L'après-midi, on allait regarder quelque château des environs.

Ils virent Martinvast, tours, chapelle, arceaux gothiques, ingénieusement pliés à recouvrir sans dommage pour leurs lignes, le frêle luxe moderne. Tourlaville, moins ancien, avait l'air plus vétuste, sous sa robe de lierre. M. Hervart aima la grande tour octogone, la hardiesse des toits incurvés.

Ils virent Pepinvast, tout ajouré, tout en clochetons, tout fleuri de trèfles et d'épis. Ils virent Chiffevast [sic], janus, gothique d'un côté, et Louis XIV de l'autre.

Nacqueville a des parties vieilles ; le principal corps semble contemporain de Richelieu. L'ensemble est grand. C'est, par excellence, le château français, celui que les générations ont maintenu vivant, sans rien cacher de ses origines lointaines.

Le Vast, qui semble tout moderne, plaît par la fraîcheur du site, les cascades où s'amuse la Saire. C'était plus humain que les vastes merveilles qu'ils avaient admirées sans envie. Ici, on laissait se jouer le désir.

- Pourtant, dit M. Hervart, cela a trop l'air d'un grand chalet.

M. des Boys résolut d'établir une cascade à Robinvast. Il regrettait de ne disposer que d'un ruisseau.

Ils revinrent, par La Pernelle, d'où l'œil voit se dérouler tout l'est de la Hague [sic], depuis Gatteville jusqu'à Saint-Marcouf, vaste manteau d'émeraude que la mer, au loin, borde d'un ruban bleu.

On s'arrêta. Rose cueillit des bruyères dont s'emplirent les bras heureux de M. Hervart. La vivacité de l'air animait ses joues et ses yeux. Ils échangeaient des propos aimables.

- N'est-ce pas qu'il est beau, mon pays ?

Un nuage cacha le soleil. Les teintes s'apalirent ; on vit une ombre marcher sur la mer, éteignant son éclat, peu à peu ; mais au sud, vers les îles Saint-Marcouf, elle brillait encore.

- Une pensée triste vient de passer sur le front de la mer, dit M. Hervart, mais voyez ?

Tout, à l'instant, redevenait radieux.

Rose envoya des baisers dans l'espace.

Il fallut reprendre le chemin de Saint-Vast [sic], où l'on avait loué la voiture.

De là, par le petit chemin de fer qui longe un instant la mer, avant de courir sous les pommiers, ils arrivèrent à Valognes.

Le dîner, à l'hôtel Saint-Michel, ne fut ennuyeux que pour M. des Boys, qui commençait à déplorer la longueur de cette excursion. Que de belles architectures, pourtant, à visiter encore, Fontenay, Flamanville. Mais cela représentait de petits voyages.

Nous verrons encore, dit-il, Barnavast, Richemont, l'Ermitage et Pannelier. Cela peut se faire en une après-midi.

Ils ne purent rentrer à Robinvast que fort tard. L'obscurité toléra dans la voiture quelques privautés : la jambe de M. Hervart chercha celle de Rose et la trouva ; leurs mains aussi se rencontrèrent un instant, sous prétexte de maintenir en équilibre les bruyères que Rose tenait sur ses genoux.

(Retrouvez ces châteaux, les amours de Rose des Boys, vierge ignorante, mais désirante, et de M. Hervart, conservateur, plus ou moins conservé, « honnête pervers », trahi par une carte postale... en lisant Un cœur virginal, republié en 1999 par les Editions du Carrousel).