à Segalen (1878-1919) |
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Notice 1° Edition originale : Attentif à ce qui n'a pas été dit. Lettres à Victor Segalen, annotées et présentées par Thierry Gillybœuf, Editions Finitude, 10, rue des Bahutiers, 33000 Bordeaux, 2001. 2° Recensement des exemplaires ("Un volume de 36 pages, format 13 x 21,6, tiré à 220 exemplaires : 200 ex. sur Brut de Centaure naturel : 9 euros. 20 ex. sur papier vert menthe : 22 euros") : Lundi [1912]. Mon amie, je viens d'ajouter un mot à mon ami de Chine, qu'il pense à mon Amazone, qu'elle veut ses Stèles. Puis j'ai écrit quelques lignes sur ces Stèles pour La France. Vous les lirez, j'espère, avant votre départ. Moi, je ne pense plus au départ, je pense au retour. Je subirai l'un, j'attendrai l'autre. Mais vous ne vous séparez jamais de moi, ou bien : « Vous ne pouvez séparer vous de moi. » Je vous suivrai dans le paysage moins imprécis pour moi que vous ne le pensez, car les images indirectes d'Italie me sont familières. Je ferai peut-être mon poème « Elle a un corps... Sonnets en prose » et je me laisserai aller à l'exaltation, tout simplement. Ce n'est pas le monde qui me porte. C'est moi qui porte le monde. Je n'ai pas besoin de Florence. J'ai besoin de vous. Oui, je riais de vous voir près de moi, attentive à ce qui n'a pas été dit, je riais comme on rit à un feu, à une fleur, au soleil dans l'hiver, aux premières choses vertes, je riais parce qu'il me semble que je vous vois toujours pour la première fois. Le rêve est un étonnement, la vie est un étonnement, le bonheur est un étonnement, vous voir est un étonnement. Il y a des habitudes qui sont des imprévus et des étonnements. Sonnets en prose : mon amie, c'est pour vous. Ne le dites pas. Je voudrais essayer cela, parce que j'écris mieux en prose. Je n'ai pas mal à la tête, ce matin. Vous me remettez dans le rythme qu'il me faut, dans la poésie qu'il me faut. L'attentif au silence. REMY. (Lettres intimes à l'Amazone). |
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