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Notice

1° Edition originale :

Oraisons mauvaises, in-8°. Poèmes, ornés par Georges d'Espagnat de vignettes en deux tons, jaune souci et vert d'Ecosse, Edition du Mercure de France, Paris, 1900. Apparition signalée dans le Mercure de France de mars, p. 854 et p. 857.

2° Autres éditions :

Oraisons mauvaises, recueilli dans Divertissements, 1912
Oraisons mauvaises, six bois en couleur de Chapront, A la Connaissance, 1921
Oraisons mauvaises, dessin et eaux-fortes de Frans Geetere, Edition de la Tour-d'Ivoire, Paris, 1926

3° Recensement des exemplaires de l'édition originale (« Imprimé par C. Renavdie à .1xxxxvij. exemplaires : xvij. sur japon impérial, le reste svr alfa vergé. ») Numérotés et signés par Remy de Gourmont : n°95 (Coutances)

4° Envois :

Vu dans le catalogue Tajan, Livres anciens et modernes, vendredi 28 novembre 2003 à 14 h 30, Hôtel Drouot salle 2, 9 rue Drouot, 750009 Paris :

Oraisons mauvaises. Mercure de France, 1900. Ornements floraux verts ou jaunes de G. d'Espagnat. EO. tirée à 97 ex. 1 des 85 exemplaires sur vergé alfa numérotés et paraphés par l'auteur. Envoi à Laurent Evrard.


Echos

Remy de Gourmont vient de publier à petit nombre et avec un rare souci de bibliophile quelques strophes amères, tourmentées et d'une sorte de perversité sacrilège, intitulées Oraisons mauvaises. La présentation de ces vers me permet de signaler cette plaquette sous la présente rubrique (Yvanhoé Rambosson, « Publications d'art », Mercure de France, mai 1900, p. 547).

« Remy de Gourmont. Oraisons mauvaises », Revue biblio-iconographique, 1900, p. 195-196

Victor Segalen, Les Synesthésies et l'école symboliste, Mercure de France, avril 1902, p. 77-78 & Fata Morgana, 1981, p. 39-40

Jean de Palacio, La Décadence. Le mot et la chose, Les Belles Lettres/essais, 2011, p. 293-295

Les Treize, « Les Lettres : Oraisons mauvaises de Rémy de Gourmont », L'Intransigeant, 19 mai 1921, p. 2

J. V[almy]-B[aysse], « Le carnet des lettres et des arts », Comœdia, 16 juin 1921, p. 2


Texte

I
Que tes mains soient bénies, car elles sont impures !
Elles ont des péchés cachés à toutes les jointures ;
Leur peau blanche s'est trempée dans l'odeur âpre des caresses
Secrètes, parmi l'ombre blanche où rampent les caresses,
Et l'opale prisonnière qui se meurt à ton doigt,
C'est le dernier soupir de Jésus sur la croix.
II
Que tes yeux soient bénis, car ils sont homicides !
Ils sont pleins de fantômes et pleins de chrysalides,
Comme dans l'eau fanée, bleue au fond des grottes vertes,
On voit dormir des fleurs qui sont des bêtes vertes,
Et ce douloureux saphir d'amertume et d'effroi,
C'est le dernier regard de Jésus sur la croix.
III
Que tes seins soient bénis, car ils sont sacrilèges !
Ils se sont mis tout nus, comme un printanier florilège,
Fleuri pour la caresse et la moisson des lèvres et des mains,
Fleurs du bord de la route, bonnes à toutes les mains,
Et l'hyacinthe qui rêve là, avec un air triste de roi,
C'est le dernier amour de Jésus sur la croix.
IV
Que ton ventre soit béni, car il est infertile !
Il est beau comme une terre de désolation ; le style
De la herse n'y hersa qu'une glèbe rouge et rebelle,
La fleur mûre n'y sema qu'une graine rebelle,
Et la topaze ardente qui frissonne sur ce palais de joie,
C'est le dernier désir de Jésus sur la croix.
V
Que ta bouche soit bénie, car elle est adultère !
Elle a le goût des roses nouvelles et le goût de la vieille terre,
Elle a sucé les sucs obscurs des fleurs et des roseaux ;
Quand elle parle on entend comme un bruit perfide de roseaux,
Et ce rubis cruel tout sanglant et tout froid,
C'est la dernière blessure de Jésus sur la croix.
VI
Que tes pieds soient bénis, car ils sont déshonnêtes !
Ils ont chaussé les mules des lupanars et des temples en fête,
Ils ont mis leurs talons sourds sur l'épaule des pauvres,
Ils ont marché sur les plus purs, sur les plus doux, sur les plus pauvres,
Et la boucle améthyste qui tend ta jarretière de soie,
C'est le dernier frisson de Jésus sur la croix.
VII
Que ton âme soit bénie, car elle est corrompue !
Fière émeraude tombée sur le pavé des rues,
Son orgueil s'est mêlé aux odeurs de la boue,
Et je viens d'écraser dans la glorieuse boue,
Sur le pavé des rues, qui est un chemin de croix,
La dernière pensée de Jésus sur la croix.