N°107 Tome XXVIII. Novembre 1898. |
SOMMAIRE Charles Morice : Le Couronnement de la Reine de Hollande et l'Exposition de Rembrandt....289 REVUE DU MOIS Les Collectivités . Deux statues excentriques. Document pour évaluation de la gloire d'un de nos historiens nationaux. Pierre Quillard : Les Poèmes..........................................................................................443 Echos..............................................................................................................574
En 1834, M. de Morell, commandant de l'école de cavalerie, à Saumur, ferma sa porte à un des jeunes officiers de la garnison qui, jusque-là, avait fréquenté chez lui. Cet officier, le lieutenant de La Roncière, était soupçonné d'être l'auteur d'une quantité de lettres anonymes injurieuses et menaçantes dont la maison du général était remplie tous les matins. On trouvait ces lettres épinglées au mur, cachées à demi sous les flambeaux des cheminées, sur les tables, jusque dans la chambre de Mme de Morell et dans celle de sa fille, Marie, qui avait alors à peine seize ans. De plus, Marie de Morell s'était plainte de propos dédaigneux et presque grossiers : « Votre mère était fort jolie, lui aurait dit un jour La Roncière, vous ne lui ressemblez pas. » Enfin, La Roncière avait la réputation d'un débauché, d'un joueur ; sa vie était irrégulière; ses camarades le mésestimaient. Il semble qu'il fût peu intelligent et d'un caractère faible, puisque, à un certain moment, pour sauver, à propos d'un duel, l'apparence de son honneur, il consentit, dans un billet qui, il est vrai, devait rester secret, à se reconnaître l'auteur des lettres anonymes. Ces lettres, qui reproduisaient parfaitement son écriture, étaient des plus singulières et fort incohérentes. L'exaltation s'y montrait extrême. Il n'y était question que de haine, de vengeance, de crime : « Il me faudra la mort pour assouvir ma vengeance, disait une des lettres, adressée à un ami de la famille ; dans quelque temps, cette jeune fille ne sera qu'une pauvre créature dégradée. Si vous en voulez comme cela, on vous la jettera dans les bras. Je l'aime comme un fou, c'est-à-dire son argent, et à ma manière : j'aurais voulu lui tourner la tête ; son petit air dédaigneux m'a empêché de le lui dire. Aussi je me vengerai sur elle de son amour pour vous. » « Comme on le voit, observe l'acte d'accusation (1), ces menaces pouvaient déjà faire pressentir de sinistres projets. » En effet, elles ne devaient pas rester vaines : tout se passe dans ce drame comme dans les feuilletons, où le romancier prédit très facilement, en termes dont l'ambiguïté devient très claire par la suite, les catastrophes des prochains chapitres « Nous avons dit, continue le même document, que l'hôtel de M. de Morell était situé sur la rive droite de la Loire à l'angle de la rue Royale. Il se compose d'un rez-de-chaussée, de deux étages et de mansardes, avec fenêtres ouvertes sur la rivière. M. et Mme de Morell occupaient le premier étage ; Mlle de Morell était logée avec miss Allen, sa gouvernante, dans un appartement au deuxième étage, et donnant sur le quai. Cet appartement était formé de trois pièces ; une grande alcôve, dans laquelle couchait miss Allen ; un cabinet à côté où couchait Mlle de Morell, et un cabinet noir renfermant des armoires, qui ne communiquait qu'avec le cabinet de Mlle de Morell. La chambre de miss Allen n'avait d'accès que sur un corridor conduisant à l'escalier de service. La porte de ce corridor était garnie d'une serrure à bec de canne et à tour et demi. Elle se trouvait au bout d'un petit couloir régnant sur un côté de l'alcôve et fermé avec un simple bouton. Quant au cabinet de Mlle de Morell, la porte qui le séparait de la chambre de miss Allen ne se fermait en dedans qu'au moyen d'une petite targette dont le pêne ne s'adaptait pas bien dans la gâche. La chambre et le cabinet étaient éclairés par des croisées à vingt-huit pieds du sol. Ces croisées étaient munies de persiennes qui n'étaient jamais fermées. Au-dessus de l'appartement de Mlle de Morell était une grande mansarde, que personne alors n'occupait, mais dans laquelle Samuel (2) avait un accès facile. Il logeait en effet, seul des domestiques, dans cette partie de l'hôtel, et la mansarde où il couchait communiquait par un corridor avec la mansarde inoccupée. Les croisées de ces deux pièces n'étaient qu'à une distance de quatorze pieds des croisées de Mlle de Morell. On était arrivé au mardi 23 septembre. M. et Mme de Morell avaient passé la soirée au spectacle où ils avaient conduit le général de Préval. Mlle Marie de Morell était restée dans son appartement avec Mme Bécœur, femme du chirurgien-major, Mlle Bécœur et miss Allen. La soirée se passa en causeries. Après le départ des dames Bécœur, miss Allen fit selon sa coutume, la revue de l'appartement avec un soin extrême ; puis elle ferma la porte extérieure du corridor à tour et demi, et elle se coucha, ainsi que Mlle de Morell. La jeune fille était depuis longtemps endormie ; il était environ deux heures du matin. Tout à coup un bruit de vitres qui se brisent vient éveiller Marie. Ecartant ses rideaux, elle vit, à la clarté de la lune, un bras passer par le carreau cassé et lever la poignée de l'espagnolette de sa fenêtre ; puis un homme pénétra dans la chambre et se dirigea rapidement vers la porte de communication du cabinet de mademoiselle de Morell avec la chambre de sa gouvernante. A cette vue, et par un mouvement spontané comme la pensée, Marie se précipita en bas de son lit et chercha à se faire une sorte de rempart d'une chaise derrière laquelle elle se plaça. Elle put alors examiner l'homme qui venait de s'introduire chez elle. Il était de taille ordinaire, vêtu d'une capote en drap, coiffé d'un bonnet de police en drap rouge, et qui parut à la jeune fille avoir pour ornement un galon d'argent. Autour du col il avait une vaste cravate noire qui cachait les oreilles. Malgré cela, Marie reconnut aussitôt le lieutenant la Roncière. Tous ceux qui ont eu peur comprendront comment Marie n'avait pas pu pousser un cri en apercevant un homme qui s'introduisait par la fenêtre. Les grandes frayeurs semblent nous paralyser ; et en présence d'un danger imminent, il est rare que nous conservions le sang-froid nécessaire pour le conjurer. Chez les uns, ce sont les yeux qui se ferment, comme si en cessant de voir on pouvait cesser aussi d'être vu ; chez d'autres, ce sont les jambes et les bras qui se trouvent frappés d'inertie ; chez d'autres enfin, et il en fut ainsi pour mademoiselle de Morell, c'est la langue qui semble clouée au palais et refuse de s'en détacher, quelque effort que l'on fasse. Cependant la Roncière s'était élancé vers Marie, et la couvrant d'un regard effrayant : Je viens me venger ! lui dit-il. En même temps, il se jeta sur elle et lui arracha violemment la chaise à laquelle elle se cramponnait convulsivement. Alors, il saisit la jeune fille par les épaules, la terrassa et lui arracha sa camisole de nuit ; puis il lui passa un mouchoir autour du cou, et le serra de manière à ne laisser à sa victime que la faculté de pousser de faibles gémissements ; ensuite, il lui étreignit le corps dans une corde ; et, afin sans doute qu'elle ne pût tenter un mouvement, il mit ses pieds sur les jambes de cette malheureuse enfant. Quand il l'eut ainsi garrottée, il se pencha sur elle et lui porta des coup violents sur la poitrine et sur les bras ; il poussa la rage jusqu'à la mordre au poignet droit. Et tout en frappant et mordant, il s'écriait : J'avais juré que je me vengerais !... Votre père m'a traité en laquais !... J'agis en laquais !... Et après un moment, il ajoutait : Ce n'est pas tout !... Il me reste à me venger d'une autre personne qui a fait usage de lettres anonymes ! Elle ne perdra rien pour attendre !... A mesure qu'il parlait, son exaspération allait croissant, et il redoublait ses coups. Depuis que je vous connais, poursuivit-il, il y a quelque chose en vous qui m'a donné le désir de vous faire du mal ! A ces mots, la rage de ce forcené n'eut plus de bornes, il saisit un instrument que la jeune fille ne put voir, mais qu'elle crut être un couteau, et il lui en porta deux coups entre les jambes ; d'autres coups sur les cuisses occasionnèrent des contusions graves. Mais ces blessures produisirent un effet auquel la Roncière était assurément bien loin de s'attendre, et qui sauva la jeune fille du déshonneur. Le saisissement avait laissé Marie sans voix ; l'excès de la douleur lui rendant des forces, elle poussa des cris qui devaient être entendus. En effet, les plaintes et les exclamations de détresse de mademoiselle de Morell parvinrent aux oreilles de miss Allen, la fidèle gouvernante. Elle se leva aussitôt, et la Roncière ayant entendu le bruit qu'elle faisait en frappant à la porte et en l'agitant pour l'ouvrir, pensa qu'il était temps de songer à la retraite. En voilà assez pour elle, dit-il en désignant Marie. En même temps, il déposa une lettre sur la commode, et se retira par la fenêtre qui était restée entièrement ouverte. Tiens ferme ! dit-il, s'adressant évidemment à un complice. Et il disparut. » Cette aventure fut d'abord tenue secrète par la famille de Morell et, La Roncière ayant quitté Saumur, ils se crurent libérés de cette longue et cruelle persécution, lorsque de nouvelles lettres de menaces les obligèrent à prévenir la justice. Un billet, adressé à Marie de Morell, disait ceci : « Ce que vous aimez le plus au monde, votre père, votre mère et M. d'Estouilly n'existeront plus dans quelques mois. Vous m'avez refusé, je me vengerai d'abord sur lui. » On trouva ce billet en des circonstances dramatiques. L'intéressante jeune fille, évanouie dans son cabinet de toilette, le tenait à la main. On la ranima, on appela un médecin et il y eut alors un spectacle qui aurait dû faire réfléchir : la malheureuse fut pendant plusieurs heures en proie à une effroyable crise hystérique. « Les muscles de son visage étaient tellement contractés qu'elle était devenue méconnaissable. » M. de La Roncière fut arrêté à Paris le 28 octobre. Cela n'entrava aucunement les lettres anonymes ; maintenant, elles contenaient des aveux et faisaient clairement entendre que le but du bourreau était d'obtenir par la terreur la main de Marie de Morell. Que les lettres de l'écriture de La Roncière aient continué après son arrestation, cela ne surprit personne, car on le savait assez riche pour pouvoir soudoyer des gardiens de prison et d'ailleurs il avait évidemment plusieurs complices, sa maîtresse, une autre femme et un des domestiques de M. de Morell. Partout où passait la jeune Marie, les billets signés E. R. pleuvaient ; elle ne pouvait sortir en voiture sans qu'on en lançât par la portière : elle les retrouvait aussitôt dans un pli de sa robe. Traduit en cour d'assises sous l'inculpation de tentative de viol, M. de La Roncière fut défendu par Chaix d'Est-Ange ; Odilon Barrot et Berryer représentaient les intérêts de la partie civile, de sorte qu'il y eut en somme, trois accusateurs contre un défenseur. Cependant, le président des assises semble avoir senti, sinon compris, l'innocence de La Roncière ; le tour de ses interrogations le prouve, ainsi que cette phrase de son résumé, visiblement calculée, dans sa solennité pour impressionner le jury : « Si l'on rencontre quelquefois, en matière criminelle, des faits impénétrables à la sagacité humaine, le mystère dont ils restent entourés est un avertissement qu'ils doivent être réservés au jugement de Dieu. » Il s'appelait M. Férey ; intelligent et scrupuleux, il fut à peu près le seul à faire figure honorable dans ce procès, où trois illustres avocats furent si pompeusement médiocres. « L'accusation, dit une lettre de La Roncière, le père, écrite à l'Observateur des Tribunaux du 25 août 1835, l'accusation, en avouant son impuissance de fournir des preuves, a demandé à être crue sur parole. » Elle demanda même et obtint davantage ; elle exigea et on lui accorda que tout le calcul des vraisemblances fût renversé en sa faveur. Le témoignage des experts en écriture fut entièrement favorable à La Roncière. Selon l'un deux, M. Oudard, une seule des quatorze lettres saisies était d'une écriture réelle, sans déguisement, librement et franchement tracée ; c'était une petite lettre signée Marie de Morell, adressée à M. d'Estouilly ; or les treize autres lettres représentaient la même écriture, mais dissimulée de façon à imiter assez bien l'écriture de La Roncière. L'expert reconnaissait dans le tout une main légère, très adroite et à son avis très différente de la main de La Roncière. Un témoin ami de la famille de Morell, en voulant combattre l'opinion de l'expert, reconnut sans s'en douter l'authenticité de la lettre signée Marie de Morell ; il semblait donc que l'avis de l'expert dût au moins être recueilli avec déférence ; loin de là, il fut bafoué, ainsi que ses trois confrères, par les avocats et par le public. Dans sa plaidoirie, Odilon Barrot fit rire en racontant les méprises fameuses de quelques experts ridicules ; et ce moyen puissant de défense devint nul. Les affirmations de l'architecte, du vitrier et de la femme de chambre ne furent pas moins défavorables aux prétentions du ministère public : « M. Girard, architecte à Saumur, fit la déposition suivante : La chambre de mademoiselle de Morell est placée à vingt-huit pieds de hauteur. La persienne paraissait altérée, mais cette altération existait de longue date. Il n'y avait, le long du mur de face, aucune trace de passage ou d'escalade. Au-dessus de l'appartement se trouve une mansarde occupée par Samuel. Cette mansarde présente un rebord qui forme à l'extérieur un angle de quelques pieds. On a examiné attentivement cette partie de la maison, et on n'y remarqua aucune trace d'escalade. La toiture était intacte, et rien ne révélait qu'une corde y eût été fixée. Quant à la chambre de Samuel, rien n'a fait présumer qu'une corde y eût été placée. Il a été également impossible à M. Giraud de découvrir sur le carreau en pierre blanche du pays, dont est carrelée la chambre de mademoiselle de Morell, aucune trace de sang. A l'extérieur, rien n'annonce le frottement d'une corde contre le mur, et cependant, si une corde eût frotté ce mur, elle eût laissé des traces infaillibles. Sans doute on aurait pu détacher la gouttière qui descendait du haut de la maison et faire passer la corde dessous, mais la gouttière est restée en place. On aurait pu encore placer une échelle contre le mur, mais pour le faire avec précaution et empêcher que des traces existassent, il eût fallu, en raison du point d'appui indispensable, une échelle d'environ trente ou quarante pieds, et, en outre, il eût été nécessaire que deux ouvriers habiles et habitués à pareille manœuvre, prêtassent leur concours. D'ailleurs, il n'y avait sur les murs blancs aucune trace d'échelle. La conviction du témoin est qu'il n'y aurait pas eu impossibilité de monter par la fenêtre pour quelqu'un qui aurait pris toutes les précautions nécessaires, qui aurait eu du temps à lui, mais que l'ascension eût laissé des traces dans le cas contraire, et surtout pendant la nuit. Le vitrier de l'hôtel de Morell, le sieur Jorry, fait également une déposition très importante. Le 27 septembre, il a remis le carreau cassé dans la chambre de mademoiselle de Morell. C'était le carreau dans le battant à gauche, le premier en bas. Il y avait un trou de trois à cinq pouces, et le carreau était cassé sur la longueur plus que sur la largeur. D. Pouvait-on passer la main ? R. Oui, Monsieur. D. Pouvait-on, en passant la main, ouvrir l'espagnolette ? R. Par la distance de l'intervalle du trou du carreau pour arriver à l'espagnolette, il y avait un peu d'impossibilité. (Vive sensation.) D. Ces débris du carreau étaient-ils tombés en dedans ou en dehors de la chambre ? R. Je trouvai les débris du verre sur l'abri extérieur ; je n'en ai point trouvé à l'intérieur. (Nouvelle sensation.) Une femme Tissier, domestique chez le général, déclare également que le carreau était cassé dans le bas de la croisée à gauche, et qu'en balayant elle n'a point trouvé de morceaux de verre dans la chambre. » Une autre domestique déclare que quatre jours après la nuit de l'attentat, Mademoiselle de Morell alla au bal et dansa avec beaucoup d'entrain. Sa mère, interrogée, donna pour explication que « sa fille, en allant au bal, remplissait un devoir ». Cette bonne dame semble d'ailleurs n'avoir même pas eu la curiosité de vérifier les « graves blessures » de sa fille, ni le souci de les soigner. Elle justifie son abstention par des phrases mécaniques sur la pudeur : « Seize ans ! monsieur le président, un ange de pureté ! » Cet ange de pureté ignorait, en effet, comment se pratique un viol et quel est le but des violences qui peuvent accompagner cet acte. Sa pureté consiste en une ignorance matérielle des choses de l'amour et sa perversité s'est heurtée à l'impossibilité d'imaginer les gestes sexuels : ainsi ne parle-t-elle que de coups et de morsures, de « blessures faites aux parties les plus secrètes ». Rien ne ressemble moins à ce qu'on peut imaginer d'un viol que la scène que l'on reconstitue par l'interrogatoire de Marie de Morell. Le début de la plaidoirie d'Odilon Barrot, ou de son réquisitoire, est curieux et il résume bien, en ses antiphrases oratoires, ce que l'on pense aujourd'hui du rôle joué « par la plus pure et la plus innocente des vierges ». Il dit la vérité sans s'en douter, ou sans paraître s'en douter, car on sait ce que dit un avocat ; on ne sait pas ce qu'il pense : « Cependant on accuse mademoiselle Marie de Morell, dit l'avocat : on dit qu'elle est l'auteur des lettres anonymes ; qu'elle a ourdi une trame infâme, une combinaison infernale ; c'est elle, à entendre la défense, qui a donné des rendez-vous à sa mère sous le nom d'un officier ; c'est elle qui a adressé des déclarations fort lestes à un officier. Elle a vu le désordre que ces lettres jetaient dans la maison ; elle a vu le chagrin, la perplexité de sa famille, et elle s'est jouée de tout cela. Elle a poussé deux officiers à se couper la gorge ; elle a fait verser le sang de l'un par la main de l'autre ; elle a écrit une lettre qui retrace le langage, je ne dirai pas d'un soldat, mais d'un soudard habitué à tout le dévergondage des tavernes et des lieux de débauche. Elle a, jeune fille de seize ans qu'elle est, tout foulé aux pieds, tout méconnu. Elle a tout deviné, tout appris, tout inventé ; elle a semé partout le désespoir ; elle a mis le deuil partout, et puis après, sur ce tas d'infamies, elle se dresse triomphante, et dans sa frénétique joie, elle a entonné en quelque sorte un hymne satanique !... (Rumeur prolongée dans l'auditoire.) Voilà, au dire de la défense, ce qu'a fait la plus pure et la plus innocente des vierges ; celle que, dans sa famille, on ne définit qu'en l'appelant un ange de douceur et de pureté... » M. de La Roncière fut condamné à dix ans de réclusion. Le jury, voix de la foule, avait été entièrement dupe de cette idée bizarre, alors très répandue, que dans la race humaine, les jeunes femelles sont naturellement douées de toutes les vertus : l'état des jeunes mâles est l'impureté ; l'état des jeunes femelles est la pureté. Il serait curieux de rechercher l'origine de cette opinion singulière qui, depuis cent ans, a faussé la littérature, l'art et les mœurs, et a créé cet être factice, la Jeune Fille. Assurément, en aucun moment des siècles passés, on n'eût été dupe d'une aussi diabolique vierge. Il y a deux cents ans, on eût évité un procès scandaleux et diffamatoire pour deux familles en enfermant la malheureuse dans un maternel couvent ; plus haut, on l'eût exorcisée à coups de fouet et ce traitement n'eût pas manqué d'avoir les meilleurs effets. C'était une possédée ; c'était une grande hystérique : les deux mots qui ont une signification également nulle sont clairs du moins par la certitude des faits toujours identiques qu'ils renferment. En ces dernières années, le cas de Mademoiselle de Morell a inquiété la science qui a facilement confirmé l'opinion des contemporains un peu avisés, telle à peu près qu'elle est rapportée dans le discours d'Odilon Barrot. Toutes les inventions maladives des hystériques n'ont pas d'aussi tragiques conclusions ; mais elles ont toutes le même but : l'hystérique veut que l'on s'occupe d'elle ; elle veut être intéressante ; elle veut être au premier plan ; son habileté simulatrice, que l'on a appris à déjouer, est parfois véritablement démoniaque. Mais les romans les mieux construits ont des lacunes et des invraisemblances ; le génie lui-même ne pense pas à tout ; il y a des défaillances dans les combinaisons de l'hystérie. Le roman de Marie de Morell étonna par la précocité d'une telle perversion, mais ses invraisemblances furent vivement critiquées. La cause de La Roncière devint européenne. Il fut défendu avec science en Angleterre et en Allemagne : des gens nés pour ne pas être dupes réfutèrent aisément un acte d'accusation qui apparaît aujourd'hui comme un des monuments de la sottise humaine. En absolvant M. de La Roncière, la science n'a aucunement prétendu condamner Mademoiselle de Morell, l'inconscience étant inséparable de l'état hystérique ; tout ce qu'elle pourrait insinuer, c'est que de pareils procès, toujours possibles, en somme, devraient être évoqués devant elle et non devant une assemblée de rentiers et de boutiquiers. Quelle civilisation que celle où un marchand de parapluies est, dans tous les cas possibles, le juge absolu, le juge de la vie et de la mort ! (1) Résumé dans : Drames judiciaires. Causes célèbres de tous les peuples. 1re livraison. Vers 1855. (2) Domestique, regardé comme un des complices de M. de La Roncière. R. DE BURY. Nota bene : ce texte a été recueilli, sous le nom de Remy de Gourmont, dans la sixième série des Promenades littéraires (1926). L'énergie d'une race. Les Normands d'autrefois (Le Figaro, 27 septembre et 3 octobre). Le bourreau de Mallarmé et son protecteur (Le Figaro, 11 oct. ; Le Journal, 6 oct.). Stéphane Mallarmé et Léon Dierx (Le Temps, 11 oct. et suiv.). Anecdotes sur un diplomate, sur un grand seigneur et sur Molière (Le Temps, 29 sept., 5 et 6 oct.). Un nouveau journal : La Volonté. M. de Vogüé a fait un pèlerinage à Hauteville-la-Guichard. C'est un village peu connu. Quand on a de la bonne volonté on le découvre, au delà de Saint-Lô, entre Marigny et Saint-Sauveur-Landelin. De là, il y a longtemps, partirent des jeunes hobereaux sans sou ni maille, qui devinrent rois, princes ou seigneurs, « la poignée d'hommes prodigieux qui conquit, posséda, transforma une partie du monde méditerranéen », comme leurs frères aînés, quelques années plus tôt, avaient conquis l'Angleterre qu'au cours des siècles ils devaient si puissamment façonner à leur image. M. de Vogüé questionna le gars du pays qui débridait son cheval : « Oui, notre endroët a fait bien du bruit dans l'histoëre ; mais il n'y a plus rien. » Plus rien que le nid de chênes et de hêtres « d'où s'est échappé le vol de gerfauts, hors du charnier natal ». « Hauteville, continue M. de Vogüé, fut le berceau et le maigre fief des Tancrède. Guichard, guiscard l'avisé en dialecte normand c'était le sobriquet de Robert, l'un des plus fameux. Le premier seigneur d'Hauteville, pauvre homme, avait douze fils sans compter les filles. Ses hoirs s'en allèrent l'un après l'autre, avec quelques vassaux, sur leurs bidets par ces sentiers, sous les arbres pères de ces arbres, comme s'en va ce cultivateur qui porte son sac de pommes au marché de Marigny. Ils frétaient une gabare au premier port de la côte, faisaient voile vers l'Italie, vers le Levant. Quelques années après, les aînés appelaient les cadets au partage des royaumes conquis; et c'est ainsi que les minces hobereaux de ce village emplirent de leurs noms et couvrirent d'hommes d'armes de châteaux d'églises la Pouille, les Calabres, la Sicile, la Morée, la Thessalie, Constantinople, Jérusalem. Partout le voyageur les retrouve, ces Normands des mers heureuses; leur ombre se projette encore sur tous les rivages les palais et les basiliques, elle trône dans Montréal, dans Amalfi, sur le siège de marbre où l'inscription en mosaïque garde leur place : cathedra Régis, chaire du Roi, où s'assirent tour à tour les enfants d'HautevilIe-la-Guichard. Ici seulement sur la terre nourricière de ces rois, leur ombre même s'est enfuie : ni berceau ni tombe, pas une pierre commémorative de tant de fortune, de tant de grandeur. Et c'est mieux ainsi : l'absence de témoignages matériels met une imprécision de rêve dans leur légende, dans l'aventure qui fut le grand rêve du moyen âge. » Ensuite M. de Vogüé s'afflige en songeant que les neveux des Guichards du XIe siècle aiment dès leur âge tendre à se bercer de rêves médiocres : une place-dans un bureau, voilàla couronne de leurs songes ! Sans doute, mais il y avait des bureaucrates aussi du temps de Guillaume le Conquérant et de Tancrède de Hauteville ; on les appelait des moines : ils représentaientla partie froide, timorée, assise de l'humanité. Elle n'est pas méprisable Un peuple ne peut se composer d'aventuriers s'il lui est utile d'en avoir quelques-uns : sa force réside dans les gens stables, attachés à la glèbe ou à la pierre. Et d'ailleurs, ces Normands d'après Robert Guiscard conservèrent assez de leur humeur primitive pour faire encore parler deux et que leur énergie étonnât encore le monde. Récemment un ministre canadien, M. Turgeon, est venu à Honfleur célébrer les audaces des Normands d'Amérique. Ila très bien parlé, ce Canadien, et dans une langue dont la belle tenue repose singulièrement du jargon de la plupart de nos inaugurateurs de statues (il s'agissait du monument de Samuel Champlain). Il a célébré le Honfleurois Jean Denis qui, avant même le Malouin Jacques Cartier, visita les mers du Nord-Ouest, découvrit Terre-Neuve et remonta le Saint-Laurent. Elargissant un peu son panégyrique, M. Turgeon signale ensuite la part considérable de la France dans les destinées de l'Amérique du Nord : « L'âme de vos hardis navigateurs s'éprit des vastes solitudes des régions inexplorées et, tout en guerroyant contre les Indiens et les colons de la Nouvelle-Angleterre, ils parcoururent toute l'Amérique, de l'Orient à l'Occident du Sud au Septentrion, de Terre-Neuve aux montagnes Rocheuses, de la baie d'Hudson au golfe du Mexique, laissant partout l'empreinte du nom français, jetant à tous les vents du ciel La semence féconde de la religion et de la civilisation. Ah ! qui peut dire l'action de la France sur le nouveau monde ? Je ne parle pas du Canada français, mais des colonies anglaises elles-mêmes. L'épée de Lafayette leur a conquis l'indépendance, et elles en ont perpétué le souvenir en élevant, à l'entrée de leur métropole, la statue de la Liberté. Si elles avaient regardé plus haut et plus loin, ce n'est pas la statue de la Liberté qu'elles auraient érigée dans le port de New-York, c'est la statue de la France elle-même ! » Si, depuis cette époque, l'activité des Normands n'a plus jamais été collective, cela s'explique bien clairement par la tournure centralisatrice que la civilisation a assumée en France sous l'influence démoralisante des méridionaux; mais la race est demeurée individuellement énergique et aventureuse : il est assez curieux que la plupart peut-être plus que la moitié des grands novateurs en art et en littérature furent de race normande, de Malherbe à Flaubert, de Corneille à Chateaubriand, de Poussin à Millet. L'énergie cérébrale se transforme, mais ne périt pas dans lès races fortes. Je n'en citerai pas moins encore quelques lignes où M. de Vogüé raille, peut-être mal à propos, les joies de la Paix : « Entre les fines aiguilles de la cathédrale, le soleil se couche dans un écroulement de nuées que ses feux incendient. L'immense paix du soir descend sur la nappe d'or vert de ce beau pays, opulent et riant. Les hommes y paraissent satisfaits de leur sort, contents de pratiquer la vertu de l'épargne « sous l'égide de nos institutions », dans l'aisance, la tranquillité et l'égalité. Ils ne prétendent pas autre chose, on ne leur persuadera pas autre chose. C'est leur droit. Comme ils souriraient, ces bons Normands... » Ils ne sourient pas tous, et cela suffit. § Il y a des journaux où dans les questions controversées, même sans bonnes raisons, on aime à donner le pour et le contre ; après l'éloge, l'exécution. Ainsi donc M. Rodenbach ayant noblement loué Stéphane Mallarmé, M.Arsène Alexandre fut chargé par le Figaro de signifier « l'enterrement du symbolisme ». M. Alexandre n'emboucha point, pour faire son petit bruit, une trompette de Jéricho ; le modeste tube de fer blanc des bazars lui a semblé convenir mieux à ses facultés pulmonaires. Là-dedans il souffle naïvement : « Odilon Redon est le Mallarmé de la peinture, comme Mallarmé était le Redon de la poésie. » Tonnerre et rubis ! Monsieur, qui croyez-vous humilier ici, Redon ou Mallarmé ? C'est pour la septième fois (je les ai comptées) que je lis dans la presse cette confrontation et je n'ai pu encore démêler pour lequel des deux elle peut bien être injurieuse, puisque Mallarmé et Redon sont, tous les deux, ou bien deux grands artistes ou bien deux grands poètes. L'article de M. Alexandre est d'ailleurs plein de grossièretés peu spirituelles. Il faut détromper M. Alexandre: Stéphane Mallarmé n'est pas mort du chagrin de n'avoir pas réussi, pas plus que Baudelaire, que Barbey d'Aurevilly, que Villiers de l'IsIe-Adam, que Verlaine. Il vient de me tomber sous les yeux, au cours d'un classement de papiers, un vieux feuilleton où M. Sarcey narre une des représentations fameuses du Théâtre d'Art. Après avoir raconté à sa manière Les Aveugles, Le Concile féerique, Théodat, il ajoute gracieusement : « Toutes ces charges d'atelier nous avaient conduits à une heure du matin... » Peut-être fûmes-nous indignés, il y a sept ans ; aujourd'hui je trouve à telles appréciations un grand charme. Après donc les inutiles invectives de M. Alexandre, on lira avec fruit les déclarations bienveillantes de M. Henry Bauër elles tombent d'un peu haut, sans doute, mais elles n'en sont que plus. précieuses. Nous nous sommes permis de souligner le passage où le suréminent chroniqueur exprime un doute qui doit, j'aime à le croire, être interprété favorablement : « Exemple admirable et rare d'une pure vie d'artiste, Stéphane Mallarmé a exercé uniquement sa maîtrise par une parole familière, persuasive et charmante, par l'attrait de son caractère, par la dignité, la simplicité, la modestie de sa manière d'être. Ni ses vers perdus dans l'obscurité, ni le petit nombre de pages qu'il écrivit, n'ont la certitude de la durée ; son verbe abondant et brillant, nourri de pensées originales n'a pas souvent dépassé le cercle d'amis et de disciples. Il a fait peu de conférences. C'était un sage que ne tentèrent ni le succès de la parole, ni la passion du journal. Il vivait modestement du gain d'un emploi de professeur d'anglais, pour la littérature et l'art. La justice suprême lui permit de mourir paisiblement, loin des besognes mercenaires, pendant les vacances, au soir d'un beau jour, dans le paysage de forêt et d'eau qu'il aimait. » Dans un beau poème en prose, dédié à la mémoire de Mallarmé, M. Léon Daudet fait parler ainsi un des corbeaux de la Forêt Rouge : « Ma presque dernière visite fut pour ce poète, tout près d'ici, au bord du fleuve. Quoique mon indifférence soit grande, et que le signe fatal ait endurci la corne de mon bec j'hésitai à l'appeler si tôt, lui sage et discret comme un Dieu, en qui frémissaient tant de merveilles, voilées. Mais il est un degré de noblesse où l'âme n'a plus besoin du corps, et je n'apparus que pour la légende, tel qu'il m'évoqua d'après son frère auguste et fameux... les ténèbres et rien de plus... les ténèbres et jamais plus... » § Ensuite on s'occupa d'élire un Prince des Poètes. Le jeu ne me plaît guère ; mais je n'ose trop le blâmer cette fois puisque grâce aux quelques lettres de vote, publiées dans le Temps, il a été démontré que M. Léon Dierx était estimé comme il convient c'est-à-dire comme un maître. M. Dierx a soixante ans ; il a publié ses Poésies complètes (1890) et on ne croit pas qu'il ait l'intention d'y rien ajouter. Il se reposait, sans songer à la gloire, fier de s'être plu à lui-même et d'avoir contenté quelques délicats : la gloire vient à lui ; on publie son portrait par Vallotton, naturellement, dans le premier numéro de la Volonté ; c'est très bien et très juste. Parmi les lettres, celle-ci de M. Louis Dumur, dont le sentiment sera partagé : « Je n'ai point été de ceux qui ont élu Paul Verlaine prince des poètes et je n'ai pas été davantage de ceux qui lui ont donné Stéphane Mallarmé pour successeur. Il ne me paraît pas d'un grand intérêt de continuer cette dynastie. L'admiration en art ne se traduit pas par un bulletin de vote. Chaque poète de talent me semble un prince dans son île. Il y a des couronnes plus riches, plus ouvragées, plus somptueuses, d'autres qui ne sont composées que de simples fleurs et qui n'en sont pas moins belles. Tendre le sceptre à un poète, décerner le prix de beauté à une femme, deux choses que je trouve aussi monstrueuses qu'inutiles... » Un plaisant a proposé d'élire M. Rostand (le banquier ?) ; un autre, très sérieux, invoque pour s'abstenir quoiqu'il finisse par nommer M. Henri de Régnier ses principes républicains ; M. Bouchor, aussi ; M. Saint-Pol-Roux déclare : « Stéphane Mallarmé fut davantage qu'un poète : un dieu » c'est-à-dire « celui qui enrichit le gouvernail humain d'une orientation ignorée jusqu'alors. » La correspondance reçue par M. Raoul Aubry n'a pas le plus souvent un intérêt considérable ; il y a eu d'ailleurs beaucoup d'abstentions. § M. de Guines, ambassadeur à Berlin, en 1769, s'étant aperçu que l'on ouvrait et. que l'on copiait ses dépêches à la poste, se détermina, un jour de courrier pour la France, à envoyer, dès le matin, au directeur de la poste une de ses dépêches chiffrées et à y joindre le billet suivant : « J'envoie la dépêche ci-jointe à la poste, à sept heures du matin, au lieu d'attendre l'heure du courrier de sept heures du soir, afin. que M. le Directeur de la poste de Berlin ait le temps de la faire copier et qu'on puisse encore l'expédier aujourd'hui. Ce qui me porte à prendre cette précaution, c'est que la dépêche est importante et fort pressée et que je serais par conséquent très ennuyé qu'elle fût gardée jusqu'au courrier suivant, comme on l'a déjà fait pour d'autres. » Traduit, par le Temps, d'un assez curieux livre anglais récemment paru, Collections and recollections ; cela se passait à la fin du siècle dernier : « Lord Abercorn apprend que sa femme va le planter là et se sauver avec un de ses amis. Une voiture de louage est là qui l'attend. « Une voiture de louage? » s'écrie le mari. « Qu'on attelle aussitôt le carrosse. Il ne sera pas dit que lady Abercorn ait quitté le toit de son mari dans une voiture publique. » On a communiqué à M. Claretie un curieux Molière arrangé pour être joué par les jeunes gens : « L'Amour médecin prend pour titre, le mot amour étant proscrit, le Faux Médecin. Les Femmes savantes, qui ne peuvent plus subsister de par l'éviction du sexe faible, deviennent chose incroyable ! les Faux Savants, comédie par Molière. Armande n'est plus qu'Armand, fils de Chrysale. La délicieuse Henriette devient Henri. Au lieu de parler du mariage et des enfants, comme Henriette et Armande, Armand et Henri parlent de l'amitié. ARMAND De tels attachements, ô ciel, sont pour vous plaire. HENRI Et qu'est-ce qu'à mon âge on a de mieux à faire Rien de plus choquant ou de plus niais. Et toute la pièce est maltraitée ainsi. Molière, qui connaissait les sots, n'avait point prévu cette sottise. Bélise n'est plus que Soubise, autre frère de Chrysale. ... Oui, mon frère, je peste contre vous ! Les vers nouveaux sont faux exécrablement. Qu'importe ! Les jeunes gens les prendront pour des vers de Molière. Et tout est travesti ainsi dans l'œuvre du grand comique. Les Précieuses ridicules deviennent les Jeunes Gens ridicules. Cathos et Madelon s'appellent Léon, fils, et Charles, neveu de Gorgibus. Ce sont « deux petits provinciaux » dont Lagrange et du Croisy veulent se moquer. Imaginez Charles et Léon « se servant de blancs d'œuf et de lait virginal » et écoutant les impromptus de Mascarille et les confidences de Jodelet. L'absurde atteint la les sommets. Même ineptie lorsque l'Ecole des femmes devient la Précaution inutile. L'Ecole des Femmes sans Agnès ! Agnès laissée dans la coulisse ! Mais le triomphe de l'arrangeur, c'est Tartuffe, Tartuffe ou l'Imposteur, avec une Dorine. qui s'appelle Frontin, une Mme Pernelle qui devient Perlet, père d'Orgon, une Flipote qui se change en Flipot, et une Elmire qui disparaît. Quoi ! Tartuffe sans Elmire, comme Alceste sans Célimène ? Parfaitement. L'arrangement est facile. Mais la scène de la table ? Tartuffe voulant séduire et nuire. Tout est prévu. Tout est transposé. Ce n'est pas Elmire qui fait cacher Orgon sous une table, c'est Cléante qui le fait cacher derrière un rideau. Tirez-moi ce rideau et bien caché dessous... Oh ! l'hiatus! Qu'importe ! Et ce que voit Orgon derrière le rideau, ce n'est pas Tartuffe posant la main sur le genou d'Elmire, c'est presque Tartuffe laissant tomber son poing sur la joue de la femme, la menaçant, l'injuriant.Mais il faut citer. C'est admirable. (Orgon, seul, derrière le rideau.) ..........................Puisqu'on le veut ainsi, (Orgon fait de longues pauses entré chaque phrase.) Ma femme va trop loin... Elle est presque à genoux C'est énorme ! comme disait Flaubert. § Le premier numéro de la Volonté a paru le 17 octobre. La présentation au public, par M. Ernest Lavisse, est la paraphrase de ce désir : « Qui nous donnera un journal indépendant ! » Il y a deux ou trois revues indépendantes pourquoi n'y aurait-il pas un journal indépendant, libre, ouvert à tous les talents, à toutes les idées ? En effet, mais il fallait le vouloir. Ce journal que nous attendions tous, M. Jacques Daurelle l'a créé sous la forme la plus heureuse. R. DE BURY. |