|
l'affreux théâtre pharmaceutique et procédurier d'Alexandre Dumas (R. G.).
|
1. « L'enterrement théâtral », Epilogues, Mercure de France, 1903.
2. « Rachel II », Epilogues, Mercure de France, 1903.
1. « L'enterrement théâtral », Epilogues, Mercure de France, 1903.
7
L'enterrement théâtral. Un homme a ou pas des croyances ou habitudes religieuses ; un citoyen a la religion de la cité, et si la cité n'a pas de religion, humblement, citoyennement, il obéit à l'irréligiosité civique. Fort bien pour le commun. Mais comment M. Dumas fils n'a-t-il pas songé à ceci : que si l'Eglise n'est pas tout à fait désintéressée, le théâtre est ce qu'il y a de plus lucratif, et comment ne s'est-il pas ordonné des funérailles théâtrales ? Ah ! le beau et larmoyant spectacle, et quelle salle ! si en matinée, naturellement la Comédie se fût prêtée à une cérémonie à la fois funéraire et jubilatoire. Le catafalque en plein milieu, vers le fond ; devant, des fleurs et des masques ; la troupe rangée de part et d'autre ; le doyen en grand prêtre de Némi ; musique de Mendelssohn, cantates de Jean Aicard, Silvestre ; monologues, compliments, palmes, feux, et, tombant des frises, une émouvante pluie de larmes. Bravos, rappels, rideau ! rideau ! Bis ! bis ! Hélas, on ne meurt qu'une fois.
pp. 22-23, 7e édition, 1921.
2. « Rachel II », Epilogues, Mercure de France, 1903.
Rachel II. Sarah Bernhardt écrivit ces jours-ci une curieuse et incohérente lettre sur Alexandre Dumas fils ; et elle y avoue une admiration pieuse pour l'auteur de l'Etrangère. Femme, elle fut hypnotisée par le succès et dominée par la gravité voulue d'un sphynx très conscient, et peut-être par le désir de rôles qu'elle imaginait glorieux et qui lui furent refusés ; mais, cette Sarah de génie, (autant que femme peut avoir du génie), si elle n'a pas mesuré Dumas, a-t-elle mesuré Sardou ? Ni l'un ni l'autre ; elle les aime par des raisons qui ne sont pas celles pourquoi nous les estimons. Elle est femme, elle est Rachel : hormis Racine, qui est un peu ancien, elle n'a jamais joué que des indignités (relativement à son talent de tragédienne) ; comme Rachel, son souvenir sera lié à celui d'une décadence, littéraire ; elle protège les Casimir Delavigne. Talma jouait Ducis ; c'est une loi que deux beautés ne peuvent s'unir ; il en naîtrait de la divinité ; les hommes savent s'épargner cela. Si j'étais des amis de Sarah Bernhardt, je lui enverrais, pour ses étrennes les œuvres d'Ibsen. Si elle les lisait, les ayant lues, elle voudrait les faire vivre de la vie qu'elle donne libéralement aux galathées inférieures et qu'elle doit aux galathées modelées par le génie. Elle voudrait, mais elle ne lira pas Ibsen. Rosmersholm joué par Sarah Bernhardt, quelles trompettes de Jéricho, quels écroulements et quelle édification ! Nous ne verrons pas cela. D'ailleurs, demain il sera trop tard.
pp. 23-25, 7e édition, 1921.
|