Victor Hasch : La Passion Marie-Antoinette |
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SUITE ROYALE Soleil cou coupé Il faut être ABSOLUMENT moderne. Cette référence à Rimbaud n'étonnera pas : on sait que Victor Hasch n'a laissé de saisir sur la toile l'Homme aux semelles de vent. Il faut être absolument MODERNE, parce que l'œuvre d'art par essence doit apporter du beau inédit. Or être moderne aujourd'hui, c'est recycler. Ce n'est donc pas le hasard dont Victor Hasch assure farouchement l'inexistence si la première coiffure de la reine a pour substrat un carton sur lequel sinue rouge le symbole du recyclage moderne. Et l'on peut dire de ce carton qu'il a été doublement recyclé, d'abord industriellement, comme carton né du carton, ensuite artistiquement, pâte intégrée à la pâte, devenu définitif élément du tableau. Car recycler, c'est soit reproduire le même, et souvent de moindre qualité, soit réutiliser à d'autres fins. Et il est évident que le recyclage concerne les influences avec la même alternative : refaire ce qui a été déjà fait avant soi ou s'emparer des œuvres de ses prédécesseurs pour les transmuer en une synthèse personnelle. C'est cette alchimie personnelle que signale le sanglant point d'exclamation, dont le rouge fait écho au rouge du symbole évoqué supra. On peut donc dire que ce premier portrait livre la clef de l'esthétique de Victor Hasch, celle du triomphe de l'interpicturalité : oui, Wharol, Basquiat..., je peins par eux, mais Marie-Antoinette, c'est MOI. *** Pourquoi Marie-Antoinette ? Ce n'est pas par souci de provocation, ou de gratuité, ou de mode être moderne ne signifie pas être à la mode, au contraire c'est par fascination de la femme, par admiration pour celle qui, dans le malheur, fit preuve d'un courage de l'âme hors du commun, que Marie-Antoinette a été élue. Et c'est parce qu'elle occupe le cerveau de l'artiste qu'il va nous restituer une Marie-Antoinette intime, associée à sa vie à lui, à son œuvre, à son idiosyncrasie. Ici, c'est le chien Ornelo, dont la mort l'a ému comme le destin de la reine ; là dans la couronne s'égrènent des souvenirs d'enfance ; là encore un poème sans prétention : Quand je parle de tout signale que la chanteuse Barbara accompagne, si elle ne le dirige, le pinceau de l'artiste. Barbara, barbare, dame en noir, autre fascinante femme tragique. Là enfin, non que j'aie tout épuisé, mais parce qu'il faut bien clore, des mises en abyme rappellent la dette reconnue à Wharol ou à Basquiat. Et puisque un recyclage artistique ne saurait être utilitaire sont recyclés de façon parfaitement gratuite Antonin Arthaud ou Mickey, des esquisses antérieures, etc. L'art est un jeu, le jeu suprême. *** Je lisais dans Sixtine de Remy de Gourmont que l'art seul, parce qu'il est doué de la faculté créatrice, a le pouvoir d'évoquer la vie : Lui seul, sans pourtant refaire ni la trame ni la chaîne, peut varier la broderie de l'étoffe, parce qu'il brode à l'abri des contingences. L'existence de Marie-Antoinette est problématique ; celle d'Antigone est certaine. La reine morte sur l'échafaud est à la merci des déductions et des négations ; Antigone est éternelle comme le familial Amour qu'elle symbolise et l'écroulement des étoiles n'étoufferait pas l'aveu pitoyable et charmant de son cœur de femme qui murmure à travers les siècles : Je suis née pour aimer et non pas pour haïr ! Le symbole est impérissable comme l'idée dont il est la forme transcendante et qui lui devient nécessaire dès qu'il l'a revêtue. Si le raisonnement me paraissait juste, j'étais moins convaincu par le choix de Marie-Antoinette, réduite à sa nature de personnage historique. J'avais le sentiment que l'existence de Marie-Antoinette, plus mythique pour nous qu'historique, était aussi réelle que celle d'Antigone. Cette suite royale m'a conforté dans mon idée : Marie-Antoinette (lisez en palimpseste Marylin) est un mythe. Christian Buat, Port-Bail, le lundi 16 avril 2007. |