Echos divers et communications |
Yonville-l'Abbaye, le 22 Janvier 1893. Monsieur le Rédacteur, L'heure douloureuse que nous traversons, plaie béante au flanc de notre valeureuse patrie, sera vite cicatrisée une fois que le glaive vengeur et impitoyable de la justice aura foudroyé dans leur ignominie les âmes vénales {non moins que cupides) qui ont cru pouvoir impunément s'enrichir de la sueur des petits capitalistes qui voyaient une Colchide dans le percement de cet isthme... qui n'a d'ailleurs plus aucun nom dans aucune langue ! Les immortels principes de 1789 sont là qui planent, indéracinablement plantés dans un terreau que tant de sang répandu voilà cent ans rend éternellement fécond ; et une société qui a de tels principes, forgés par le vent des révolutions, n'a pas à craindre de voir son hermine éclaboussée par le souffle infect et paludéen de l'agiotage. La France sortira donc triomphante et candide (candida, sens latin) de cette épreuve qui ressemble à un cercle du Dante. Toutefois, et dès maintenant, une question formidable se dessine à l'horizon : Mane, Thecel, Pharès qui bat dans tous les coeurs français à Yonville du moins, où il semble que la population marche dans les traces de l'esprit clairvoyant et généreux de notre père regretté, si patriote que le pouls de la chose publique et le sien n'en faisaient qu'un. Or, ce point d'interrogation si gigantesque que le sommet en accroche la nue (et l'image n'est pas exagérée, comme vous l'allez voir), nous nous adressons à vous pour le poser publiquement et, si faire se peut, inviter qui de droit à le résoudre. Sans plus d'ambages, voici (veuillez faire imprimer en caractères voyants) : Dans le cas plausible puisqu'il est en correctionnelle où son constructeur serait condamné, même si peu qu'on voudra, comment appellerait-on la Tour Eiffel ? Nous n'en voulons pas dire davantage. Du reste, nous ne le pourrions pas. Cette tour, notre gloire !... L'indignation nous étouffe ! Agréez, etc. FRANKLIN et NAPOLÉON HOMAIS Pharmaciens de 1re classe à Yonville-l'Abbaye, MERCVRE. Mercure de France, février 1893, p.192 |