J'aimerais, si la place ne me faisait défaut, dire l'exceptionnelle originalité du dernier recueil de contes de Rémy de Gourmont, intitulé : Couleurs. C'est toute une palette de jolies fantaisies littéraires, prenant naissance à la seule évocation d'une tonalité rouge, vert, jaune, lilas, orange, violette, pourpre, mauve, bleue, blanche ou rose. Ce sont de brefs chapitres colorés, gracieux comme des lanternes transparentes, éclairées par un esprit malicieusement paradoxal et délicieusement philosophique ou ironiste.

Lisez Couleurs.

J'ai toujours tenu Rémy de Gourmont pour un des écrivains les plus personnels, un des esprits les plus libres de ce temps. Romancier, poète, érudit essayiste, critique, esthéticien, il a touché jusqu'ici à tout, avec une égale indépendance de pensée et de jugement, une observation pénétrante, un goût parfait, un courage inlassable, une volonté de tout dire en dépit du cercle étroit du convenu, des convenances et des considérations de l'époque.

Rémy de Gourmont, comme Barbey d'Aurévilly est de ceux qui ne sont ni au-dessus ni au-dessous des honneurs mais à côté, qui œuvrent sans se soucier des médiocres profits des récompenses académiques ou gouvernementales, mais qui, aussi estimés profondément par ceux qui aiment vraiment les lettres en France et à l'étranger, laissent derrière eux un vaste sillage qui persiste et s'agrandit encore par-dessus les modes et les courants d'opinion.

(Octave Uzanne, « Causeries : Des livres », La Dépêche, n° 14.811, lundi 25 janvier 1909, Toulouse, p. 2)

[texte communiqué par Mikaël Lugan]