La Mouette, novembre 1922.

- « Pensées inédites de Remy de Gourmont »
- « Les journées de Gourmont à Coutances », Marcel Lebarbier
- « Pour Remy de Gourmont », Charles-Théophile Féret


La condition fondamentale d'une bonne prose est qu'elle soit naturelle et rythmique comme un mouvement respiratoire.

Les grands écrivains n'ont pas besoin d'être de profonds grammairiens, ni les peintres n'ont besoin de se répandre en théories sur les couleurs. Velasquez n'y connaissait rien, et quel peintre est supérieur à Velasquez ?

Le principal obstacle contre lequel ont à lutter les débutants dans les lettres est qu'ils ne savent pas que c'est l'essentiel qu'il faut mettre dans un récit et que l'accessoire doit être laissé de côté. C'est pour cela que leurs premières pages, même quand elles dénotent un grand talent, sont puériles et pesantes.

Il faut écrire bien ; mais il est préférable d'exprimer sa pensée sans art mais avec clarté que de la dire d'une façon confuse et embrouillée. Et c'est pourquoi on ne sait pas mieux écrire ou pourquoi le temps nous presse d'écrire.

Les drames et les romans qui se rapprochent le plus de la réalité ne sont pas ceux dont le plan ou la réalisation sont les plus naturels ; mais ce sont ceux qui naissent, après une gestation normale, sans le recours des forceps. Ainsi produisirent Shakespeare et Cervantès, Dickens et Balzac.

Un livre écrit en deux mois peut être le résultat de beaucoup d'années d'étude et de réflexion.

En règle générale, la seule abondance d'un écrivain démontre la superficialité de sa production.

Il est naturel que les ratés se veulent des novateurs, puisque ainsi ils peuvent rejeter sur l'incompréhension du public et sur le misonéisme de la critique la responsabilité de leur insuccès. Ils peuvent compter en outre sur l'enthousiaste défense des snobs.

Remy de Gourmont

[document communiqué par R. Le Texier]