1. « Les Livres », Mercure de France, avril 1890, pp. 140-141


Biribi, par GEORGES  DARIEN (Savine). — Ce livre apporte à qui l'ouvre d'effroyables sensations, et encore après lecture faite on garde un peu de l'effarement qui suit un très mauvais rêve. C'est, en certains épisodes, d'une intensité de noirceur incroyable. Oui, sous un ciel bleu, ce livre est noir, car le patient, tout à ses haines, l'œil fixé sur les gardes-chiourmes, est aussi un peu hébété, ne sait même pas en quel pays se passe son aventure. — Rien que dans cette obstination à ne pas égarer un seul instant les impressions du lecteur, il y a du talent ; il y a aussi de la monomanie : le livre a malheureusement, çà et là, de trop pamphlétaires allures (et des revendications sociales bien gênantes). Je ne suis pas de ceux qui sont mécontents de l'écriture de ce livre : plus soignée, elle aurait peut-être adouci, par des bigarrures d'art, les infernales violacités qui luisent au-dessus de ce cimetière. Car c'est un charnier — du moins moral — que Biribi. Il paraît qu'on a dû couper telles pages attentatoires à notre candeur : il en reste assez pour offrir un aperçu de vices qu'on ne voit que là — et dans la Bible.

R. G.