Louis Veuillot, coll. Vincent Gogibu

1. « Louis Veuillot », Le Fin de l'art, 1925


1. « Louis Veuillot », La Fin de l'art, Les Cahiers de Paris, 1925, pp. 62-63

Louis Veuillot

On vient de célébrer assez discrètement le centenaire de Louis Veuillot. Les centenaires nous fixent sur la date de naissance des hommes momentanément célèbres ou qui le furent. J'ai donc appris avec plaisir que celui-ci était né en 1813. On parlait encore beaucoup de lui au temps de ma jeunesse. Ce fut même son grand moment d'autorité politique, car les catholiques étaient au pouvoir et il triomphait, quoique avec mauvaise humeur, car ce n'était pas un homme amène. Cependant, dès cette époque, son heure littéraire était passée : elle s'écoula sous le second Empire. Il essaya de la fixer en recueillant ses plus pittoresques chroniques parisiennes sous le titre des Odeurs de Paris. Ce livre, qui m'avait amusé quand je le découvris, a bien vieilli, mais beaucoup moins que tant d'autres de la même époque et du même genre. On peut encore le relire, mais qui oserait relire Roqueplan ou Aurélien Scholl ? Ce qui a conféré une certaine durée à la verve journalistique de Veuillot, c'est son âpreté. Cet homme ne sourit jamais, il ricane. Sans doute, il est plaisant de le voir dépiauter ces mauvais écrivains qui pullulaient déjà, mais on souffre un peu de le voir confondre avec la tourbe les Heine et les Renan. Les confond-il ? Oui et non : mais jamais il n'a reconnu qu'on pouvait être à la fois un penseur et un libre-penseur, un sceptique et un sage. Pour lui, l'écrivain qui ne va pas à la messe n'est pas loin d'être un misérable, et quand on raille la religion, on est bon pour l'échafaud. On ne peut pas dire qu'il est de mauvaise foi. Il est ainsi fait. Il est catholique et tout ce qui n'est pas catholique lui semble digne de mépris. Cet état d'esprit ne me déplaît pas et même j'en aime la rudesse. Avec les Veuillot on sait à quoi s'en tenir. Tant d'autres sont de déplorables amphibies !

Louis Veuillot par Nadar, coll. Vincent Gogibu

[page réalisée grâce à Vincent Gogibu]