Gustave Kahn (1859-1936) |
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1. « Entretien sur le vers libre et Gustave Kahn », La Revue blanche, n° 9, 25 juin 1892 2. « Gustave Kahn », Le Livre des masques, 1896 2. « Gustave Kahn », Le Livre des masques, Mercure de France, 1896 GUSTAVE KAHN Domaine de Fée, un Cantique des cantiques récité par une voix seule, très douce et très amoureuse, dans un décor verlainien ô éternel Verlaine ! Ô bel avril épanoui, Voilà le ton. C'est très simple, très délicat, très pur et parfois biblique : J'étais allé jusqu'au fond du jardin Dilectus meus descendit in hortum... mais ici le poète, aussi chaste, est moins sensuel : l'oriental a revêtu comme un surplis une âme d'Occident, et s'il cultive encore des lys dans son jardin clos, des grands lys blancs, il s'est instruit au plaisir de s'en aller, par de secrets sentiers connus des fées « qui rient sans bruit dans le forêt », cueillir les liserons, les genêts, Et les fleurettes aventurières le long des haies. Ce poème de vingt-quatre feuillets est sans doute le plus délicieux livret de vers d'amour qui nous fut donné depuis les Fêtes galantes et avec les Chansons d'amant les seuls vers peut-être de ces dernières années où le sentiment ose s'avouer en toute candeur, avec la grâce parfaite et touchante de la divine sincérité. S'il reste encore, en quelques-unes des pages, un peu de rhétorique, c'est que M. Kahn, même aux pieds de la Sulamite, n'a pas renoncé à nous surprendre par une adresse toujours neuve de jongleur et de virtuose, et s'il traite parfois la langue française en tyran, c'est qu'elle a toujours eu pour lui des complaisances d'esclave. Il abuse un peu de son pouvoir, donnant à tels mots des significations trop d'à côté, pliant les phrases à une syntaxe trop sommaire, mais ce sont de mauvaises habitudes qui ne lui sont pas exclusivement personnelles ; il n'emprunte à nul sa science du rythme et sa maîtrise à manier le vers rénové. M. Kahn fut-il le premier ? A qui doit-on le vers libre ? A Rimbaud, dont les Illuminations parurent dans la Vogue en 1886, à Laforgue qui à la même époque, dans la même précieuse petite revue que dirigeait M. Kahn publiait Légende et Solo de Lune, et, enfin, à M. Kahn lui-même ; dès lors il écrivait : Voici l'allégresse des âmes d'automne, et surtout à Walt Whitman, dont on commençait alors à goûter la licence majestueuse. Cette minuscule Vogue, qui, aujourd'hui, se vend au prix des parchemins à miniatures, qu'elle fut lue sous les galeries de l'Odéon, et avec quelle joie ! par de timides jeunes gens enivrés de l'odeur de nouveau qui sortait des pâles petites pages ! Le dernier recueil de M. Kahn, la Pluie et le Beau Temps, n'a pas modifié l'opinion que l'on a de son talent et de son originalité : il y demeure égal à lui-même avec ses deux tendances, ici moins bien d'accord, au sentiment et au pittoresque, très visibles si l'on compare avec Image, si dolent cantique, O Jésus couronné de ronces, le Dialogue de Zélanae, Bonjour mynher, bonjour myffrau, joli et doux comme telle vieille estampe d'almanach. Voici, dans le ton moyen, un lied qui est vraiment sans défaut : L'heure du nuage blanc s'est fondue sur la plaine En reflets de sang, en flocons de laine, L'heure du nuage d'or a pâli sur la plaine, L'heure du nuage d'or a crevé sur la plaine, L'heure du nuage d'or a passé sur la plaine Des mots, des mots ! Sans doute, mais bien choisis et mêlés avec art. M. Kahn est avant tout un artiste : il est quelquefois davantage. A consulter : Remy de Gourmont vu par Gustave Kahn |