Mercredi 20 mai [1953]. — [Rouveyre] a donc vécu pendant des années en homme riche [...]. Grande propriété, avec parc, à Avon, région de Fontainebleau. Une photographie publiée dans une petite revue de ce temps-là : L'Eventail y montre Gourmont assis sur un banc avec le peintre Antonio de la Gandara (Léautaud).


ÉCHOS

Les Ecrivains tués à l'ennemi. — Le Musée Denicourt. — Mort d'Antonio de La Gandara. — Renoir en Espagne. — Légendes funèbres. — Les Femmes et la politique. — Erudition de « nouveau riche ». — M. Capus et la Veine. — Le Système métrique et la Guerre. — Angelo Musco. — D'un petit journal catholique allemand. — Victor Hugo en Corse. — Le Théâtre et la Vie. — Trésors artistiques aux enchères. — Une Université à Nice. — Anecdote persane. — L'entrée de l'Espagne. — Benjamin Constant revenant. — La Race teutonique. — Le prix de poésie latine.

Les écrivains tués à l'ennemi. — Leur liste s'allonge encore des noms qui suivent : Théodore Mercadier, né à Mascara (Oran) en 1884, auteur d'un livre inédit dont le manuscrit avait été couronné en 1915 par la Société des gens de lettres (Prix Jacques Normand).

Paul A. Arnold, aspirant, tué près de Craonne. Il laisse des poèmes. Il était un des fondateurs de la revue Les Marches de Flandre.

Paul Vial, né à Draguignan en 1890, auteur des Premiers propos de Jean du Malmont.

M. Serge Basset, envoyé spécial du Petit Parisien sur le front britannique, est tombé au champ d'honneur, le 3o juin, victime du devoir professionnel. Né à Grenoble en 1865, M. Serge Bastet avait collaboré au National, à Gil Blas, au Matin, au Figaro, à l'Information, au Petit Parisien.

Ce brillant journaliste avait dirigé le théâtre Femina et laisse un certain nombre de romans et de pièces de théâtre.

Mort d'Antonio de la Gandara. — On annonce la mort du peintre estimé et à la mode Antonio de la Gandara, décédé subitement le 1er juillet dans son atelier au 22 de la rue Monsieur-le-Prince.

Né à Paris en 1862, d'un père Espagnol et d'une mère Anglaise, il avait obtenu, au Salon de 1885, une mention honorable et presque aussitôt le succès lui était venu, comme portraitiste, et c'est en cette qualité qu'il se vit décerner une médaille d'argent à l'Exposition universelle de 1900.

Antonio de La Gandara était en outre une des figures les plus fines du Quartier Latin.

C'était encore un des peintres mondains qui avait le plus d'accent.

Ses portraits de Leconte de Lisle, de Paul Verlaine qu'il avait beaucoup connu, du comte Robert de Montesquiou à la Canne, de la comtesse de Montebello, de la comtesse de Noailles, de la princesse de Chimay, de Jean Lorrain, de la Dame à la rose (Mme Salvator), d'Ida Rubinstein sont célèbres.

Il avait aussi fait le portrait de Jean Moréas, dont la reproduction est en tête de l'édition définitive des Stances, et le portrait d'André Rouveyre. Intime de Jean Moréas, Antonio de la Gandara avait été appelé pour assister comme témoin le notaire qui devait rédiger le testament du poète déjà paralysé par la mort proche. Il y avait là d'autres amis de Moréas : André Rouveyre et Adolphe Willette ; mais il manquait un quatrième témoin. On fit venir un petit bossu : « Vous êtes bossu, dit Moréas dont la langue s'embarrassait déjà, mais dont l'accent restait autoritaire. Asseyez-vous !

Dans les derniers temps de sa vie, Antonio de la Gandara, qui n'avait jamais quitté le Quartier Latin de sa jeunesse et était resté fidèle à son atelier de la rue Monsieur-le-Prince comme à son cher Luxembourg, était devenu très croyant.

Son livre de chevet a été jusqu'à sa dernière heure Don Quichotte auquel cet homme svelte, épris d'idéal féminin, aimait à se comparer.

Avec lui disparaît un important témoin, de celte époque charmante, féconde, un peu dévergondée et singulière où Jean Lorrain donnait le ton.

Les portraits de femme d'Antonio de la Gandara serviront à caractériser son temps et ce caractère ne sera ni déplaisant, ni dépourvu d'élégance.

Ce qui distingue les portraits d'Antonio de la Gandara, c'est un certain souci de l'atmosphère, le charme alangui de la palette et l'allure distinguée qu'il savait donner à ses modèles.

Il a laissé aussi des paysages, mais ce sont ses portraits qui sauveront de l'oubli le nom de ce peintre mondain qui fut l'ami des littérateurs de son temps et leur dut sa rapide notoriété.

Il ne fut mêlé à aucune des luttes artistiques de son temps et l'on peut dire que l'important domaine de l'art moderne lui demeura entièrement fermé.

Mercure de France, 16 juillet 1917, p. 376-377.


A consulter :

Gabriel Badea-Päun :

« Entre mondanité et mécénat — les avatars d'une relation, Robert de Montesquiou et Antonio de La Gandara », Revue de la Bibliothèque nationale n° 25, 2007

« Antonio de La Gandara (1861-1917), naissance d'un portraitiste mondain. L'exposition chez Durand-Ruel, avril 1893 », conférence à la Société de l'Histoire de l'Art français, présentée à l'Institut National d'Histoire de l'Art, Paris, le 18 novembre 2006

« Un intermezzo lithographique — les estampes d'Antonio de La Gandara », Nouvelles de l'estampe, n° 207, juillet-septembre 2006, p. 23-36

« De l'atelier de Gérôme au cabaret du Chat noir. Les années de formation d'Antonio de La Gandara (1861-1917) », Le Vieux Montmartre, nouvelle série, fascicule n°75, octobre 2005, p. 12-36

Antonio de La Gandara, sa vie, son œuvre (1861-1917), catalogue raisonné de l'œuvre peint et dessiné, thèse de doctorat sous la direction du M. le professeur Bruno Foucart, Paris IV Sorbonne, 2005

§

Xavier Mathieu, Antonio de La Gandara. Un témoin de la Belle Epoque, 1861-1917, préface de Jean-Louis Debré, Paris, Edition Librairie des Musées, 2011, 306 pages, 49 €. ISBN : 9782354040215

Antonio de La Gandara, par Xavier Mathieu

§

La Tribune de l'art

§

Gabriel Badea-Päun, Portraits de société, Citadelles et Mazenod/The Society portrait, Thames & Hudson, Londres et Vendôme Press, New York, 2007