Le jeudi 14 avril dernier (1), alors qu'il parcourait dans les Pyrénées le beau département de l'Ariège, riche en grottes précieuses pour la préhistoire, le professeur Loffler, de Zurich, guidé par un instituteur de Tarascon, un de ces maîtres qui ont le culte du sol sur lequel ils enseignent, s'arrêta longuement devant le monument aux morts de la guerre 1914-1918 d'un tout petit village montagnard de deux cent quatre-vingt-quatorze habitants dont je fus le maire : Capoulet-Junac.
Ce monument est composé de trois têtes au-dessus d'un bloc quadrangulaire taillé dans la pierre du pays. Il se dresse, isolé, sur la route d'une harmonieuse vallée. Les trois têtes qui le composent représentent l'Epouvante héroïque, la Souffrance et la Mort. Et, dans chacune, le sceau du génie est magnifiquement marqué. Toute la guerre est là. Toute la paix est derrière ces visages, dans les prairies, les arbres fruitiers, le torrent du Vicdessos, au bord duquel s'élèvent une humble église et son presbytère, et un petit cimetière dont la leçon philosophique s'imprègne d'une poésie émouvante. Ce monument est dû au génie d'Antoine Bourdelle, dont j'étais l'ami. Il est, dans sa sobriété, d'une puissance terrible (Le Vin et l'Esprit, p. 244).
(1) Note des Amateurs : 14 avril 1949.
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