un moment en buvant du cidre.

Quand ils commandaient une « moque », Louis Beuve disait à Madame Pignet ou à l'aimable servante :

— Remettez-leur une « chopine ».

[...] Mais s'ils avaient eu la maladresse de demander une « bollée », il disait :

— « Y prêchent » comme des Bretons, ils n'auront rien du tout aujourd'hui.

(Albert Desile, Louis Beuve tel qu'il fut, Arnaud-Bellée, Coutances, s. d., pp. 53-54)

8

— On a soif, patron. Vous allez nous servir une moque.

[...] Malgré le terme employé et l'accent du terroir, le débitant restait sur la réserve. Sans dire un mot il apporta le gros cidre commandé.

(R. Dorgelès, Tout doit disparaître, Albin Michel, 1956, p. 254)

9

— Veux-tu boire une moque au cul du tonneau ?

(Pierre Godefroy, Roi sur sa terre, Editions Heimdal, 1975, p. 21)

10

on ne va « mais guère » au Bon Jambon ou à La Galaisière pour manger de la galette en buvant du beire dans les moques, sous les arbres où les gars jouaient aux quilles en criant comme des enragés.

(Georges Laisney, Portrait de Coutances, Henri Defontaine, Rouen, 1936, p. 210)

11

il est le premier à leur dire de s'asseoir et même à leur offrir une moque de cidre ;

(Eugène de Saint-Denis, Au rythme des marées, OCEP, Coutances, 1972, p. 55)

12

Il ne faisait pas seulement que leur raser le poil : il tenait aussi une cantine, comme vous savez, et ce qu'il leur a versé de « moques », de cafés et de petits verres...

(Charles Frémine, La Chanson du pays, Arnaud-Bellée, Coutances, 1973, p. 52-53)

13

Nous buvons le cidre en « moques », ces grosses tasses de terre brune, lourdes dans la main. Le cidre est frais, il me chatouille le nez.

(Nicole Bressy, Sauvagine, J'ai lu, 1973, p. 14)

14

J'imagine qu'elle avait dû être très jolie dans sa flambe, quand les gâs de Créances quittaient leurs moques pour la voir passer.

(G. Desdevises du Dézert, Jean Hochet, roman bas-normand, p. 11)

15

Une « moque », ici, c'est une grande tasse à cidre, avec une anse. En général, elle est blanche avec une bande rouge en haut.

(Françoise Hamel, Magnéto, Presses de la Cité, 2012, p. 109)

16

— — Une moque de cidre, on dit jamais non. Et ça rafraîchira mon vieux dallot asséché.

— J'avons pas de gros bère, faut vous dire.

(Maurice-Ch. Renard, L'Enigme de Sercq, éditions Galic, 1961, p. 85)

17

I's aiment mieux baire des moques et des bolées.

(Maurice-Ch. Renard, « Le diable vert », Pour lire à la chandelle, Editions J. Robert et Cie, Caen, 1935, p. 160).


Pailleule (« zostère »)

des faucheurs de « pailleule », ce varech pâle qui forme les prairies de la mer, pâturages des chevaux marin

(« La visite de Notre Petit Père », Epilogues, deuxième série, p. 303)

Itou

1

La pailleule

La pailleule est bien verte et longue comme il faut.
Il entre à pas comptés dans l'eau jusqu'à la hanche,
Et va tranchant l'herbier à larges coups de faux,
Comme il ferait d'un pré dans un val de la Manche.

Contre un caillou parfois sa lame porte à faux,
Et l'on voit sur la mer son épaule qui penche...
Les javelles s'en vont par vagues et par vaux,
Jusqu'au filet tendu sur la robuste branche :

Les femmes veillent là, pêchent les rubans longs,
Leurs jupons sont gonflés, ventripotents ballons
Qui paraissent flotter au plaisir de la brise...

Devant la mer qui monte, un char emporte tout,
Et la verdière pleut sur la poussière grise,
Où chaque goutte perce un minuscule trou.

(Eugène de Saint-Denis, Au rythme des marées, OCEP, Coutances, 1972, p. 106)


Pouche (« grand sac de toile grossière ». Se dit aussi « pouque ».)

Une demi-heure plus tard, Lejeune rentrait au moulin, ayant fait sa tournée chez ses pratiques, avec ses trois mulets chargés de farine à l'aller, de grain au retour. Il montait le dernier, assis sur une pouche, sifflant au vent, manœuvrant les autres de son fouet à manche court, dont il leur cinglait la croupe.

(Merlette, Plon, 1886, p. 219)

Itou

1

Mais guettiz dounc not' frinot arrivaer
Sus sen mulet touot chergi d'pouques !

(Louis Beuve, « La cainchoun des ânes », Œuvres choisies, Jacqueline, 1950).

2

« Quand j'étais à la primaire, ça marchait comme sur des roulettes. Ni riches ni pauvres et au plus fort la pouche... Il n'y en avait pas un pour me faire la pige en narration. »

(Jean Gaument & Camille Cé, La Grand'route des hommes, Grasset, 1923, p. 15)

3

Lucette aperçut entre les arbres des hommes avec une pouche sur le dos et l'un d'eux s'étant glissé le long de la cage, avait plongé une main dedans et tiré deux lapins gigotants.

(Camille Cé, Mon enfance m'a dit..., Maugard, Rouen, 1946, p. 10)

4

Nos « cache pouques » nous apportaient nos droits en farine, dont nous avions largement suffisance.

(G. Desdevises du Dézert, Jean Hochet, roman bas-normand, p. 98)


Poupard

La poupée, c'est encore sous la forme poupard un des noms du gros crabe appelé aussi tourteau.

(« Sémantique humaine », Promenades littéraires, 7e série, 1927)

Note des Amateurs : plutôt formé sur poupon (appelé aussi dormeur, clopoing ou poing-clos).

Itou

1

Dame, y en avait, des étrilles, des étrilles et des poupards !

(Maurice-Ch. Renard, « Le volcan du père Tabard », Pour lire à la chandelle, Editions J. Robert et Cie, Caen, 1935, p. 191).


Querir

Alors l'homme à la petite m'a dit : Va queri' madame. Et je li ai dit : J'y vas.

(Merlette, Plon, 1886, p. 219)

L'e féminin intérieur n'a pas une vie mieux constatée. L'orthographe le garde ou le supprime arbitrairement en des mots analogues. Conservé dans bourrelet, carrefour, laideron, pelouse, il est tombé dans les mots qui s'écrivaient autrefois belouse, chauderon, larrecin, beluter, berouette, praierie, voierie. Il ne se prononce pas davantage dans les mots où il figure que dans ceux dont il est absent. Pour durer, l'e féminin intercalaire doit, comme l'i bref, se transformer en é. Ainsi desir, querir, guerir, peril dont devenus désir, quérir, guérir, péril. La Comédie-Française a gardé la tradition de dsir ; des dialectes, pour quérir, disent cri.

(Le Problème du style, Mercure de France, 1902, p. 185)

Itou

1. Le patois normand que mon ami M. Lechanteur, ancien proviseur du lycée de Saint-Lô, connaît si bien qu'il veut l'appeler le normand, se parlait alors plus fréquemment qu'aujourd'hui. Beaucoup de mots en sont devenus rares, ainsi on ne dit plus guère : j'ai la tête élugie, je vais cri la birouette (quérir la brouette), j'ai muché mon argent.

(Jean Follain, Cérémonial bas-normand, Fata Morgana, 1982, p. 36)

2. « Je n's'rai pas fâchie d'saveir Piédagnel demain à Chirbourg où y faut qu'il aille le qu'ri pour le ram'ner ciz nous, c'pauv'e Aimable ».

(Georges Laisney, Les Histoires de chez Gustave, Defontaine, s.d.)

3. Monsieur Hédouin-Toulorge s'en va à la gare [...] qu'ri son journal.

(Georges Laisney, Portrait de Coutances, Henri Defontaine, Rouen, 1936, p. 250-251)

4. — Julien ! Julien ! Je veux qu'on aille me cri (quérir) Julien !

(Alphonse Allais, « Tentative infructueuse de bonne éducation », Amours, délices et orgues, 10/18, 1985, p. 204)

5. — Je m'en vas le cri (quérir), fit Pétronille.

(Charles Deslys, Le Mesnil-au-Bois [près Honfleur], Hachette, 1861, p. 140)

Itou ailleurs

1. « Va cri mon parapluie ».

(Colette, Journal à rebours, Le livre de poche, 1974, p. 103)


Revenir

En certaines campagnes, où la foi est encore vive, la mort du curé de la paroisse jette un grand désarroi dans les esprits. Il est presque de règle que, dans les jours suivants, le curé « revient », c'est-à-dire se rend visible à ses anciens paroissiens. On interprète différemment cette manifestation, mais l'opinion générale est que le revenant réclame des prières. On obéit et la figure ne reparaît plus. Il en est d'obstinées, cependant. Alors, curés maudits, ou dames blanches, le personnage fantastique entre dans la légende et y persévère durant des siècles.

(309 épilogue, 1904)

Itou

1. Si l'on en croyait les récits des charretiers qui s'y attardaient, la lande de Lessay était le théâtre des plus singulières apparitions. Dans le langage du pays, il y revenait.

(Barbey d'Aurevilly, L'Ensorcelée, Pockett, 1999, p. 27)


Rucher (mot de l'Orne, signifiant « lancer »)

Je vais m'amuser à rucher encore quelques pierres vers les branches, comme on dit en ce pays.

(Sixtine, Savine, 1890, p. 12)


Suêt [sudet]

— Je crois qu'il pleuvra tantôt.

— Oh ! non, dit Rose, je ne crois pas, le vent est de suêt...

Elle ajouta bien vite, consciente de son provincialisme :

— Comme disent les gens du pays.

— Cela signifie ?

— Sud-est.

Peu curieux des formes dialectales du langage, M. Hervart reprit, avec un peu de méchanceté et avec cette infatuation propre aux Parisiens.

— C'est un vilain mot. Il faut dire : sud-est. Vous en êtes, du pays !

— Moquez-vous. Cela m'est égal, maintenant, dit Rose. Du pays, mon père en est, ma mère en est. Je n'y suis pas née, mais j'en suis aussi. J'en suis comme les arbres, comme l'herbe, comme toutes les bêtes. Oui, j'en suis !

Et elle relevait la tête avec fierté.

— Mais j'en suis aussi, dit M. Hervart.

(Un cœur virginal, Mercure de France, 1907, p. 22-23 des Editions du Carrousel, 1999)


Un sou de café

Le marché s'achève dans les cabarets et vers quatre heures tout le monde a disparu. Cependant on a bu force cafés, boisson plus nationale encore, dirait-on, que le cidre. A ce propos, voici encore une curieuse expression assez déroutante. La tasse de café s'appelle un sou de café, et elle ne change pas de nom en s'adjoignant plus ou moins d'eau-de-vie. De là l'expression « un sou de café de deux sous, un sou de café de cinq sous ». Après cette dernière mixture, la bonne femme et son cheval ont chance de finir la journée dans un des fossés de la route.

(« Le marché », La Petite Ville, 1913)

Itou

1.

De jeunes fiers-à-bras pariaient un sou de café qu'ils enlèveraient bien une somme de froment.

(L. Beuve, « La Lettre à la morte », 1921-1923, Œuvres choisies, Jacqueline, Saint-Lô, 1950, p. 254)

2.

— [...] Cet imper, la victime l'avait payé sept livres six pence.

— Nous voici loin des promesses de l'enseigne [Fifty-Shillings-Tailors] !

— Aussi loin que le sont les clients de vos bistrots du sou de café normand, riposta non sans humour ni raison Mr. Christie

(Maurice-Ch. Renard, Meurtre à Jersey, Le Masque, 1958, p. 39)

3.

Gustave attend alors les clients, prend une moque par ci, un p'tit sou par là.

(G. Laisney, Les Histoires de chez Gustave, Defontaine, s.d., p. 7)

4.

Après, le troupeau des hommes va dans l'une des auberges boire une moque de cidre suivie d'un sou de café qui, si on y ajoute le petit verre de calvados revient à deux sous.

(Jean Follain, Cérémonial bas-normand, Fata Morgana, 1982, p. 50)

5.

Afin de conserver l'estime de mon menuisier, je lui offris la goutte. Auguste accepta : la fine champagne fut servie.

—Si ça ne te fait rien, Paul, je vas prendre un sou de café avec ; c'est moins cru, déclara Auguste.

(Paul Harel, Souvenirs d'Auberge, Imprimerie de La Vigie de Dieppe, 1954, p. 104)

Paul Harel

6.

M. et Mme Pignet tenaient, rue Thiers, dans le pittoresque quartier de l'Enclos, un de ces petits cafés sympathiques comme il y en avait avant la destruction de la ville [Saint-Lô]. On y vendait surtout du cidre et des « sous d'café » et les jours de foire et de marché, M. Alphonse Pignet cuisinait de délicieuses tripes, du non moins délicieux bœuf-mode et du pot-au-feu odorant, plats fort appréciés des marchands forains et surtout des Créançais dont l'appétit faisait plaisir à voir.

(Albert Desile, Louis Beuve tel qu'il fut, Arnaud-Bellée, Coutances, s. d., p. 53)

7.

LES PATOIS DE NORMANDIE

(LE BESSIN)

LES SOUS D'CAFÉ

Ch'est pas les aôberges qui manquent
Quand no va dans c'maudit Ball'ray
L'mardi porter l'bieurre au marché.
Au lu d'mett' l'argent à la banque
En hivé, vaut mux s'récaôffer ;
No bait deux, trouais coups du café.

Au mais d'At, ch'est eune autre affaire,
D'moissonner nos est fatiguis,
No sue à porter les pagnis
Faut pourtant bi qu'no s'désaltère,
Pour se rafraîchir en été
No bait deux, trouais coups du café.

Sait qu'no ramonte ou bi qu'no d'sce'nde (1)
No trouve terjous quuqu'un qu'a sai ;
« Boujou, qu'y dit, no bait-y d'quai ?
— « Cha va-t-y bi fair' » que j'li demande
— « Oui, qu'y dit, you qu'no va ? » Ma fai,
No bait deux, trouais coups du café.

Qui qu'vous voulez, j'm'en fais pas d'peine,
Faut bi qu'el normand baive un coup,
Et pis ch'est la minm' chos' partout,
A Caen, à Bayeux, à la Meine,
No n'peut jamais sorti d'tcheu sai
Sans bair' deux, trouais coups du café.

(Joseph Mague, Revue normande, n°148)

(1) Le bourg de Balleroy est situé sur une colline élevée et se prolonge dans une vallée profonde.

8. Les messieurs vêtus de noir qui font la messe buisonnière, flânent et causent en fumant une cigarette ou vont « en prendre pour un sou » au Café de Paris, en attendant la fin de l'office.

(Georges Laisney, Portrait de Coutances, Henri Defontaine, Rouen, 1936, p. 82-83)

9. « un sou d'café bien coiffé »

(Georges Laisney, Portrait de Coutances, Henri Defontaine, Rouen, 1936, p. 175)

10. Il n'avait pas volé le petit sou de café soigné qu'on lui a payé chez Cabillot, ni nous non plus.

(Jean Gaument et Camille Cé, « L'homme des cavernes », Marrons sculptés, Editions Spes, 1930, p. 230)

11. Ce soir-là, on illumina à Gué et les aubergistes réorganisèrent une nouvelle veillmée d'armes, aussi lucrtive que la première, avec ample consommation de sous de cafés.

(Maurice-Ch. Renard, « Le diable vert », Pour lire à la chandelle, Editions J. Robert et Cie, Caen, 1935, p. 162).


Vêpe

Les pommiers sont pleins de guêpes,
Car les pommes sont très mûres :
Il se fait un grand murmure
Autour du vieux doux-aux-vêpes.
Les pommiers sont pleins de pommes,
Allons au verger, Simone,
Allons au verger.

(« Le Verger », Simone, Mercure de France, 1901)

Vêpe est la forme normande de guêpe (cf. italien : vespa). Plus généralement, il y entre le français et le normand, la même différence qu'entre le français et l'anglais ou l'allemand : le normand dit vey, viquet, le français dit gué, guichet ; le français dit Guillaume, l'anglais dit William et l'allemand Wilhelm [note des Amateurs].

Itou


Viper

Quant au patois, deux vers suffiront pour montrer qu'il ne se différencie guère du français que par la prononciation :

L'Boun-Guieu t'a byi'n minse à ta pièche,
Lainde, paôsae là comme un mû...

Cependant, il a ses mots particuliers, comme vyipaer, viper, pour dire le sifflement ou plutôt le fouettement du vent, et qui se rattache à l'anglais whip. Barbey d'Aurevilly admirait beaucoup ce mot, qui en effet manque à la langue française. Le patois du Cotentin est très voisin du dialecte qu'écrivait Robert Wace au douzième siècle, et il n'est pas inutile de le connaître pour bien comprendre ses poèmes historiques.

(« Poètes normands », Promenades littéraires, Mercure de France, 1904)

Itou

1. la voix de la mer invisible [...] mugissait comme si elle eût voulu dominer, sans y réussir, les voix stridentes de ces deux gosiers qui vipaient d'une façon si effroyablement suraiguë dans l'intérieur de la maison.

(Barbey d'Aurevilly, Memoranda I & II, Bernouard, p. 433)

2.

Ceux qui restaient : « Qu'on les étripe ! »
Disait Rolf, on les étripait !
Et je t'empoigne, et je t'agrippe,
Tout ça grondait, grinçait, vipait !

(« Rolf », L'Œuvre de Georges Laisney, P. Bellée, Coutances, s.d., p. 69)

3.

Le vent a soupiré, gémi, sifflé, grincé, ricané, vipé, aboyé, hurlé et , tour à tour, aboyé, vipé, ricané, grincé, sifflé, gémi et soupiré jusqu'à l'aurore.

(Georges Laisney, Portrait de Coutances, Henri Defontaine, Rouen, 1936, p. 10)

4. Ecoutez hurler, haleter, râler le grand vent de noroît, par exemple, dans la troisième strophe de Seiraée :

Oupraès des nyits qué j'i passaées quaund
Le vent vîpait souos la porte, quaund
Le vent geangnait dauns les peupllis du hanmé.

(Gabriel Boucé, préface de Graund Câté de Côtis-Capel, OCEP, Coutances, 1980, p. VIII)

5. et le vent se mettra de la partie, sifflera, vipera, gueulera, tourbillonera [...] et osera — c'est Hugo qui l'a dit ! — faire se balancer les flèches de la cathédrale.

(Eugène de Saint-Denis, Au rythme des marées, OCEP, Coutances, 1972, p. 41-42)


Révisions

1.

Men père Tonton était un miot bu, vous pensez bi : quand y montait en ville, fallait faire deux' trois stations dans les auberges' beire une moque ciz Vigot, un sou d'café ciz Elisa et l'pousse café ailleurs, bi sûr, et la rincette (L'Œuvre de Georges Laisney, P. Bellée, Coutances, s.d., p. 165).

2.

Le médecin est loin ; il n'est pas pressé de faire des visites dans les mielles, à l'autre bout du marais ; rouler dans les charrières de sable qui mouve et la tangue qui patrouille ? (Eugène de Saint-Denis, Au rythme des marées, OCEP, Coutances, 1972, p. 56)