Albert Samain (1858-1900) |
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Albert SamainQuand elles savent par cœur ce qu'il y a de pur dans Verlaine, les jeunes femmes d'aujourd'hui et de demain s'en vont rêver Au Jardin de l'Infante. Avec tout ce qu'il doit à l'auteur des Fêtes galantes (il lui doit moins qu'on ne pourrait croire), Albert Samain est l'un des poètes les plus originaux et le plus charmant, et le plus délicat et le plus suave des poètes : En robe héliotrope, et sa pensée aux doigts, Il faut lire tout ce petit poème qui commence ainsi : Dans la lente douceur d'un soir des derniers jours... C'est pur et beau, autant que n'importe quel poème de langue française, et l'art en a la simplicité des œuvres profondément senties et longuement pensées. Vers libres, poétique nouvelle ! Voici des vers qui nous font comprendre la vanité des prosodistes et la maladresse des trop habiles joueurs de cithare. Il y a là une âme. La sincérité de M. Samain est admirable ; je crois qu'il aurait honte à des variations sur des sensations inexplorées par son expérience. Sincérité ne veut pas dire candeur, ici ; ni simplicité ne veut dire gaucherie. Il est sincère, non parce qu'il avoue toute sa pensée, mais parce qu'il pense tout son aveu ; et il est simple parce qu'il a étudié son art jusqu'en ses derniers secrets et que de ces secrets il se sert sans effort avec une inconsciente maîtrise : Les roses du couchant s'effeuillent sur le fleuve ; Cela, c'est, il semble, d'un Vigny attendri et consentant à l'humilité d'une mélancolie toute simple et déshabillée des grandes écharpes. Il n'est pas seulement attendri ; il est tendre, et que de passion, et que de sensualité, mais si délicate! Tu marchais chaste dans la robe de ton âme, Sensualité délicate, c'est bien l'impression que donneraient ses vers s'il les avait tous conformés à sa poétique, où il rêve De vers blonds où le sens fluide se délie De vers silencieux, et sans rythme et sans trame, De vers d'une ancienne étoffe exténuée, De vers de soirs d'automne ensorcelant les heures De vers de soirs d'amours énervés de verveine, Mais, ce poète qui n'aimerait que la nuance, la nuance verlainienne, a pu, certains jours, être un violent coloriste ou un vigoureux tailleur de marbre. Cet autre Samain, plus ancien et non moins véritable, se révèle en les parties de son recueil appelées Évocations ; c'est un Samain parnassien, mais toujours personnel, même dans la grandiloquence : les deux sonnets intitulés Cléopâtre sont d'une beauté non seulement de verbe, mais d'idées ; ce n'est ni la pure musique, ni la pure plastique ; le poème est entier et vivant; c'est un marbre étrange et déconcertant ; oui, un marbre qui vit et dont la vie agite et féconde jusqu'aux sables du désert, autour du Sphinx pour un instant énamouré. Tel est ce poète : délicieux puissamment en l'art de faire vibrer à son unisson toutes les cloches et toutes les âmes : toutes les âmes sont amoureuses de cette "infante en robe de parade". (Le Livre des Masques, 1896, Mercure de France) [ Entoilage : Julie Morinière, Terminale littéraire, le 26 avril 2001]
Albert Samain, Œuvres choisies, préface de Francis Jammes, portrait d'Albert Samain sur son lit de mort par Eugène carrière, deux autres portraits en phototypie, Mercure de France 1928. |