N° 3, 1909, p. 191

REVUE DES REVUES

Les Argonautes (février). – M. REMY DE GOURMONT y publie des vers souples et parfumés comme le sourire ambigü [sic] du printemps.


N° 6, 1923, p. 339-341

LA LITTERATURE

PAUL ESCOUBE : La femme et le sentiment de l'amour chez Rémy de Gourmont. Mercure de France.

Rémy de Gourmont demeurera certainement au nombre de nos grands écrivains, nombre de ses pages ne passeront pas. Nul plus que lui n'aima les idées, ne fit mieux étinceler toutes leurs facettes, n'excita davantage l'intelligence de son lecteur. Mais peut-être fut-il de ces auteurs dont l'œuvre impose plus l'admiration qu'elle n'attire l'amour. L'étude approfondie qui fait l'objet de cette note ne vaut pas seulement, par son analyse si fine et pleine de chaleur, elle continuera en outre à bien faire connaître l'âme véritable de l'auteur des Epilogues et à le faire aimer. Au travers d'une pensée extrêmement nuancée et dont la surface seule n'était sans doute pas contradictoire, nous parviendrons, avec l'aide de ce fil subtil qu'est le commentaire de M. Escoube, à retrouver « derrière cette pudeur suprême : la fierté ; tous les battements du pauvre cœur humain ». Et malgré l'attrait de tous les jeux intellectuels, nous en revenons toujours à chercher l'homme sous l'écrivain.

Comment pourrions-nous croire qu'une œuvre aussi nuancée et aussi riche que celle de Rémy de Gourmont ne contiendrait pas « ce fonds d'humanité générale par où l'esprit le plus dédaigneux des humbles prouve l'humilité originelle » ?

Certes parmi le tissu, par endroit si touffu qu'il en paraît inextricable, de toutes les idées dont regorge cette œuvre complexe, il ne semblait pas facile de discerner celles que l'auteur accueille avec curiosité d'entre celles qu'il anime complaisamment ou dont il entend parer un sentiment vrai. Mais si l'on parvient à démêler dans cet écheveau les éléments qui expriment réellement l'âme la plus secrète de celui qui tenait la plume, nous aurons le dernier mot d'un drame de l'esprit, qui s'acheva en tragédie du cœur et dont nous n'avions pu jusqu'ici que pressentir l'existence. Rien ne peut nous émouvoir davantage qu'un tel conflit, aussi noble que douloureux.

En étudiant la représentation de la femme dans l'œuvre de Rémy de Gourmont, en recherchant quel sentiment de l'amour il a professé, nous tiendrons la clé d'un mystère apparent, créé par « les aspirations instinctives d'un cœur sentimental et les exigences d'un esprit qui veut vivre au-dessus de la vie ».

L'amour des idées pour les idées, ce culte de l'abstraction que Rémy de Gourmont montra dès ses premiers écrits, lui firent dédaigner les nécessités de l'existence, et s'il parvint quand même à saisir la vérité concrète, ce ne put être qu'au prix d'une dure expérience. Son orgueil a dû l'en détourner longtemps, mais dans une âme de cette qualité l'orgueil ne saurait se confondre avec un entêtement stérile, et Gourmont se plut toujours à reconnaître tous les différents visages de ses découvertes.

Cet homme, qui fut parmi nous le plus intelligent disciple de Nietzsche, s'est à son tour penché avec compassion sur le cœur déchiré de ceux qui n'ont pas rencontré l'amour. « En vérité, pour que l'esprit ait consenti à une telle attitude, il a fallu que le cœur, accablé de quelque drame profond, criât sa révolte et son désespoir. » C'est qu'en réalité on a beau ne vouloir vivre que par l'esprit et agiter des idées comme des flambeaux indifférents, il arrive un jour ou l'autre de ressentir la chaleur de leur flamme jusqu'au point d'en éprouver parfois une brûlure cuisante. Et, comme le fait avec tant de justesse remarquer M. Escoube, « ce qu'un homme, après de longues méditations, écrit sur la destinée du monde, a des racines perdues dans sa sensibilité, et prendre en métaphysique telle position de négateur, c'est – quelquefois – à travers tout un illusoire fatras, l'aveu caché qu'un baiser nous fut refusé. » Et l'œuvre de Gourmont n'est pas la seule que nous aurions profit à scruter à la lueur de cette remarque !

N'est-ce point encore un aveu dont il faut tenir grand compte que cette phrase des Lettres à l'Amazone : « il faut donner à sa vie une certaine couleur de bonheur, ne fût-ce que pour éviter la pitié de ses semblables. » On voit mieux après cela de quoi fut fait en réalité son épicurisme, et comment, après avoir désiré la mort tous les matins à son réveil, il se consolait avec tous ces petits bonheurs qu'il accueillait d'un cœur avide et qui étaient : « boire un grand verre d'eau au citron, fumer des cigarettes, aller regarder les arbres et les femmes, parfois même écrire... »

Remercions M. Paul Escoube de nous avoir mis à même de pénétrer le secret d'une âme pudique et fière.

H. M. [Henri Martineau]


N° 2, 1926, p. 84-85

LA LITTERATURE

REMY DE GOURMONT : Nouvelles Dissociations. Editions du Siècle.

Assister à la projection d'un Pathé journal de 1910 est un spectacle touchant. Joie d'être sorti d'un passé qu'on a fixé absurdement, sensation de s'être enrichi – de quoi ? mon Dieu ! – : il n'en faut pas plus pour nous inciter à un rire de supériorité. A la lecture de ces Nouvelles Dissociations (suite de « papiers » parus hebdomadairement entre 1910 et 1915 ; mais quand donc nous fera-t-on grâce de tous les fonds de tiroirs des morts ?), il semble qu'on ressente ces mêmes impressions. Mais aussi bien comment ne pas trouver astringente la soumission d'un tel esprit à l'actualité ? A commenter les faits de la semaine la pensée pourtant profonde et souple de Remy de Gourmont se limite, parcourant un monotone cycle sans issue, revenant au sens commun abhorré par le jeu compliqué des paradoxes et contre paradoxes. Stériles résultats pour de maigres sujets. Mesurage d'une langue admirablement riche et pure pour seulement préparer quelques thèmes de conversation à des perruches de salon. Heureusement la personnalité de l'auteur de Sixtine ne se perd point si facilement. Au hasard des pages on rencontre quelques idées originales ou quelques prophétiques pensées, qu'on regrette de voir aussi brièvement traitées mais qui démasquent le génie refoulé par le nombre de lignes à remplir.

L. Ch. [Louis Chéronnet]


N° 4, 1926, p. 183

LA LITTERATURE

REMY DE GOURMONT : La fin de l'art.

[...] Auparavant nous avions goûté un recueil de Remy de Gourmont où quelques-uns encore de ses billets au jour le jour, toujours alertes et d'un tour si personnel, se lisent avec un intérêt constant, et parfois désenchanté. [...]

H. M. [Henri Martineau]


N° 8, 1926, p. 380

LA LITTERATURE

HECTOR TALVART : Réflexions morales sur la Mode, l'Amour et l'Epiderme des Femmes. Paris, Goulet.

Ce petit volume est précieux à la fois par son petit tirage, sa présentation distinguée, l'aquarelle-frontispice de Louis Suire, et plus encore par son texte de choix. Depuis les épilogues de Remy de Gourmont à qui le livre est dédié, nous n'avions point lu de réflexions plus pertinentes, plus liées et qui davantage approfondissent nos connaissances sur le sujet délicat de l'amour physique. [...]

H. M. [Henri Martineau]

[textes entoilés par Mikaël Lugan, décembre 2005]


N° 76, février 1922

Le Souvenir de Jean Pellerin, avec la collaboration de Francis Carco, Philippe Chabaneix, Tristan Derème, Fernand Divoire, Roland Dorgelès, Francis Eon, Georges Huisman, Pierre Mac Orlan, Eugène Marsan, Henri Martineau, Emile Zavie. Orné d'un portrait, par Maurice Asselin.


N° 94, décembre 1923

Pierre Lièvre : Louis de la Salle
Henri Duclos : Poèmes alexandrins
Kikou Yamata : Pour l'amour du chevalier Asahina, soleil levant

LES CHRONIQUES : Emma Cabire ; Philippe Chabaneix ; Fagus ; Henri Martineau ; Edmond Pilon ; Raymond Schwab ; François Serzais.

La Poèmes. — Les Romans. — La Littérature.


N° 189, octobre-novembre 1934

50 lettres de Fagus, avec un portrait, par Frédéric Front [lettres à : Henri Béraud, André Billy, Mlle Marie-Louise Boudat, Philippe Chabaneix, Mme A. Chaumat, Léon Deffoux, Roland Dorgelès, Mme Dussane, Francis Eon, Mme Lucy Humbert, Guy Lavaud, Jean Lebrau, Pierre Lièvre, Marcel Longuet, Edgar Malfère, Henri Martineau, Henry Mercadier, Edmond Pilon, J.-J. Rabéarivelo, Rodin, Paul Valéry, Emile Zavie,


N° 250, avril-juin 1944

Henri Martineau : Jean Giraudoux
Touny-Lerys : La danseuse aux tulipes
Daniel Halévy : J.-E. Blanche et Renan
Y. Ferrand-Weyher : Sonate poétique
Victor Bernard : Les poèmes de Muselli
Jacques Nanteuil : Chansons
Mis de Luppé : L'Olivier de la duchesse de Duras

LES CHRONIQUES : Daniel Halévy ; Henri Martineau ; Maurice Parturier.

Petites notes stendhaliennes. — La Poésie. — La Littérature. — Le Théâtre.


N° 251, juillet-septembre 1944

Jean Soulairol : Paul Verlaine
Claude Fourcade : Poèmes
Pierre Labrouche : P.-J. Toulet
P.-J. Toulet : La vie n'est qu'un songe
Francis Eon : Tiers-livre de Monelle
Gabriel Faure : Le rossignol de Pérouse

LES CHRONIQUES : Pierre Jourda ; Henri Martineau.

Petites notes stendhaliennes. — La Littérature.


N° 256, octobre-décembre 1945

Jean Soulairol : Grandeur de Valéry
Pascale Olivier : Chants d'un autre monde
P.-J. Toulet : Notes d'un électeur
René Martineau : Balzac influencé par Stendhal
Jacques de Maupeou : Iles
André Payer : Louis Mandin

LES CHRONIQUES : Louis Bombet ; Marion Lièvre ; Henri Martineau ; François Michel ; François Serzais ; François Vermale.

Petites notes stendhaliennes. — Les Romans. — La Littérature. — Les Poèmes.


N° 260, octobre-décembre 1946

Eugène Marsan : Pages retrouvées
Gilbert Charles : Poèmes
Gabriel Faure : Les roses de Paestum
Henry Charpentier : Cires perdues
Pierre Josserand : Le chapelet de Mérimée
V. del Litto : Le bataillon de l'espérance
Cécile Perin : Poèmes
Tristan Derème : De l'harmonie des vers français (III)

LES CHRONIQUES : Louis Bombet ; Marion Lièvre ; Henri Martineau ; François Michel ; Pascale Olivier ; François Serzais ; Arthur Villiers.

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N° 263, juillet-septembre 1947

Jacques-Fernand Cahen : A propos de deux études shakespeariennes
Y. Ferrand-Weyher : Versailles retrouvé
James Hayden Siler : Stendhal et l'Amérique
Cl. Badalo-Dulong : Saroyan et l'art de la nouvelle
Pierre Autize : Mon pays
P.-J. Proudhon : Lettres inédites

LES CHRONIQUES : Pierre Arrou ; Claude Badalo-Dulong ; Louis Bombet ; Philippe Chabaneix ; Pierre Jourda ; Marion Lièvre ; Henri Martineau ; Pascale Olivier ; Jacques Sermaise ; François Serzais.

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N° 266, avril-juin 1948

Roger Monteil : Pierre Lièvre
Guy Lavaud : Automne
François Michel : Le fiscal Rassi dans la Chartreuse
Claude Fourcade : Talismans
Silvana Civai : Un billet de Stendhal
François Vermale : Le Philippe Vane du Rouge et Noir
René Silvy : Poèmes de l'ombre et de la fumée
Jean Soulairol : La Grèce et la poésie moderne

LES CHRONIQUES : Louis Bombet ; Jacques F.-Cahen ; Pierre Jourda ; Marion Lièvre ; V. del Litto ; Henri Martineau ; François Michel ; Pascale Olivier ; François Serzais.

Petites notes stendhaliennes. — La Littérature et l'Histoire. — Les Romans.


N° 270, avril-juin 1949

Jean Soulairol : Barrès toujours présent
Guy Chastel : Dizains
François Bardin : Un curieux touriste
Roger Savignac-Fleury : Cinq rondeaux
Remi Bosselaers : Les tempéraments selon Stendhal

LES CHRONIQUES : Claude Badalo-Dulong ; Louis Bombet ; Pierre Jourda ; Marion Lièvre ; Henri Martineau ; François Michel ; François Serzais.

Petites notes stendhaliennes. — La Littérature. — La Poésie — Les Romans.


N° 273, janvier-mars 1950

François Michel : Les amours de Sienne
Philippe Chabaneix : Huit nocturnes
Henri Martineau : Un livre sur Toulet
Pierre Josserand : Encore le fiasco de Joseph Delorme
François Bardin : Un Egoïste

LES CHRONIQUES : Pierre Arrou ; Claude Badalo-Dulong ; Louis Bombet ; M.-M. Cahen ; R. d'Illiers ; Marion Lièvre ; F. Marrill ; Henri Martineau ; Pascale Olivier ; André Payer ; François Serzais.

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N° 281, janvier-mars 1952

François Laveissière : Mon Père, ce héros...
Camille Drevet : Journées de Claix
Yvonne Ferrand-Weyher : Poèmes
Jean Feyrin : Oloron-Sainte-Marie
Pierre Martino : Les heures espagnoles de Stendhal
Gaétan Sanvoisin : Les quatre-vingts ans de Paul Léautaud

LES CHRONIQUES : Jules C. Alciatore ; Pierre Arrou ; Claude Badalo-Dulong ; Louis Bombet ; Philippe Chabaneix ; Georges Durry ; Marcel Durry ; Françoise Geoffroy ; Marion Lièvre ; Henri Martineau ; François Michel ; Pascale Olivier ; Pierre Rossillion ;François Serzais.

Petites notes stendhaliennes. — La Poésie — Le Roman et le Théâtre. — La Littérature et l'Histoire.


N° 282, avril-juin 1952

Gabriel Faure : Retour à Padoue
Tristan Klingsor : Alminhac
François Michel : Un mélomane ami de Stendhal
Philippe Chabaneix : Deux poètes des Antilles
Léon Laleau : Quatre poèmes
Claude Pichois : Contribution à l'histoire du stendhalisme
Hélène Wolkonsky : Impressions
Henri Martineau : Jean-Marc Bernard et Paul Léautaud

LES CHRONIQUES : Claude Badalo-Dulong ; Louis Bombet ; Fernand Dauphin ; Marion Lièvre ; Henri Martineau ; François Michel ; Pascale Olivier ; François Serzais ; Jean Soulairol.

Petites notes stendhaliennes. — La Poésie — Le Roman et le Théâtre. — La Littérature et l'Histoire.


N° 283, juillet-septembre 1952, p. 409-413

André Rouveyre : L'orgueil ombrageux de Gourmont
P. P. Trompeo : Stendhal maître d'anglais
Léon Vérane : Quatre poèmes
François Michel : M. et Mme Lavenelle
Jean Soulairol : Victor Hugo et la mort
Pascale Olivier : In Memoriam
V. Del Litto : Pour le dossier de Chérubin Beyle
Albert Flory : Poèmes
Henri Martineau : Reliques de Jean Pellerin

LES CHRONIQUES : Louis Bombet ; Georges Durry ; N. F. Imbert ; Marion Lièvre ; Henri Martineau ; Pascale Olivier ; Claude Pichois ; Pierre Rossillion ; François Serzais.

Petites notes stendhaliennes. —

Le Roman.— La Poésie — La Littérature et l'Histoire.

L'ORGUEIL OMBRAGEUX DE GOURMONT

Il apparaît ainsi, aujourd'hui, tel que nous l'avons connu dans sa personne, et tel qu'il restera par ses livres au regard de cet ensemble de lecteurs silencieux qui se perpétue de générations en générations et qui, en retenant ses écrivains, forment la postérité. La position réelle de Gourmont dans la littérature française est encore méconnue ici. Recouverte par un criminel ostracisme son œuvre n'en a mûri que mieux ; ne s'en affirme que davantage dans sa permanence, dans sa séduction voltairienne. Redoutée donc à proportion, et à juste raison, par les exploitants industriels de la médiocrité pullulante. A l'approcher, un dégénéré entrait en transes: « ... Et je cherche à comprendre mieux ma souffrance auprès de lui. Elle vient, je crois, aussi bien en lisant ses écrits, de ce que sa pensée, chez lui, n'est jamais vive et souffrante ; il reste toujours outre et la tient comme un instrument. Ses raisonnements, car il raisonne fort bien, ne sont jamais involontaires. Sa pensée ne saigne jamais quand il y touche ; c'est ce qui lui permet d'y opérer facilement. Il brutalise. Quel chirurgien sans cœur ! Et que je souffre auprès de lui. Cette matière abstraite qu'il saisit, demeure en moi si palpitante ! » — Tel était l'avis d'un névropathe (a).

Quelle admirable existence posthume que celle de Gourmont, où la permanence recouverte de l'œuvre ressemble si bien à ce qu'avait été l'attitude de la personne passagère... Sombre et glorieux destin à une œuvre si généreuse que d'être à la fois si riche de substance et, glorieusement pour elle, d'avoir été et d'être encore embastionnée dans une obscurité tacitement concertée (1), alors qu'elle est en vérité un tel phare, et que l'avenir est à elle.

Toujours est-il que partout ailleurs qu'à Paris (notre cher Paris, capitale aussi de la vanité), dans le monde, le Mercure de France de Vallette, cette assemblée d'esprits libres, avec, conduisant le char, le centaure Gourmont, apportait l'émotion spirituelle ardente de cette permanence des lettres en ignition dans la sorte de cuve où frémissaient comme un vif argent la pensée française, et la langue française, proses, poésies... à partir du culte des œuvres et des conceptions classiques et jusqu'aux plus neuves tentatives. Survivance et revigoration à la liaison de tout cet ancien avec le présent d'alors. Liaison soudée et consacrée sur le champ et définitivement par les écrits du génial et savoureux critique du Mercure.

On ne sait pas actuellement ici combien les bibliothèques de l'étranger latin des deux continents sont, à l'égard de la littérature française, fondées sur Gourmont. L'Amérique latine lui a donné de son vivant et lui conserve un véritable culte. L'Espagne, l'Italie, l'Angleterre sous l'impulsion de Huxley, d'Aldington, de Garnet Rees, la Belgique, et pour ne citer que nos plus proches voisins, étaient et sont pénétrées de ses écrits, lui gardant leur culte et, chez les jeunes gens, avec une véritable tendresse. Ici, et jusque tout à l'heure, un public abîmé par la tromperie a longuement subi le pire étalage incontinent exclusif et journalier du pédérastique, du confessionnel et de l'artificieux.

On l'a convaincu, à longueur de commentaires, ce public innocent, que cela, ce tout venant, tout ce linge sale journalier d'un Gide et tributaires, c'était l'art. Bref, tout ce qu'on est en train de balayer...

L'importance de Gourmont dans les lettres, au cours de l'époque qui a été de 1880 à 1914, a été puissante et fondamentale. D'abord il a donné au symbolisme sa vraie signification. Il l'a introduit. Sa critique saisissante et clairvoyante l'a éclairé et situé, dès la fin du XIXe siècle, avec une générosité exégétique telle qu'on n'en avait pas connu de pareille depuis Sainte-Beuve. Il a vraiment galvanisé le mouvement symboliste dans son ensemble, et singulièrement l'œuvre de Mallarmé (2). Il a présenté, jeune homme, aux jeunes hommes d'alors, un tableau vivant et attachant de la poésie qui a certainement ému et réconforté bien des vocations. Il a déterminé la liaison et la continuité entre cette période symboliste-là et l'effervescence poétique nouvelle dans les deux tomes de son livre des Masques, véritable reliquaire essentiel de ce qui venait de s'accomplir.

Dans le même temps qu'il découvrait ce qui venait d"être et était encore en action, il se montrait pépiniériste de ce qui allait naître. Il était entraînant à ceux chez qui la belle ardeur de créer se manifestait. Ce fut alors que, selon son impulsion déterminante, non seulement ses écrits donnaient une fondation critique à la fois au symbolisme récent et au faisceau des poètes qui produisaient déjà ou bien qui se formaient, mais encore la maison d'édition conjointe à la revue se mit à publier leurs ouvrages et une anthologie des Poètes d'aujourd'hui fut éditée (3).

Je doute s'il y eut jamais au service de la poésie, tant du passé, que celle du présent et de l'avenir, un critique plus généreux et ni pratiquement plus actif envers cette chose sacrée en France et dans le monde. A l'égard d'Apollinaire il avait un accueil affectueux, compréhensif et avec une sorte de fierté paternelle.

Gourmont eut à subir deux vigoureux dissolvants physiques : ce lupus qui dès sa trentième année le défigura impitoyablement ; et la sensualité intense de son imaginatif. Mais, intelligence aiguë et caractère farouche, il sut mesurer son destin, le soumettre, s'y organiser pratiquement et, nonobstant, produire sa somme. C'est à son mépris de hobereau provincial à l'égard de toute représentation personnelle, puis ultérieurement, et comme répondant de façon dramatique à sa préférence à vivre retrait, lorsque ce mal redoutable survint à sa face, que son œuvre, frémissante à ses vigoureuses contractions et concentrations personnelles, put atteindre à cette réussite exaltante à la fois de fermeté objective intégrale et suffisante, d'une calme et profonde satisfaction, où les contrariétés qui paraissaient à autrui devoir lui être les plus amères — voire les plus tragiques — se trouvaient, chez celui qui les subissait et qui les réfléchissait avec fermeté, positivement apprivoisées. C'était affaire d'aplomb philosophique et de cran moral. Sur ces points, dans sa vie comme dans l'ensemble de ses œuvres, et même jusque dans les efforts hardis de ses parties manifestement inférieures à son principal, principal qui est la puissance critique créatrice, Gourmont apparaît comme un généreux fondateur. Un exemple communicatif de ce que la conquête, la maîtrise de soi prioritaires, vont à réduire les pires contraires et à dresser l'idéal en des textes concrets. Il peut vivre celui qui réalise en lui-même telle souple et solide aventure, et son prestige est remarquable. Il peut vivre et mourir comme il faut. Rien ni quiconque ne peut agir — sinon tout momentanément — à l'encontre d'un tel édifice bien posté.

Ce qu'écrivait de lui Henri de Régnier, en 1927, reste bien vrai : « Il est notre Montaigne, il est notre Sainte-Beuve, il est notre Gourmont. »

Quand Gourmont n'écrivait que seulement préoccupé de sa libre critique, alors c'était son génie qui se manifestait : la suite des Promenades littéraires, ou les dissociations. Lorsque, vers la fin de sa vie, il s'abandonna dans la sérénade, encore n'était-il pas dupe. Concurremment, il décrivait l'histoire de Guillaume de Machaut et de Péronne d'Armentières comme si cette aventure était sa propre conjoncture crépusculaire dans le département de l'amour.

La déclivité finale de Gourmont, et si vivante et spirituellement délicieuse que son occupation littéraire s'y soit montrée, reste comme un témoignage exprès de notre inconséquence et de notre déraison, parfois, et jusque chez les meilleurs, lorsque nous approchons les femmes.

(a) André Gide, pour le nommer (note des Amateurs).

(1) Malgré certains avertissements sporadiques, produits çà et là au cours des années, depuis les trois tomes des Témoignages de Marcel Coulon (Mercure, édit. 1910) : entre autres de Gabriel Brunet et de Paul Léautaud (Mercure de France du 1er octobre 1935 ; de Richard Aldington, dans les suppléments littéraires du Times (notamment en 1922) ; de Robert Kemp, dans la Revue de Paris, en 1949 ; Henri de Régnier, Nouvelles Littéraires du 18 juillet 1931 ; Marcel Longuet ; Thierry Maulnier, Action Française, 10 octobre 1935 ; Gaston Picard, Nouvelles Littéraires du 28 septembre 1935. Puis la thèse de doctorat de l'anglais Garnet Rees (Boivin, édit.), où incidemment, l'influence considérable de Gourmont sur la littérature anglaise est mise en relief. Le livre d'Escoube, Mercure, éd. (1923). Etc.

(2) Comme il aurait été ravi aujourd'hui par la découverte de M. Chassé : que la clef de la poésie de Mallarmé est dans le Littré !

(3) Demandée à MM. van Bever et Paul Léautaud, lesquels s'en acquittèrent avec soin.


N° 286, avril-juin 1953

Jean Soulairol : Marcel Proust
Henri Duclos : Poèmes
Pierre Martino : Le premier écrit romanesque de Stendhal
Georges Wolfromm : Pensées
Claude Badalo-Dulong : Lettre de Rome
A.-R. Salmon-Malebranche : Variations pour un ami
Marie-Jeanne Durry : Quatre lettres de Stendhal
Henri Martineau : Sur les traces de Guillaume Apollinaire

LES CHRONIQUES : Claude Badalo-Dulong ; Louis Bombet ; Marion Lièvre ; Henri Martineau ; François Michel ; Pascale Olivier ; François Serzais.

Petites notes stendhaliennes. — L'Histoire et la Littérature. — La Poésie. — Le Roman.


N° 295, juillet-septembre 1955

V. Del Litto : Dans l'entourage de Stendhal
Serge Patient : Aux sources d'un jadis
Pascale Olivier : Proses
Mis de Villeplume : Deux lettres de Mérimée
Louis Pize : Poèmes
Henri Martineau : Paul Léautaud

LES CHRONIQUES : Claude Badalo-Dulong ; Louis Bombet ; J. Burnay ; Catherine Cahen ; Georges Durry ; Anne de La Charrie ; Marion Lièvre ; V. Del Litto ; Henri Martineau ; Pascale Olivier ; François Serzais.

Petites notes stendhaliennes. — La Littérature. — La Poésie. — Le Roman.


N° 300, octobre-décembre 1956

Jean-Louis Vaudoyer : In memoriam
André Rousseaux : Le seigneur Marsan
M. Martin du Gard : Première rencontre avec Eugène Marsan
Henri Martineau : Eugène Marsan et les femmes
Henri Massis : Eugène Marsan écrivain français
Edouard La porte : Stances vénitiennes
Jean Berthet : Poèmes de poche
Jules C. Alciatore : Stendhal et la lanterne magique
Gabriel Faure : Maurice Barrès, compagnon d'Italie

LES CHRONIQUES : Claude Badalo-Dulong ; Louis Bombet ; Gustave Charlier ; Georges Durry ; Anne de La Charie ; Marion Lièvre ; Claude Liprandi ; Henri Martineau ; Pascale Olivier ; Claude Pichois ; Pierre Rossillion ; François Serzais ; Jean Soulairol.

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